Gabriel Matzneff dénonce le «coup de poignard» de Vanessa Springora
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C’est une longue, très longue lettre (plus de 14.000 signes), qu’a adressée ce jeudi Gabriel Matzneff à L’Express. Une lettre ouverte en guise de réponse à la polémique qui le touche depuis la sortie, ce 2 janvier, du livre-témoignage de Vanessa Springora. L’éditrice y raconte la relation qu’elle a (elle a 14 ans à l’époque des faits, lui cinquante) entretenue avec lui, et le mal à se débarrasser de son emprise toxique.
Dans un message écrit le 29 décembre au Parisien, l’écrivain aujourd’hui âgé de 83 ans, dénonçait déjà «de si injustes et excessives attaques» en rappelant «la beauté de l’amour que nous vécûmes, Vanessa et moi».
Dans L’Express, jeudi, il s’en justifie encore en recopiant la lettre de rupture et d’amour envoyée par sa jeune amante (texte qu’il a publié sans son autorisation dans son essai De la Rupture en 1997). Un texte très élogieux à son encontre, où l’on peut notamment lire: «Tu es mon premier amant, mon tendre initiateur, celui qui a fait en sorte que je garde toute ma vie un beau souvenir de ma découverte de l’amour. Tu m’as ouvert les yeux, je suis née dans tes bras.»
Utilisant un pesant vocabulaire psychanalytique, elle tente de faire de moi un pervers, un manipulateur, un prédateur, un salaud
Gabriel Matzneff
«Aujourd’hui, j’apprends que Vanessa publie un livre sur nous, explique-t-il. Non pas un livre à l’image de ce qu’ensemble nous vécûmes, mais un livre où, m’affirment ceux qui l’ont lu, elle trace de moi un portrait dénigreur, hostile, viré au noir, destiné à me nuire, à me détruire ; où, utilisant un pesant vocabulaire psychanalytique, elle tente de faire de moi un pervers, un manipulateur, un prédateur, un salaud.»
Pour l’auteur, qui se revendique depuis des années pédophile et a raconté ses relations avec des garçons et des filles mineurs dans ses mémoires, le procès qui lui est intenté aujourd’hui est aussi injuste que les polémiques qui entourent d’autres personnalités du monde de l’art. Le «but» du livre de Vanessa Springora est «de me précipiter dans le chaudron maudit où ces derniers temps furent jetés le photographe Hamilton, les cinéastes Woody Allen et Roman Polanski», estime-t-il.
Bref, c’est un «coup de poignard» pour l’auteur des Carnets noirs, qui ne comprend pas la publication du Consentement, trente-deux ans après les faits. «Ce livre, je ne le lirai pas», assure-t-il. Il en faisait pourtant la critique, le 26 décembre dernier, dans L’Obs, en le qualifiant d’ouvrage «hostile, méchant, dénigrant, destiné à me nuire, un triste mixte de réquisitoire de procureur et de diagnostic concocté dans le cabinet d’un psychanalyste».
«Si je n’avais pas été écrivain, Vanessa n’aurait ni eu envie de rompre, ni rompu», assure-t-il encore, évoquant sa jalousie envers ses anciennes amantes après 17 mois de «bonheur». «Nous fûmes donc punis, chassés du paradis, par ma faute. La faute de mon passé.» Il souligne à gros traits la versatilité de son amante qui, âgée de quinze ans, alterne les déclarations d’amour et de haine. «Jusqu’à ma mort je persisterai à croire que Vanessa eut tort de rompre», se persuade-t-il.
Gabriel Matzneff explique qu’il était convaincu que son ancienne compagne publierait un jour un texte sur leurs amours. Il s’avoue pour le moins déçu de la teneur du Consentement. Et le fait savoir: «Je ne mérite pas l’affreux portrait que - ceux qui ont lu ton livre s’accordent hélas sur ce point - tu publies de moi en ce début d’année 2020. Non, je ne le mérite pas, ce n’est pas moi, ce n’est pas ce que nous avons ensemble vécu, et tu le sais.»
Après avoir introduit sa lettre par un «À Dieu», il la conclut de façon tout aussi spirituelle: «Que Dieu ait pitié de nous ; qu’Il te protège mieux que je n’ai été capable de te protéger. Je garderai toujours, brûlant dans ma mémoire et mon cœur tel un cierge devant l’icône du Christ, une image lumineuse de toi.»