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Affaire Matzneff: le livre de Vanessa Springora, «une étape importante» face à la pédophilie

Affaire Matzneff le livre de Vanessa Springora une étape importante face à la pédophilie
La sortie chez Grasset de Consentement a provoqué une véritable prise de conscience de la part de l’opinion publique. Mais elle a fracturé les tenants de nouveau et de l’ancien monde des lettres.

Il y a ceux qui découvrent les faits, abasourdis, et ceux qui savaient sans trop voir le mal: les révélations, à paraître jeudi, d’une éditrice séduite, adolescente, par l’écrivain Gabriel Matzneff font s’entrechoquer deux époques et deux regards sur la pédophilie.

Le goût autoproclamé de l’écrivain de 83 ans pour les «moins de 16 ans» et pour le tourisme sexuel avec de jeunes garçons en Asie avait jusqu’ici très peu fait ciller. La sortie du Consentementde Vanessa Springora, 47 ans, semble être en train de changer la donne. Apportant son «soutien» à «toutes les victimes» de l’écrivain, le ministre de la Culture Franck Riester a ainsi rappelé samedi que «l’aura littéraire n’est pas une garantie d’impunité».

Autre signe de cette bascule: la séquence où Bernard Pivot interviewe Gabriel Matzneff est devenue virale (près de 900.000 vues) et fait scandale, près de trente ans après sa diffusion. Il y est interrogé de manière badine sur ses conquêtes sexuelles. À l’exception de l’écrivain québécoise Denise Bombardier, lui lançant qu’il aurait «des comptes à rendre à la justice», personne ne réagit. Tentant de se défendre, l’ancien animateur d’ApostrophesBernard Pivot a plaidé le principe du «autre temps, autres mœurs», affirmant que dans «les années 70 et 80, la littérature passait avant la morale». «Nous sommes plus ou moins les produits intellectuels et moraux d’un pays et, surtout, d’une époque», a-t-il ajouté, provoquant une vague d’indignation.

Dans les années 70 et 80, la littérature passait avant la morale

Bernard Pivot

«J’ai l’âge d’avoir connu une époque où se disaient ce genre de choses à la télévision. Matzneff, Gide on se foutait de leur gueule mais on n’était pas plus révolté que ça. Des pédophiles assumés. J’ai un peu honte. Même plus que ça (...)», a pour sa part concédé l’ex-Guignol de l’Info Bruno Gaccio. Avant d’être unanimement condamnée, la pédophilie a été tolérée - voire plus - dans les années 70 par des intellectuels invoquant la liberté sexuelle et l’héritage de Mai 68 avec son slogan «il est interdit d’interdire».

Un autre regard sur la pédophilie

Des pétitions ont été signées, comme celle de 1977 relayée par Libération, pour défendre trois hommes poursuivis pour des agressions sexuelles d’enfants de 12 à 13 ans. Parmi les signataires figuraient Jack Lang et Bernard Kouchner. Cette tolérance s’est poursuivie dans les années 80, période où se déroule le livre de Vanessa Springora, avant que le vent ne tourne dans les années 90, menant à la condamnation unanime de la pédophilie et au mea culpa des journaux qui l’avaient défendue.

Un retournement né d’un début de prise de parole des victimes et de la multiplication des associations de défense à l’enfance, souligne Pierre Verdrager, auteur d’un livre sur «comment la pédophilie est devenue scandaleuse». «On commence à prendre conscience que cette libération des corps peut poser des problèmes quand elle concerne la sexualité des enfants avec les adultes», affirme le sociologue. Les crimes de Marc Dutroux en Belgique, l’affaire Outreau en France viendront renforcer ce sentiment.

Le phénomène «cancel culture»

Malgré ce contexte de dénonciation de la pédophilie, «la liberté d’expression est importante. Je rappelle que Matzneff n’a pas été condamné», estime Étienne Gernelle, le directeur du Point, où l’écrivain tient une chronique. «Les mêmes journaux qui, il y a trente ans, disaient que l’amour avec les enfants c’est bien, au nom d’une morale soixante-huitarde, voudraient virer ces mêmes gens», souligne celui qui n’entend guère se séparer de sa plume.

Et de dénoncer un climat où certains appellent à rayer de la carte les artistes mis en cause dans des affaires de violences sexuelles. Ce phénomène, baptisé «cancel culture» dans le monde anglo-saxon, concerne autant le réalisateur Roman Polanski, visé par une nouvelle accusation de viol, juste avant la sortie de son dernier film à l’automne, que le peintre Gauguin (1848-1903), en raison de ses relations sexuelles avec des adolescentes tahitiennes.

La liberté d’expression est importante. Je rappelle que Matzneff n’a pas été condamné

Étienne Gernelle, directeur du «Point».

«Pour l’heure, il y a une grande vague d’indignation, mais le plus important c’est que quelqu’un prenne la parole, qu’on ait l’opportunité d’avoir un autre son de cloche, pas seulement celui de Matzneff», estime Pierre Verdrager, qui voit dans la parution du livre de Vanessa Springora «une étape importante».

Consacrant sa Une lundi à l’affaire, le journal Libération a de nouveau exprimé ses regrets - il l’avait déjà fait en 2001 - sous la plume de son directeur de la publication Laurent Joffrin. «Libération, enfant de Mai 1968, professait à l’époque une culture libertaire dirigée contre les préjugés et les interdits de l’ancienne société», portant «souvent sur des causes justes» mais promouvant «parfois des excès fort condamnables, comme l’apologie intermittente de la pédophilie, que le journal a mis un certain temps à bannir».

À voir aussi - Qui est Gabriel Matzneff?

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