Macron, Attali, Barthès, Le Pen… Avant Valérie Hayer, ces ...
C’était la grande nouveauté de la campagne présidentielle de 2017, le selfie s’est imposé et est devenu un incontournable des bains de foules d’hommes et de femmes politiques. Exit le serrage de mains passé de mode – a fortiori depuis le Covid – pour avoir l’air accessible, il faut prendre le plus de photos possibles dans la rue. Mais voilà le hic : on ne sait pas toujours avec qui on les prend, et avec quelles intentions elles sont demandées.
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Valérie Hayer, tête de liste du groupe Renaissance aux élections européennes, a déclaré en avoir fait les frais ce dimanche 12 mai. Toute la journée a fleuri sur X (ex-Twitter) une photo de la candidate du bloc présidentielle entourée de quatre hommes qu’on peut aisément associer à la mouvance d’ultradroite, voir néonazi. L’un d’eux arbore un t-shirt floqué « The white race, save European identity » (La race blanche, sauvons l’identité européenne), un autre porte un treillis et un t-shirt contenant deux lettres S stylisées à la manière du logo des troupes SS d’Adolf Hitler.
La macroniste a réagi dans un communiqué, indiquant qu’elle n’a « par principe pas l’habitude de refuser » une photo, mais considère avoir été la victime d’un « piège […] tendu par des militants d’un groupuscule néonazi » dont elle n’aurait « pas eu le temps de voir les inscriptions racistes » pourtant fièrement mises en avant. Heureusement pour elle, ce n’est pas la première personnalité politique à être victime d’une photo prise avec des importuns.
Emmanuel Macron avec un ancien de l’Action française
Le selfie avec un opposant politique centriste ou de gauche comme une prise de guerre, c’est une spécialité des mouvances d’extrême droite. En décembre 2019, c’est Emmanuel Macron, lui-même, qui se laissait surprendre au sein du palais de l’Élysée, et créait la polémique. Des photos datant du mois de novembre ont créé un tollé sur les réseaux sociaux. On y voit le président de la République discuter et prendre la pose avec Élie Hatem.
Ancien candidat du Front National aux élections municipales de 2014, participant à un meeting d’hommage à l’antisémite Charles Maurras, opposé au « judaïsme politique » et ancien membre du groupuscule royaliste « Action française », l’avocat de formation a un pedigree marqué à l’extrême droite.
Sur son profil Instagram, on peut notamment le voir poser fièrement avec Jean-Marie Le Pen. Dans la foulée, l’Élysée avait confirmé l’authenticité des photos auprès du Parisien, justifiant qu’il n’avait pas été reçu à titre personnel, mais invité lors d’une soirée de remise de légions d’honneur. La personnalité sulfureuse a également pris une photo avec une Brigitte Macron tout sourire. Une proximité dénoncée comme « inacceptable » par l’insoumis Alexis Corbière, sur X.
Gérard Collomb et « l’invasion migratoire »
Coup double en Macronie. Quelques semaines avant le chef de l’État, c’est son ancien ministre de l’intérieur Gérard Collomb, qui semble être tombé dans le panneau. Interpellé dans la rue, l’ex-maire de Lyon a accepté de poser, tout sourire, avec Jérémie Piano, responsable du groupe « Génération identitaire » en Provence.
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Le militant d’extrême droite a même revendiqué dans un tweet, supprimé depuis, avoir eu un échange « intéressant avec Gérard Collomb autour de l'invasion migratoire ». « Le combat contre l'immigration massive de Génération Identitaire est plus que jamais légitime », a-t-il ajouté dans la même déclaration. Interrogé par le journal local Lyon Capitale, le cabinet du maire a déclaré que l’édile « s’est fait piéger », et ne connaissait pas l’identité et le militantisme de son camarade de selfie, avant d’ajouter que le maire ne « peut pas demander les cartes d’identité pour des photos ».
Trop tard. Le militant s’est même permis une pointe d’ironie en remerciant l’ancien ministre « pour les renforts sur le col de l’Échelle », faisant référence à une opération anti-migrants réalisée au printemps 2018, par le groupe Génération identitaire.
Marine Le Pen et les néonazis
Mais le camp libéral n’est pas la seule cible des militants néonazis. En 2011, la présidente du Front National, Marine Le Pen, qui s’inscrivait déjà dans une logique de dédiabolisation de son parti, et s’affichait comme la dirigeante d’un parti qui ne représentait aucune forme d’antisémitisme, était prise en photo avec deux militants néonazis lyonnais.
L’un d’eux arbore sur son t-shirt un détournement du logo de la marque Lonsdale, dont le « L » est remplacé par un « P » pour incruster une référence au NSDAP, le parti nazi créé par Adolf Hitler. L’autre, moins subtil, a au niveau du torse une croix gammée sur laquelle on trouve une Totenkopf, la tête de mort qui symbolisait les gardiens SS des camps de concentration et d’extermination.
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L’image a été postée le 1er avril 2011 sur un blog antifasciste, suscitant une vague d’indignation, et obligeant Marine Le Pen à se justifier auprès de la rédaction des Inrocks. Le cliché daterait de 2006 et serait, selon la cheffe de file du Rassemblement national, une démonstration de « l’entrisme de l’Œuvre française [au sein du Front national] ».
Cette organisation pétainiste aurait tenté de bousculer l’organisation interne du parti de Jean-Marie Le Pen en l’infiltrant. Comme tous les autres hommes et femmes politiques tombés dans le panneau, l’ex-dirigeante du RN a assuré ne rien savoir du profil idéologique des hommes qui l’ont approché, et les a qualifiés de « pervers ».
En mai 2019, là encore, Marine Le Pen a plaidé la bonne foi, après la diffusion sur les réseaux sociaux d’un selfie pris avec Ruuben Kaalep, néonazi du parti estonien Ekre. Le cliché a été pris à l’occasion d’une semaine de tournée européenne de Marine Le Pen, qui a rencontré les principaux leaders d’extrême droite du vieux continent. On voit, sur l’image, l’ancienne présidente du RN en train de réaliser le signe de ralliement des suprémacistes blancs, formant un « W » et un « P », symbole du slogan « White Power ». Elle a assuré ignorer la signification du signe.
Attali et Soral, Yann Barthes et la quenelle…
L’incitation à prendre une photo, à la va-vite, pour être utilisée dans un contexte politique non déclaré, n’est pas réservée qu’aux hommes et aux femmes politiques. Bien d’autres en ont subi les conséquences. En 2014, c’est Jacques Attali qui a été victime d’un abus de confiance à un « inconnu ». Sur son compte X, le « faiseur de rois » de la gauche a bien été obligé de reconnaître son erreur d’inattention, après la diffusion d’une image avec une personnalité bien connue de l’extrême droite : « Un inconnu, dans une gare, demande à être photographié avec moi. J'accepte, comme toujours. Sans reconnaître Alain Soral. »
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Personnage tout aussi médiatique mais moins politique, Yann Barthes a, lui aussi, été pris au piège. En juillet 2012, à l’occasion d’un match de foot entre la rédaction du Petit journal et des internautes de Twitter, l’ex-animateur de Canal + a été invité à prendre une photo sur laquelle il réalisait une quenelle, geste symbole de l’humoriste antisémite Dieudonné. Un geste qu'il a affirmé ne pas connaître, au moment du cliché. À l’ère des réseaux sociaux, mieux vaut savoir pour quel objectif on pose.