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Vers une vague de froid en février 2023 ?

Vers une vague de froid en février 2023
Plusieurs modèles de prévision météorologiques font apparaître un affaiblissement du vortex polaire pour début février 2023

Fin décembre 2022, la tempête Elliott, surnommée le « blizzard du siècle » ou « bombe cyclonique » qui a affecté une bonne partie des États-Unis fait partie de ces événements censés ne se produire « qu’une fois par génération », selon le Service national de météo (National Weather Service, NWS). Cela faisait trente ans que les États-Unis n’avaient pas été touchés par une tempête hivernale aussi importante.

Un phénomène du même type s’était produit en février 2021. Plusieurs villes sud des États-Unis avaient enregistré des températures les plus basses jamais relevées. La neige est également tombée au sud du Texas et jusqu’à la frontière mexicaine, un événement jamais observé depuis 1949.

À l’origine de ces phénomènes, une plongée d’air très froid, issu des zones polaires, s’écoulant vers le sud sur le continent nord-américain, propulsé par un puissant jet stream, un courant d’air d’altitude.

Sans se risquer à dire que ces vagues de froid sont dues au réchauffement global, certains médias le suggèrent de façon plus ou moins subliminale. Ainsi, dans un article publié le 28 décembre 2022 par le journal l’Humanité, un climatologue a déclaré, que « sans le réchauffement climatique, la vague de froid que connaissent les États-Unis Unis aurait probablement été pire ».

Vortex polaire et jet stream

Le vortex polaire arctique est une bande de vents forts soufflant d’Ouest en Est qui se forme dans la stratosphère entre environ 16 et 48 kilomètres au-dessus du pôle Nord chaque hiver. Les vents enferment une vaste réserve d’air extrêmement froid. Plus les vents sont forts, plus l’air à l’intérieur est isolé des latitudes plus chaudes et plus il fait froid.

Lorsque le vortex polaire arctique est fort et stable (sphère de gauche), il pousse le jet stream polaire, vers le bas dans la troposphère, l’obligeant à se déplacer vers le nord. L’air polaire le plus froid reste dans l’Arctique. Lorsque le vortex s’affaiblit, se déplace ou se divise (sphère de droite), le jet stream polaire ondule, permettant à l’air chaud de se répandre dans l’Arctique et à l’air polaire de s’enfoncer dans les latitudes moyennes.

Le vortex polaire est souvent confondu avec le jet stream polaire, mais les deux se trouvent dans des couches complètement séparées de l’atmosphère. Le jet stream polaire se produit dans la troposphère, à des altitudes comprises entre 8 et 14 kilomètres au-dessus de la surface. Il marque la frontière entre les masses d’air de surface, séparant l’air plus chaud des latitudes moyennes et l’air polaire plus froid. C’est le jet stream polaire qui joue un si grand rôle dans le climat hivernal aux latitudes moyennes, et non pas le vortex polaire.

Le vortex polaire et notre climat hivernal

Le vortex polaire n’influence pas toujours le climat hivernal aux latitudes moyennes. Quand c’est le cas, cependant, les effets peuvent être extrêmes. 

Lorsque le vortex polaire est particulièrement fort, le jet stream polaire a tendance à rester plus au nord et à présenter un écoulement laminaire, avec moins de méandres. À la surface, cet état stratosphérique stable est souvent associé à un Arctique encore plus froid que d’habitude et à un temps plus doux que d’habitude aux latitudes moyennes.

