“The Ghost Writer”, de Roman Polanski, sur Arte : faut-il le revoir ?
Atmosphère glaçante, twists et casting impeccable : sorti en 2010, ce thriller politique paranoïaque est l’une des œuvres les plus brillantes de Roman Polanski. Voici quelques raisons de ne pas louper sa rediffusion sur Arte, ce dimanche 19 février.
Une voiture abandonnée sur un ferry à quai. Qu’est-il arrivé au conducteur durant la traversée ? Ainsi commence l’un des films les plus brillants de Roman Polanski. Diffusé sur Arte ce dimanche 19 février, The Ghost Writer (2010) nous ramène au temps de l’intervention anglo-américaine en Irak tout en s’enracinant pendant presque deux heures sur une île du nord-est des États-Unis. Un peu plus d’une décennie plus tard, pourquoi vaut-il encore le coup d’œil ?
L’intrigueGrand adaptateur de livres, Polanski a opté cette fois pour L’Homme de l’ombre (2007), un roman signé Robert Harris, ancien journaliste politique. Le réalisateur du Locataire est tout de suite séduit par cette intrigue à la Raymond Chandler (auquel il avait déjà rendu hommage avec Chinatown). Suspense, faux semblants, twists, collusions ambiguës avec des événements contemporains… l’histoire a tout pour faire un bon film. D’autant que si l’influence de Hitchcock est évidente dans The Ghost writer – candide et de bonne foi, le nègre joué par Ewan McGregor évoque le personnage de Cary Grant dans les films du cinéaste américain –, son ombre planait déjà sur le livre, comme l’a lui-même reconnu Harris. « J’aime la manière dont un homme ordinaire se retrouve plongé dans un monde où il perd ses repères, mais où tout ce qui se passe autour de lui est totalement logique. Et pourtant, les choses deviennent de plus en plus délirantes. J’aime ce genre-là, et Hitchcock en était le maître. »
Le décorLe vrai coup de génie de Polanski, c’est le décor. L’atmosphère glaçante. En envoyant son personnage principal travailler sur Martha’s Vineyard, une île au large du Massachusetts, il installe son récit dans l’angoisse de l’isolement et de la réclusion. De cette île hors saison, battue par les vents, la pluie, le froid, peut-on vraiment s’échapper ? Ruth, l’épouse d’Adam Lang, la compare à la Sainte-Hélène où Napoléon fut exilé. Et que dire du lieu de travail de l’écrivain fantôme, cette maison à l’architecture moderne tout de béton et de verre que Polanski fit bâtir en studio pour les besoins du tournage ? Avec ces échappées illusoires sur les dunes et la mer, elle a tout du bunker assiégé. Dans ce huis clos, métaphore de la bulle déconnectée dans laquelle vivent les puissants de ce monde, la valse des agents de sécurité et des communicants empressés font barrage à la réalité.
Les acteursLe casting est un sans-faute. Si Ewan McGregor, toujours l’air en manque de sommeil, trouvait là l’un de ses meilleurs rôles, et Pierce Brosnan, une occasion idéale de jouer les politiciens séducteurs et cyniques, il faut surtout saluer la prestation des deux actrices. D’abord Olivia Williams, exceptionnelle d’aigreur et de sagacité dans la peau de la « femme de » charismatique, et Kim Cattrall (l’inoubliable Samantha de Sex and the City), impeccable dans ses tailleurs cintrés et son personnage de maîtresse gardienne du temple. Enfin, n’oublions pas le manuscrit. Passé de main en main, fourré à la hâte dans des valises et bouclé dans des tiroirs blindés, il est l’un des personnages les plus importants du film, une bombe à ne manipuler qu’avec d’extrêmes précautions.
L’effet miroirAdam Lang est-il Tony Blair ? Ex-ami de l’ancien leader du New Labor, Robert Harris a un jour raconté au professeur et critique de cinéma Emanuel Levy avoir eu un déclic en 2006, en entendant un homme à la radio expliquer que la seule façon pour Tony Blair d’éviter d’être poursuivi pour crimes de guerre serait d’aller vivre aux États-Unis. Mais l’écrivain a ajouté : « Quand j’ai commencé à écrire, l’image de Tony Blair a disparu, et j’ai créé – je l’espère – cette figure politique universelle. »
Le jeu des ressemblances ne s’arrête pas là… Une personnalité publique et puissante, reconnue comme une figure d’autorité dans son domaine, est accusée d’avoir commis un crime. La machine médiatique s’emballe. L’accusé devient une cible. Une victime, selon lui. Cela ne vous rappelle rien ? En septembre 2009, alors qu’il se rend au Festival du film de Zurich, Roman Polanski est arrêté, rattrapé par une affaire qui remonte à 1977 : après avoir plaidé coupable d’avoir eu « une relation sexuelle illégale » avec une fille de 13 ans, il avait fui les États-Unis à la veille de son jugement définitif. Plus tard, de son luxueux chalet de Gstaad où les autorités suisses l’ont assigné à résidence, Polanski achève la production de The Ghost Writer. Lequel sort en France en mars 2010. Depuis, le cinéaste français d’origine polonaise a été accusé d’une dizaine de viols ou d’agressions sexuelles.
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