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Procès du couple Fillon : « Il fallait aller vite, l'élection approchait »

Procès du couple Fillon   Il fallait aller vite lélection approchait
Les avocats de François et Penelope Fillon ont plaidé, ce mercredi, « la cassation totale » de l’arrêt qui les a condamnés en 2022, au motif qu’ils n’ont pas été traités « avec indépendance et impartialité ».

Un bon avocat doit être capable de cruauté. Conseil des époux Fillon, Me François-Henri Briard n'en a pas manqué, ce mercredi 28 février, devant la Cour de cassation. On reproche souvent à la justice ses lenteurs. À tort si l'on en croit la célérité admirable avec laquelle elle instruisit l'affaire dont il est ici question : le « Penelopegate ». Avec cette ironie mordante et courtoise dont les « avocats au conseil » ont le secret, Me Briard en a rappelé la chronologie.

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Le 25 janvier 2017, Le Canard enchaîné révèle que Penelope Fillon, officiellement attachée parlementaire de son député de mari – il n'était pas encore Premier ministre –, n'était pas franchement débordée par ce travail, pas plus que par le job de « conseillère littéraire » que son époux avait décroché pour elle à La Revue des deux mondes. Le jour même de la parution du scoop, le Parquet national financier (PNF) déclenche une enquête préliminaire. « Un service de police » est désigné aussitôt pour enquêter sur ces « emplois fictifs ».

Heureux hasard des roulements de service

« L'enquête sera menée au pas de charge puisque le parquet en disposera moins d'un mois plus tard », précise Me Briard. Quelques heures après avoir pris connaissance du rapport d'enquête, Éliane Houlette, procureure nationale financière, rédige un réquisitoire introductif, le 24 février 2017. Une instruction est ouverte et, heureux hasard des roulements de service, l'intraitable juge Tournaire hérite du dossier.

Celui-ci travaille dur et il ne lui faut pas trois semaines pour mettre François Fillon et son épouse, Penelope, en examen, le 14 mars. « On est à quelques jours de la clôture des parrainages de l'élection présidentielle », souligne Me Briard. « Il fallait aller vite, l'élection présidentielle approchait », ajoute-t-il. Il se trouve que François Fillon, vainqueur de la primaire de la droite, a été désigné pour être le candidat de son camp.

À LIRE AUSSI Les confessions de François FillonPeut-on reprocher à la justice de s'être hâtée, elle que l'on dit si lente ? L'excès de zèle, disons plutôt l'ardeur au travail, constitue-t-il un motif de cassation ? Non, bien sûr… Me Briard, qui veut convaincre la haute juridiction que ses clients n'ont pas été poursuivis avec « indépendance » et « impartialité », sort alors sa carte maîtresse : l'enregistrement d'une audition d'Éliane Houlette, entendue trois ans après que l'affaire a éclaté, le 10 juin 2020, par une commission d'enquête parlementaire sur « l'indépendance du pouvoir judiciaire », à l'Assemblée nationale.

« Le plus difficile était de gérer la pression »

François et Penelope Fillon attendent de savoir à quelle sauce le tribunal correctionnel va les manger – trois semaines plus tard, il sera condamné à cinq ans, dont deux ferme, elle à trois ans avec sursis – quand la patronne du PNF, que l'on disait « toute puissante », s'épanche devant la représentation nationale. Elle a des états d'âme et ne se prive pas d'en faire état, se plaignant de la façon dont sa supérieure hiérarchique – la procureure générale Catherine Champrenault – l'a mise sous tension pendant l'instruction de l'affaire Fillon.

À LIRE AUSSI Des pressions sur la procureure ? L'ultime cartouche des époux FillonDevant la chambre criminelle, Me Briard reprend les éléments les plus saillants de ce témoignage sans filtre que l'on pourrait aussi qualifier de rocambolesque, s'il n'évoquait pas la souffrance au travail dont certains magistrats semblent être victimes. « Quand une personnalité politique est mise en cause, le contrôle est très étroit, je l'ai personnellement vécu dans ce dossier, avec parfois deux ou trois demandes [de remontées d'informations, NDLR] dans la même journée », se lamente Éliane Houlette.

« C'était compliqué, témoigne-t-elle. Le plus difficile était de gérer la pression […] du parquet général, qui nous envoyait des demandes de transmission d'informations rapides et quotidiennes, sur tous les actes que nous pouvions accomplir. Le contrôle était très étroit, la pression très lourde. »

Pour finir, la procureure financière fait état d'une convocation à une « réunion » organisée par sa procureure générale, à laquelle elle se rend avec « trois adjoints ». « Le choix procédural que j'avais fait [une enquête préliminaire] ne convenait pas, “on” m'engageait à en changer et à ouvrir une information judiciaire [condition nécessaire pour mettre un suspect en examen]. J'ai d'ailleurs reçu une dépêche de la procureure générale en ce sens. » Elle s'exécutera sans délai.

