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Vendée Globe 2024 : comment Violette Dorange a fait souffler une ...

Vendée Globe 2024  comment Violette Dorange a fait souffler une
La jeune navigatrice, qui termine le tour du monde à la voile en solitaire à une honorable 23e place, a le vent en poupe et a réussi à captiver un public de néophytes.

La jeune navigatrice, qui termine le tour du monde à la voile en solitaire à une honorable 23e place, a le vent en poupe et a réussi à captiver un public de néophytes.

Violette Dorange va enfin récupérer son téléphone. La benjamine du Vendée Globe, qui doit franchir la ligne d'arrivée dimanche 9 février, avait confié l'appareil à son équipe à son départ des Sables-d'Olonne, le 10 novembre. Soit il y a une centaine de jours selon le calendrier, mais un siècle en termes de notoriété. La jeune skippeuse de 23 ans est devenue au fil de son aventure une figure familière des Français, bien au-delà des voileux qui parlent couramment le "ris" ou le "bout".

Un dossier dans Paris Match, une chronique hebdomadaire dans Le Monde, une séquence dans un "20h30" de France 2 malgré une connexion chevrotante, et des vidéos qui ont touché des millions de personnes sur les réseaux sociaux... "Son téléphone affiche une notification toutes les 30 secondes, minimum, s'exclame Manon Maléjacq, en charge de sa communication. Si on avait dû répondre à tous les messages, on aurait dû embaucher au moins une personne à plein temps." Nul doute qu'une partie des nouveaux admirateurs de la jeune skippeuse se masseront dans le chenal des Sables-d'Olonne pour son retour et devront se frayer un chemin parmi un parterre de médias conséquent.

Lasuccess-story de Violette Dorange ne vient pas de nulle part. "Elle a l'habitude de vivre avec les caméras depuis l'âge de 15 ans", souligne Julien Touzaint, auteur d'un documentaire sur la jeune skippeuse, Devenir, diffusé sur les chaînes régionales bretonnes. "Violette trouvait encore le temps dans son emploi du temps de ministre, au moment de boucler les financements pour son projet, de monter les vidéos pour sa chaîne YouTube. Ce n'est pas quelque chose qu'elle subit", poursuit-il.Génération Z aidant, Violette a aussi pris le pli de raconter sa vie par réseau social interposé. "Quand elle fait le GR20 en Corse, elle en fait profiter sa communauté, sourit Manon Maléjacq. Je crois qu'on est moins bien informés sur les vacances de Charlie Dalin." 

Un travail de fond qui a porté ses fruits, petit à petit. "On s'est vraiment rendu compte qu'il se passait un truc le premier jour de l'ouverture du village du Vendée Globe", poursuit la communicante de la skippeuse. "Les gens jouaient des coudes pour faire une photo avec Violette comme si c'était une star de la course." A l'applaudimètre, en quittant le chenal, la benjamine de cet "Everest des mers"est la plus encouragée par le grand public. Le fruit d'une stratégie mûrement réfléchie. "On a montré à Violette des exemples de marins qui marchaient bien sur les réseaux", illustre David Lupion, la tête pensante des vidéos de la jeune femme, qui cartonnent. Parmi les inspirations évoquées, la skippeuse américaine Cole Brauer et son million de viewers quand elle danse en minijupe sur son bateau. "Violette nous a dit 'je peux pas faire ça, ça n'est pas moi'." Une ligne éditoriale est alors rapidement établie. "Les réseaux sociaux, c'est de l'émotion, appuie celui qui revendique le fait de ne pas être un spécialiste du bateau. Je me fiche que tu aies dû changer ta grand-voile, je veux savoir ce que tu ressens après l'avoir fait."

On aura droit à Violette qui pleure après s'être fait mal en montant au mât, Violette qui a peur avant d'affronter le Cap Horn, Violette qui renverse son taboulé lyophilisé et ironise sur ses talents de cuisinière... "Son créneau, c'est l'authenticité. Elle est sans filtre. Elle oublie souvent d'appuyer sur le bouton HD quand elle tourne", commente son community manager, qui n'hésite pas à tailler dans les vidéos envoyées par sa skippeuse "avec un téléphone pas spécialement haut de gamme, par WhatsApp", quand d'autres utilisent drones et liaison Iridium.

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Contrairement à ce que pourrait laisser croire l'omniprésence médiatique de Violette Dorange, elle est d'assez loin celle qui publie le moins de posts sur Facebook et Instagram, le terrain de jeu numérique de la flotte du Vendée Globe. "Il arrive souvent que je ne publie pas ce qu'elle envoie, assume David Lupion, qui se félicite de ne pas avoir un calendrier éditorial, comme c'est le cas dans les agences de com en charge de skippeurs de renom. Quand on envoie une vidéo, il faut que ça soit impactant."

Le scénario de la course a aussi servi les intérêts de la bizuth du tour du monde en solitaire. Pas de sauvetage épique comme le repêchage de Kevin Escoffier par Jean Le Cam, en décembre 2020, qui avait valu au vieux loup de mer une notoriété planétaire. "Tout le monde, même le New York Times, s'arrachait Jean, se rappelle sa communicante, Laurence Caraës. La frénésie n'est pas retombée avant juillet, plusieurs mois après son arrivée." 

