Wembanyama sur la touche : trois questions sur la thrombose ...

Violent coup d’arrêt pour le jeune français prodige de la NBA : Victor Wembanyama pourrait bien manquer le reste de la saison 2024-2025, comme l’a annoncé son équipe le 20 février au soir. Le basketteur de 21 ans souffre d’une thrombose dans une veine de l’épaule droite - c’est-à-dire un caillot sanguin qui la bouche. Une localisation peu courante, confirme Jean-François Renucci, spécialiste en médecine vasculaire à l’Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille. Il revient pour Libé sur les caractéristiques et la prise en charge de cette affection.
Il faut d’abord préciser qu’un caillot dans l’épaule est inhabituel : dans l’immense majorité des cas, on en trouve au niveau des jambes, le plus souvent chez des personnes âgées qui sont restées longtemps sans bouger. On a quelques cas rares dans l’abdomen, ou au niveau cérébral. En général, les personnes qui ont un caillot dans un bras ont une perfusion ou un cathéter et la veine s’est bouchée à cause du corps étranger qui y circulait. Chez les patients jeunes, la thrombose peut s’être développée en raison d’un traumatisme, comme une chute. L’autre hypothèse probable, en particulier pour un sportif, est un effort répété et très important - ici au niveau du bras, ce qui semblerait logique pour un basketteur. Dans ce dernier cas, le caillot pourrait être dû à une anomalie anatomique, c’est-à-dire un os (du cou ou de la cage thoracique par exemple) très proche d’une veine qui la comprime : avec un mouvement répété, cette veine finit par se boucher. C’est tout l’intérêt de rechercher les causes d’une thrombose : bien que ce soit rare, on peut aussi trouver des anomalies de coagulation du sang.
Le traitement consiste à prescrire un anti-coagulant, pour fluidifier le sang et éviter que le caillot ne s’étende. En version injectable dans les premiers jours, puis sous forme de comprimés. Pour les cas graves, où il faut agir vite, il existe aujourd’hui un système de thromboaspiration, qui consiste à aspirer directement le caillot à partir d’un cathéter. Ensuite, s’il s’agit d’une thrombose liée à l’effort et que les examens détectent un problème au niveau de son anatomie, le patient peut être opéré pour permettre à la veine d’avoir plus de place et éviter qu’elle ne se bouche à nouveau.
Eviter les récidives permet aussi de limiter les risques de la complication principale : l’embolie pulmonaire. Concrètement, le caillot se décroche, part dans les artères du poumon et risque de les boucher - ça peut arriver immédiatement, sous quelques heures, ou quelques jours. L’embolie peut être plus ou moins grave, le taux de mortalité est tout de même de 10 % [en France, on estime 100 000 cas par an, dont 10 à 20 000 mortels, ndlr]. C’est pour réduire ce risque qu’on maintient le traitement après que le caillot s’est résorbé.
Tout dépend de la cause - si une anomalie de coagulation est repérée, le traitement est à vie. En général, pour faire fondre le caillot et prévenir la récidive, on le fait durer trois mois. Or il faut rappeler que les anti-coagulants ont des inconvénients, qui justifient une surveillance, même si les nouveaux médicaments les limitent : ils entraînent des hémorragies plus ou moins graves - des gencives quand on se brosse les dents, le nez qui saigne spontanément, mais aussi dans des organes internes comme l’estomac. Cela signifie aussi que dès que l’on se cogne, on se fait un bleu. Donc c’est embêtant pour un sportif. D’autant plus si sa thrombose est liée à un effort. Dans le cas d’un jeune basketteur, d’un point de vue médical on devrait probablement lui demander de s’arrêter pendant au moins trois mois.