Inversement, le vortex polaire est parfois perturbé lorsque des ondes atmosphériques particulièrement fortes dans la troposphère se brisent vers le haut dans la stratosphère. Le vortex ralentit et peut vaciller, glisser hors du pôle, se diviser en plusieurs lobes ou, dans les cas les plus extrêmes, inverser temporairement sa direction. Quelle que soit leur forme, ces perturbations ont une chose en commun : un pic des températures dans la stratosphère polaire, appelé réchauffement soudain de la stratosphère. Dans les semaines qui suivent ce bouleversement stratosphérique, le jet stream polaire développe souvent une forme ondulée, avec des creux profonds et des crêtes abruptes qui pouvent devenir presque stationnaires pendant des jours. La nature exacte de l’interaction – comment le jet stream polaire « est affecté » par la perturbation dans le vortex polaire et pourquoi il réagit comme il le fait – n’est pas entièrement comprise. Sous les crêtes à haute pression, l’air chaud inonde le nord dans certaines parties de l’Arctique, entraînant souvent une fonte extrême, tandis que l’air polaire remplit les creux à basse pression, amenant les conditions hivernales plus au sud que la moyenne.

La plupart du temps, lorsque cela se produit, et cela se produit en moyenne environ tous les deux ans dans l’Arctique, une partie des latitudes moyennes est affectée par une vague de froid. La perturbation du vortex a poussé le jet stream polaire à devenir plus ondulant pendant plusieurs semaines et, en combinaison avec d’autres conditions météorologiques, a créé des conditions favorables à une sévère vague de froid dans le centre des États-Unis. 

Vagues de froid extrême et changement climatique, un lien ténu

Certaines recherches récentes [1]ont suggéré que le réchauffement climatique pourrait contribuer à des vagues de froid plus intenses et prolongées dans certaines régions, en raison de changements dans les schémas de circulation atmosphérique et océanique. Ces études cherchent à vérifier l’hypothèse selon laquelle le déclin de la banquise arctique pourrait impacter le climat à nos latitudes en modifiant la sinuosité du jet stream polaire. Le mécanisme serait le suivant : à mesure que la banquise arctique fond et que l’atmosphère polaire se réchauffe, les vents tourbillonnants qui confinent l’air arctique froid s’affaiblissent, le laissant se déverser plus au sud.

Selon une autre hypothèse, défendue dans une publication de 2016 de la revue Nature[2] l’emplacement « préféré » du vortex polaire peut être sensible aux variations régionales de la couverture de la banquise. Une autre étude établit un lien [3]entre l’étendue moyenne de la banquise en février dans les mers de Barents et de Kara dans l’est de l’Arctique et un déplacement du vortex polaire vers l’Eurasie entre les années 1980 et les années 2000. Le déplacement du vortex s’est accompagné d’hivers plus froids que la moyenne à travers la Sibérie et les latitudes moyennes de l’Eurasie centrale.  

Inversement, de nombreuses études [4]montrent que la variabilité naturelle, plutôt que le changement climatique, est le principal moteur des vagues de froid extrême. C’est le point de vue d’Amy Butler, experte en stratosphère à la NOAA, qui fait observer que l’historique des observations de la stratosphère est trop bref (la stratosphère n’est directement étudiée que depuis les années 1950), ce n’est pas suffisant pour comprendre les effets de la variabilité naturelle sur le vortex polaire. Elle estime que l’effet du réchauffement climatique [sur le vortex polaire] est actuellement faible par rapport au « bruit » de la variabilité naturelle. Amy Butler a déclaré :

« Je ne pense pas qu’il existe de preuve convaincante d’une tendance à long terme du vortex polaire. Ce que nous voyons dans les données, c’est cette période très intéressante des années 1990, pendant laquelle aucun réchauffement stratosphérique soudain n’a été observé dans l’Arctique. En d’autres termes, le vortex était fort et stable. Mais à partir de la fin des années 1990, et au cours de la décennie suivante, il y eu un réchauffement stratosphérique soudain presque chaque année. Il y avait donc une fenêtre de temps au début des années 2010 où il semblait qu’il pourrait y avoir une tendance vers des états plus faibles, plus perturbés ou décalés du vortex polaire arctique. Mais cela n’a pas continué, et de plus en plus, il semble que ce qui semblait être le début d’une tendance n’était que de la variabilité naturelle, ou peut-être juste un rebond du calme des années 1990. »

Ajoutons que les oscillations périodiques des océans jouent un rôle. Ainsi dans le Pacifique, lorsque les conditions « La Niña » prévalent, il existe une probabilité de 60 à 75 % de réchauffement stratosphérique soudain. Un chercheur [5]a effectué une reconstruction historique des vortex polaires, à l’aide de l’indice NAO (Oscillation nord-atlantique). Cette reconstruction n’a montré aucune tendance à long terme sur plusieurs décennies.

