Primaire écologiste : Yannick Jadot, le candidat « pragmatique » d'EELV à l'élection présidentielle
Le « pragmatique » l’a emporté de justesse face à la « radicale ». Favori du scrutin et arrivé en tête au premier tour, Yannick Jadot a remporté la primaire écologiste, mardi 28 septembre, face à Sandrine Rousseau, en obtenant 51,03 % des voix. Comme à l’issue de la primaire de 2016, il devient donc le candidat d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV) pour l’élection présidentielle de 2022.
Mais, contrairement à il y a cinq ans, où il s’était ensuite rallié au candidat socialiste Benoît Hamon, l’eurodéputé de 54 ans l’assure : cette fois, il ira jusqu’au bout et il y aura bien un bulletin Yannick Jadot au premier tour de l’élection présidentielle, le 10 avril 2022. Juste après la proclamation des résultats, M. Jadot a tendu la main aux autres candidats de la primaire écologiste. « Sandrine [Rousseau], Eric [Piolle], Delphine [Batho] vont avoir une place essentielle dans cette campagne, a-t-il déclaré devant la presse. Mais ça doit être beaucoup plus large. Notre socle c’est 122 000 personnes qui ont participé à cette primaire. Et notre objectif c’est de gagner la présidentielle. C’est une belle rampe de lancement. »
Dans la foulée, Mme Rousseau a d’ailleurs annoncé son soutien au candidat écologiste. « C’est ensemble que nous sommes déterminés à porter cette campagne, nous sommes prêts à porter l’écologie politique à l’Elysée, a-t-elle dit d’emblée. Ensemble avec tous les écologistes, vous pouvez compter sur moi pour soutenir notre candidat à la présidentielle. Encore bravo Yannick Jadot. »
« Je serai le président du climat »En début de soirée mardi, M. Jadot a ensuite tenu son premier discours de candidat écologiste à l’élection présidentielle. « Plus que jamais, notre pays doit retrouver l’envie et le plaisir d’être ensemble, a-t-il lancé. Liberté, égalté, fraternité, démocratie, citoyenneté ne sont pas une langue morte. La France n’est pas un musée, une commémoration. Etre français c’est avoir les pieds sur terre, dans la terre, attaché à notre territoire en gardant toujours notre regard fixé sur l’horizon, sur l’Europe, sur l’universalité. »
« Mesdames, messieurs, le prochain quinquennat sera celui de l’action pour retrouver la maîtrise de notre vie, a-t-il poursuivi. Grâce à vous je serai le président du climat. Notre présidence ce sera une présidence qui agit immédiatement. Nous conditionnerons chaque politique publique, chaque euro au climat. » « Nous vous devons un avenir bienveillant », a-t-il assuré, avant de promettre : « Toutes générations rassemblées, nous allons apaiser, réparer et reconstruire la France car nous l’aimons. »
« Ecolo réalo »Bien que favori du scrutin, grâce notamment à la troisième place de sa liste et son bon score (13,47 %), aux élections européennes de 2019, Yannick Jadot aurait pu toutefois tout perdre dans un scrutin où les militants écologistes ont l’habitude de déboulonner les vainqueurs attendus – Nicolas Hulot, en 2011 ou Cécile Duflot, en 2016.
Parmi les écologistes, l’ancien directeur de campagne de Greenpeace a pu être parfois qualifié par certains d’« écolo réalo » ou de « Vert allemand », terme dépréciatif pour l’aile gauche d’EELV puisque les écologistes d’outre-Rhin acceptent de s’allier avec la droite. Des critiques qui agacent Yannick Jadot. « Toute ma trajectoire, altermondialiste, contre les accords de libre-échange, mes actions au Bangladesh, à Greenpeace prouvent tout le contraire, se justifiait-il encore récemment. Mais je dis aussi qu’on ne peut pas changer la société contre les entreprises. Donc, il faut parler à tout le monde. »
Sa présence, le 19 mai, à la manifestation des policiers devant l’Assemblée nationale avait également été très critiquée à gauche et chez les écologistes : « Je sais que nombre d’entre vous ont été choqués par ma présence, avait-il expliqué lors des journées d’été écologistes, fin août, à Poitiers. Cette manifestation n’était pas confortable, mais fondamentalement je ne regrette pas ma décision. Si nous voulons gouverner, il n’y aura pas de confort. Les policiers que j’ai rencontrés m’ont dit : “Ne nous laissez pas seuls avec le RN [Rassemblement national].” »
Plan d’investissementPour ce scrutin, M. Jadot disposait de nombreux soutiens chez les cadres EELV : les ex-candidates à la présidentielle Eva Joly et Dominique Voynet, la députée européenne Karima Delli, le président du groupe écologiste au Sénat, Guillaume Gontard, le député ex-La République en marche Aurélien Taché, le maire de Bordeaux, Pierre Hurmic, ou le président de la métropole de Lyon, Bruno Bernard.
Dans son programme, l’eurodéputé propose notamment « un grand plan d’investissement de 50 milliards d’euros par an pour reconstruire l’économie, accélérer la rénovation des logements, déployer les énergies renouvelables et tout ce qui relève des mobilités collectives et décarbonées ». Pour lutter contre le réchauffement climatique, M. Jadot souhaite que « chaque euro d’argent public dépensé dans les marchés publics, les subventions à l’économie et aux entreprises, [soit] vertueux pour le climat, la biodiversité, la justice sociale et l’égalité femmes-hommes ». « Plus un euro d’argent public ne sera, par exemple, versé à une entreprise toujours engagée dans les énergies fossiles », a-t-il également affirmé dans une interview à Reporterre le 7 septembre, où il a défendu également la création d’un « grand ministère de l’alimentation, de la santé et de l’environnement ».
Il s’est également dit favorable à une TVA à 0 % sur les produits bios et de proximité, ou à l’interdiction des ventes de voitures diesel et thermiques classiques dès 2030 – contre 2040, comme le prévoit la loi d’orientation des mobilités du 24 décembre 2019. Concernant le pouvoir d’achat, qui sera un des thèmes centraux de cette campagne face à l’augmentation des prix du gaz ou de l’électricité, Yannick Jadot propose de « fusionner le RSA et la prime d’activité pour créer un revenu citoyen ».
Côté institutions, M. Jadot prône le passage à un septennat non renouvelable avec la proportionnelle aux législatives, tandis que Sandrine Rousseau souhaitait une « nouvelle République », fondée par une assemblée constituante avec, pour principes directeurs, la participation des citoyens et un pouvoir accru au Parlement.
Service politique