« Le poison du soupçon »

Tel un pompier pyromane, Éliane Houlette tentera, quelques jours plus tard, d'éteindre l'incendie provoqué par ses déclarations hautement inflammables, jurant avoir été « mal comprise », ses propos ayant été « déformés ». Mais les enquêteurs le savent bien : un témoin peut toujours se « rétracter », il convainc rarement, surtout quand ses « aveux » ont été enregistrés et filmés.

On découvre, avec cette audition, que la cheffe du PNF n'était pas si indépendante que cela. Que ses initiatives, dans cette affaire en tout cas, étaient surveillées comme le lait sur le feu. Que la hiérarchie judiciaire peut tout aussi bien freiner certaines investigations, comme on l'a vu par le passé, qu'en accélérer le tempo, selon les circonstances.À LIRE AUSSI FOG – Justice, qu'as-tu fait de ta balance ? Qu'au-delà de la mise en mouvement de l'action publique, le mode de poursuites, la vitesse avec laquelle elles s'exercent, le choix des hommes chargés de les mener peuvent être déterminants dans une procédure. Que certaines justiciables sont plus égaux que d'autres, dans un sens ou dans l'autre. Que la pratique des « remontées d'information » sur les affaires « signalées » – sensibles – ne sert pas la justice.

« Le poison du soupçon pèse sur cette affaire », plaide Me Briard, qui n'y voit « qu'un antidote » : « la cassation totale » de l'arrêt de la cour d'appel de Paris qui, le 9 mai 2022, a confirmé la culpabilité de François et Penelope Fillon – ainsi que celle de Marc Joulaud, député suppléant.

« Un doute grave et sérieux »

En septembre dernier, Me Briard et son collègue Patrice Spinosi avaient remporté une première manche devant le Conseil constitutionnel. Saisis d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), les Sages avaient censuré, au nom des droits de la défense et du droit à un recours effectif, une disposition du Code de procédure pénale (le premier alinéa de son article 385) interdisant à un justiciable de soulever une « exception de nullité », une fois l'instruction du juge clôturée.

De quels moyens de droit les Fillon estiment-ils avoir été privés ? « Les circonstances dans lesquelles ils ont été poursuivis ne leur permettent pas de considérer qu'ils ont été traités avec l'indépendance et l'impartialité qu'un justiciable est en droit d'attendre, qu'il s'appelle Fillon ou Durand », insiste leur conseil.À LIRE AUSSI En coulisses au ministère de l'Injustice…

Me Briard convoque alors les mânes d'un de ses illustres « confrères » : Raymond de Sèze, avocat de Louis XVI. « Citoyens, je cherche parmi vous des juges et je ne vois que des accusateurs », s'était insurgé De Sèze, en 1792, devant la Convention. « Raymond de Sèze, qui fut aussi magistrat, fut le précurseur de la théorie de l'impartialité objective, consacrée près de deux siècles plus tard par Gordon Hewart, Lord Chief Justice d'Angleterre », explique Me Briard. « La justice ne doit pas seulement être rendue, elle doit donner l'apparence de l'avoir été, de manière certaine et sans le moindre doute », détaille-t-il.

« Cette théorie, qui imprègne aujourd'hui votre jurisprudence et celle de la Cour européenne des droits de l'homme, est le fondement du procès équitable. Un justiciable ne doit ressentir aucun doute sérieux sur l'impartialité avec laquelle son procès est mené. » Or, conclut-il, « au nom de l'article 385 du Code de procédure pénale, dont on sait aujourd'hui qu'il est contraire à la Constitution, l'impartialité qu'ils réclamaient n'a pas pu être questionnée. Un doute grave et sérieux subsiste dans leur esprit. Or, le doute est un poison pour notre institution », conclut Me Briard.

« Ni désordre ni faillite de l'institution »

Me Spinosi termine le travail en soulevant d'autres « moyens » de droit (35 au total) pour arracher une cassation à la chambre criminelle, évoquant tout à la fois l'insuffisante motivation de la peine de prison ferme prononcée contre François Fillon, l'absence d'intention et le double emploi de certaines infractions reprochées au couple… « Une décision de cassation ne provoquera ni désordre ni faillite de l'institution judiciaire », estime-t-il. « Elle ne sera que la stricte application du droit à tout justiciable, qu'il soit puissant ou misérable. François Fillon ne vous demande rien de plus mais rien de moins. »

À LIRE AUSSI François Fillon en marche vers un troisième procès (et Sarkozy aussi)Avec moins d'emphase, l'avocat général, Pascal Bougy, s'est opposé à la cassation, estimant que la défense des Fillon avait pu soulever tous les moyens qu'elle souhaitait devant la cour d'appel, laquelle « en a fait une analyse détaillée avant de les écarter, pour d'autres motifs que l'article 385. Les conditions essentielles de l'existence légale de l'acte de poursuite sont donc remplies », fait-il valoir.

La cour rendra son arrêt le 24 avril. Dans l'hypothèse d'une cassation, une nouvelle cour d'appel serait désignée et un troisième procès se déroulerait. Dans le cas contraire, la condamnation des époux Fillon deviendrait définitive. Il ne leur resterait plus qu'à se tourner vers la Cour européenne des droits de l'homme, au nom du droit à un « procès équitable ».

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