Des modèles qui se contredisent

Certaines simulations climatiques prédisent que la poursuite du réchauffement conduira à un affaiblissement du vortex polaire. Mais d’autres simulations de modèles prédisent que le réchauffement et la perte de glace de mer conduiront à un renforcement du vortex polaire. Une des raisons de ce désaccord est que l’impact du réchauffement de la surface de l’Arctique et de la perte de banquise est très sensible aux conditions initiales (où et quand exactement se produit la perte de la banquise), qui varient beaucoup d’une simulation à l’autre.

Cependant, la sensibilité au moment et à l’emplacement de la perte de banquise n’est qu’une partie de la complexité. Certains chercheurs ont « poussé » les modèles pour examiner les scénarios de réchauffement les plus extrêmes, sur les horizons temporels les plus longs afin de voir si un signal cohérent émergerait des simulations. Mais les modèles sont restés divisés affirme Amy Butler. 

Dans le cadre d’une étude appelée Polar Amplification Model Intercomparison Project (PAMIP), ayant duré plusieurs années, les chercheurs ont fait tourner plus d’une douzaine de modèles climatiques à raison de 100 fois chacun. Un premier ensemble de modèles a simulé l’atmosphère arctique sans perte prononcée de banquise, en utilisant les températures océaniques et l’étendue de la banquise à partir de 2000. Un autre a maintenu les températures de l’océan au même niveau, mais a réduit la couverture de glace dans les proportions provoquées par un réchauffement climatique de 2° Celsius, lorsque l’Arctique serait libre de glace en été.

En plus de n’avoir trouvé qu’un effet minime de la perte surface de banquise sur le jet stream polaire, les modèles n’ont mis en évidence aucun signe cohérent d’une rétroaction accentuant la réduction de la superficie de la banquise. En revanche, les perturbations du vortex polaire stratosphérique, qui se produisent tous les 2 ans en moyenne, permettent finalement à l’air froid plus bas dans l’atmosphère de se répandre vers le sud, provoquant des tempêtes hivernales extrêmes. Les chercheurs en ont conclu que l’accent mis sur la banquise était « une sorte de perte de temps », ce qui fait dire à Gurung Magnusdotti, co-auteur de l’étude, qu’il « est dangereux de mettre l’accent sur un seul domaine et un seul point ».

Vers une vague de froid en février 2023 ?

La thèse de l’influence du réchauffement de l’arctique sur les vagues de froid apparaît ainsi hautement spéculative. Mais le débat est loin d’être clos et il est d’autant plus intéressant à suivre que plusieurs modèles de prévision météorologiques font apparaître un affaiblissement du vortex polaire pour début février 2023 : celui-ci se décalerait sur la France, avec la possibilité d’une vraie vague de froid.

[1] Evidence for a wavier jet stream in response to rapid Arctic warming (Janvier 2015)

Recent amplification of the North American winter temperature dipole (août 2016)

Warm Arctic episodes linked with increased frequency of extreme winter weather in the United States (mars 2018)

[2] Persistent shift of the Arctic polar vortex towards the Eurasian continent in recent decades (2016)

[3] The role of Barents–Kara sea ice loss in projected polar vortex changes

[4] Minimal influence of reduced Arctic sea ice on coincident cold winters in mid-latitudes

Weakened evidence for mid-latitude impacts of Arctic warming

[5] Estimating the Frequency of Sudden Stratospheric Warming Events From Surface Observations of the North Atlantic Oscillation

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