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Pourquoi tout le monde devrait lire «Le consentement» de Vanessa Springora

Pourquoi tout le monde devrait lire Le consentement de Vanessa Springora
Le grand succès de librairie de cette rentrée littéraire hivernale est un premier roman : celui de Vanessa Springora qui raconte dans «Le Consentement» (éd. Grasset) l'emprise de l'écrivain Gabriel Matzneff sur une jeune fille, l'auteure elle-même

Le grand succès de librairie de cette rentrée littéraire hivernale est un premier roman : celui de Vanessa Springora qui raconte dans «Le Consentement» (éd. Grasset) l'emprise de l'écrivain Gabriel Matzneff sur une jeune fille, l'auteure elle-même. Une prise de parole nécessaire doublée d'un coup de poing littéraire.

Lorsque Gabriel Matzneff est distingué par le prestigieux Prix Renaudot en 2013 dans la catégorie «Essai», pour un recueil de chroniques publié sous le titre «Séraphin, c'est la fin!» (éd. La Table ronde), Vanessa Springora est prise d'un vertige. Il fallait qu'elle écrive son histoire avec cet écrivain, quinquagénaire quand elle portait encore un cartable sur le dos.

Le «crime parfait» dévoilé

Au milieu des années 1980, V. (comme elle se nomme dans le livre) a treize ans, est élevée par une mère divorcée. Depuis quelques années déjà, la jeune fille ne voit plus son père. Lors d'un dîner en présence de sa mère (qui travaille dans l'édition), elle rencontre alors G., comme elle appelle ici Gabriel Matzneff. Pendant ce repas, tout bascule. Lui la couve du regard. «Je sens à tout instant le regard de G., assis à l'autre bout de la pièce, me caresser la joue», écrit-elle. Après cette soirée, l'homme ne cesse de lui envoyer des courriers enflammés qui sauront combler un vide affectif. G. la rassure, jure ne vouloir que son bien. Âgée de 14 ans, elle finit par céder aux avances de cet écrivain respecté mais controversé.

Les rendez-vous dans la chambre de bonne se multiplient, il lui (re)commande de ne pas lire certains de ses livres, «les plus sulfureux»,  et prend même une chambre d'hôtel pour se rapprocher de son collège. La brigade des mineurs rencontre G. plusieurs fois. Leur «histoire d'amour» en sort renforcée, avec la conviction pour V. d'être, avec G., seuls contre tous.Vanessa Springora décrit avec minutie la victime idéale : une jeune fille en manque de confiance en elle, en demande d'affection, un entourage qui ferme les yeux, voire absent face à un homme au charisme naturel, faisant autorité dans son milieu.

L'emprise méticuleusement décortiquée

Au-delà du témoignage, trente ans après des faits désormais prescrits, «Le Consentement» décrit méticuleusement le processus de manipulation psychique dans lequel est placé la narratrice, victime qui n'en a pas encore conscience. Lavage de cerveau qui parlera à tout le monde puisqu'il peut s'exercer dans tous les domaines de l'existence, les manipulateurs ne sont (heureusement) pas tous pédocriminels.

Le récit clair et l'écriture percutante de Vanessa Springora fait mouche et, surtout, permet au lecteur de réfléchir plus globalement à la notion de consentement. Quel valeur a-t-il quand l'esprit est placé sous  l'emprise d'autrui ? Comment devient-on victime sans même s'en rendre compte ?

Des mots sur les maux

Au final, Vanessa Springora signe un précieux ouvrage qui fait intimement réfléchir à cette notion si particulière de consentement. Un coup de poing sociétal d'abord. Ecrit avant le mouvement #Metoo, et bien avant la courageuse prise de parole de l'actrice Adèle Haenel en novembre 2019, harcelée par un réalisateur quand elle était adolescente, Vanessa Springora montre que le cinéma n'est pas un univers isolé, que le monde de la littérature est, ou en tout cas fut impacté par l'impunité de certains prédateurs sexuels, voire pédocriminels. Les maux d'une époque révolue ? Peut-être, mais pas si lointaine.

Enfin, loin de n'être qu'un témoignage sur la complaisance d'un milieu à l'égard d'un homme, ce livre se révèle aussi un choc littéraire. Pas besoin d'en faire des tonnes sur des détails crus. Vanessa Springora prouve qu'avec des mots bien pesés, en construisant son récit avec économie, on peut tout aussi bien témoigner et dénoncer. En seulement 216 pages, Vanessa Springora montre qu'elle est une écrivaine, au style affirmé et percutant, que l'on souhaite suivre (très) longtemps.

Le Consentement, de Vanessa Spingora, ed.Grasset, 216 p., 18€.

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