La prédominance de la vidéo dans la scénographie de la course est tout à l'avantage de la représentante de la "gen Z". "Il arrive qu'on doive rappeler à Jean de refaire de l'image", explique Laurence Caraës. Bastien Hebras, lui, gère la communication du skippeur Antoine Cornic, qui n'a pas fait cinéma LV2. "Je dois souvent ruser pour camoufler les goutelettes d'eau de mer sur l'objectif du téléphone avec lequel il se filme", sourit-il. Un côté "roots" qui fait partie du personnage et qui satisfait son sponsor. "Mais c'est clair que j'avais avant tout des objectifs en interne vis-à-vis du groupe Human. La com' de Violette est entièrement tournée vers l'extérieur", analyse-t-il. 

Le bateau de la jeune femme a beau porter les couleurs du géant McDonald's, ce n'est pas elle qui a commandé un Big Mac depuis son bateau, mais le skippeur Fabrice Amedeo, dans une vidéo qui a beaucoup tourné. "Elle a démarché les franchisés des fast-foods quasiment un par un, en enchaînant les visios", décrit le réalisateur Julien Touzaint, qui a pu assister à plusieurs entretiens. Aucune obligation de porter un costume de Ronald McDonald pour amuser la galerie entre deux changements de cap, donc. Et aucun sponsor au chiffre d'affaires XXL vous obligeant à peser chaque mot. "Quand on a un grand groupe comme Macif derrière soi, comme Charlie Dalin, on doit passer par tout un process de validation, et ça limite la spontanéité", glisse un communicant du milieu de la voile. 

La skippeuse Violette Dorange à l'entraînement, le 27 septembre 2024 au large de Lorient (Morbihan). (THOMAS DEREGNIEAUX / ALEA)La skippeuse Violette Dorange à l'entraînement, le 27 septembre 2024 au large de Lorient (Morbihan). (THOMAS DEREGNIEAUX / ALEA)
La skippeuse Violette Dorange à l'entraînement, le 27 septembre 2024 au large de Lorient (Morbihan). (THOMAS DEREGNIEAUX / ALEA)

"On se demande même si lui et Yoann Richomme [arrivé deuxième, quelques heures après Dalin] ont kiffé leur tour du monde, tance le skippeur Yvan Bourgnon, vainqueur de la Transat Jacques-Vabre en 1997. Violette, elle, me rappelle Florence Arthaud. Des aventuriers comme on n'en fait plus, loin du profil d'ingénieur quadra taiseux qui a sagement coché toutes les étapes avant de se lancer sur le Vendée Globe." Celle qu'onsurnommait "la petite fiancée de l'Atlantique", morte en 2015 lors d'un accident sur le tournage d'une émission de télévision, détonnait par une communication sans filtre, une précocité hors norme et des résultats à l'avenant. "On brocarde souvent Violette comme une instagrameuse sur un bateau, la défend encore Yvan Bourgnon. C'est tout le contraire. C'est une skippeuse des années 1980 qui maîtrise à la perfection les moyens de communication du XXIe siècle !"

"Ce qui fait la différence, c'est le récit, abonde Grégoire du Penhoat, expert en communication dans ce milieu et fondateur du Offshore Social Club. On ne s'accroche pas à la course, mais on s'attache à la personne. Les algorithmes des réseaux sociaux ont beaucoup évolué dans ce sens." C'est le prix pour exister dans un Vendée Globe à 40 bateaux, donc 40 skippeurs en quête de temps de cerveau disponible. "Ils sont une poignée, Dalin, Richomme, Le Cam et Violette, à avoir cannibalisé l'attention", glisse un fin connaisseur du milieu de la voile.

"Aujourd'hui, tout le monde se met tout le temps en scène, les grosses équipes préparent des éléments de langage et des scripts pour les skippeurs, je trouve qu'on perd un peu le mystère de la course au large", soupire le navigateur Stéphane Le Diraison, le seul à avoir refusé de signer la charte de la communication lors de l'édition 2020. Une formation à TikTok a même été proposée aux participants avant le départ... mais là encore, Violette Dorange y règne en maître. Le fossé numérique entre les skippeurs pourrait faire des dégâts à court terme. "Je ne suis pas sûr que tous les sponsors s'y retrouvent, surtout vu le prix des bateaux aujourd'hui", analyse Yvan Bourgnon. Un projet pour un Vendée Globe avec un bateau neuf chiffre facilement à plusieurs millions d'euros. "Ce que Violette va changer, c'est qu'on va regarder autant les impressions sur les réseaux sociaux que les retombées presse, qui étaient le mètre étalon", estime Grégoire du Penhoat.

Dans l'équipe autour de Violette Dorange, on ne fait pas mystère d'avoir été contacté par de grosses écuries, désireuses de copier la recette d'un succès numérique inégalé qui a réussi à décloisonner un sport jusqu'alors de niche."Mais il n'y a pas de recette, veut croire David Lupion. Le secret, c'est Violette, et son projet. Si elle repart pour un deuxième Vendée Globe, le récit sera forcément différent." Il se pourrait que sur le terrain numérique, la petite jeune qui monte ait affaire à plus forte concurrence sur les pontons des prochaines courses. "On avait initialement approché des influenceurs pour faire vivre le départ à leur communauté, et toucher les jeunes, confie Alain Lebœuf, le président de la course (en plus de sa casquette de président du conseil départemental de la Vendée). Finalement, on s'est rendu compte qu'on en avait une sur l'eau." Et au moins deux en 2028, pour la prochaine édition ? "A New York, j'ai rencontré Cole Brauer, raconte Alain Lebœuf, et je l'ai assurée que je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour qu'elle soit sur la ligne de départ."

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