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Récit d'une fin de vie face aux insuffisances de l'hôpital : « Je m ...

Récit dune fin de vie face aux insuffisances de lhôpital   Je m
Vanessa Schneider, grand reporter au « Monde », raconte les derniers mois de son père, l’écrivain et psychanalyste Michel Schneider, mort d’un cancer en juillet 2022. A l’heure où la question de la fin de vie s’impose dans le débat public

On invoquera probablement le manque de chance. Se faire diagnostiquer un cholangiocarcinome intra-hépatique – en langage courant, un cancer des voies biliaires –, maladie très rare, incurable, à quelques semaines du confinement, le timing était mauvais, on ne va pas prétendre le contraire.

Janvier 2020. Mon père, 75 ans, me demande les coordonnés d’un gastro-entérologue de ma connaissance, me confiant avoir « un peu mal au ventre ». Consultation, batterie d’examens, puis silence radio. Le verdict tombé, il décide de ne rien dire du mal qui le ronge. Lorsque Emmanuel Macron décrète le confinement, le 16 mars, je prends prétexte de la situation pour le contraindre à me parler : il m’avoue le cancer, la présence d’une tumeur de 10 centimètres dans son foie, l’opération programmée.

Il était temps : il est attendu le surlendemain à l’hôpital Paul-Brousse de Villejuif (Val-de-Marne), pour ce que le chirurgien appelle une « intervention risquée ». Puisque je suis désormais dans la confidence, mon père me demande de bien vouloir signer les formulaires me désignant « personne de confiance ». C’est à moi, désormais, que le personnel médical s’adressera, c’est moi qui serai chargée d’attester de ses directives anticipées en cas de décès.

J’encaisse la charge. Il se sait condamné, mais m’assure que tout va bien se passer, qu’il va se battre. Alors je lui dis la même chose en retour : « Tout va bien se passer, tu vas te battre et nous serons à tes côtés. » Il me fait promettre de ne parler à personne de la gravité de sa maladie. J’insiste pour qu’il prévienne au moins mon frère et ma mère. Nous nous quittons sans savoir quand nous allons nous revoir – à cause de l’épidémie de Covid-19, l’hôpital est interdit aux visites, y compris aux familles des patients.

Le médecin sans visage

C’est par téléphone que je prends connaissance du compte rendu opératoire, un bilan en demi-teinte : l’intervention s’est bien passée (comprendre : il n’y a pas eu de complications), mais le chirurgien n’est pas parvenu à enlever la totalité de la tumeur – « trop dangereux » –, le cancer est jugé « très agressif ». Pendant les huit jours qui suivent l’opération, mon père, comme des milliers de malades, reste seul, sans visites dans sa chambre d’hôpital. Passons sur l’épisode où sa valise avec ses effets personnels a été perdue pendant vingt-quatre heures, le plongeant dans un état de stress phénoménal…

Dès sa sortie, ou presque, il enchaîne les traitements avec une résistance et un courage sidérants. A chaque consultation, je l’accompagne pour faire le point avec l’oncologue. Les premiers mois se déroulent plutôt bien. La maladie ne progresse pas, il supporte la médication, on peut continuer. Mais au fil du temps, les nouvelles sont moins bonnes.

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