Procès du 13-Novembre, jour 1 : Salah Abdeslam, combattant revendiqué de l’État islamique
Pour le premier jour de cette audience historique, on retient la foule immense rassemblée au palais de justice, les conditions de sécurité exceptionnelles. Et surtout, les premières déclarations de Salah Abdeslam.
S’il y avait une question pour résumer les attentes à la veille du procès c’était celle-ci : Salah Abdeslam parlera-t-il ? Il n’aura pas fallu longtemps pour avoir la réponse. Six minutes très exactement. Le temps pour le président de déclarer "l’audience ouverte", de faire prêter serment aux interprètes - en langue ourdoue, en arabe, en suédois notamment - pour les accusés non-francophones. Puis d’indiquer qu’il allait procéder aux vérifications d’état civil des 14 accusés présents à l’audience et disposés dans le box par ordre alphabétique.
"Il n'y a pas d'autre divinité qu'Allah"Le président Jean-Louis Périès se tourne alors vers l’immense box vitré : “Monsieur Abdeslam, levez-vous. Veuillez décliner votre identité”. Salah Abdeslam se lève, tee-shirt et masque noirs. Un masque qu’il enlève, pour se pencher au micro. Et déclare : "Tout d'abord, je tiens à témoigner qu'il n'y a pas d'autre divinité qu'Allah, que Mohamed est son serviteur et son messager." Le regard est noir, presque halluciné.
La salle frémit à peine, le président écarte la diatribe d’un revers de manche : “Ça, on verra plus tard.” Et interroge, impassible, le principal accusé sur sa date de naissance, le nom de ses parents. “Le nom de mon père et celui de ma mère n’ont rien à faire ici”, rétorque Salah Abdeslam. “Votre profession?” “J’ai délaissé toute profession pour devenir un combattant de l’État islamique.” Toujours impassible, le président baisse le nez vers ses notes : “moi, j’avais noté 'intérimaire'.”
Salah Abdeslam se rassoit, son moment est terminé. Pour l’instant. Place aux autres accusés : Mohamed Abrini, également "l’homme au chapeau" des attentats du Bruxelles en mars 2016, cheveux courts, chemise blanche. Osama Krayem, cheveux et barbe longue derrière le masque, ressortissant suédois. Mohamed Amri, parti récupérer Salah Abdeslam la nuit des attentats, large carrure dans une chemise bleue claire. Ou encore Farid Kharkhach, accusé d’avoir fourni des faux papiers aux terroristes. Tous répondent calmement et sans rechigner aux questions du président.
Pour le respect des droits de la défensePuis, une fois les formalités d’usage passées, le président s’autorise un propos liminaire, “quelques mots empreints de la plus grande humilité”, précise-t-il. “Nous commençons un procès qualifié d'historique et de hors norme. Hors norme, oui. Mais si l’on se réfère à l’essence même d’un procès criminel où ce ce qui importe c'est le respect de la norme, en clair l’application de la procédure pénale et des droits de chacun, à commencer par les droits de la défense, alors il faut intégrer aussitôt la norme.”
Et de poursuivre encore : "Notre cour d'assises, que j'ai l'honneur de présider, a pour fonction d'examiner les charges retenues à l'encontre de chacun des accusés renvoyés devant elle et d'en tirer toutes les conséquences au plan pénal après avoir entendu la parole de chacun, c'est à dire la parole des paroles des parties civiles, celle des représentants de l'accusation et celle de la défense."
La suite de cette première journée d'audience pourrait ne pas mériter plus d’une ligne puisqu’il s'est agi de la confirmation, nom par nom, des 1765 parties civiles constituées dans ce dossier : ballet d’avocats qui se sont succédés à la barre pour venir y lire le nom de leur client. Si ce n’est que cette longue litanie rappelle, si besoin en est, le nombre de personnes directement victimes de ces attentats.
Si ce n’est aussi que cet exercice procédural a été interrompu par le malaise d’un des accusés, Farid Kharkhach, puis par une nouvelle diatribe de Salah Abdeslam dénonçant ses conditions de détention : "Dangereux ou pas dangereux, on est des hommes, des êtres humains. On a des droits. Et on est traités comme des chiens”, a-t-il lancé alors qu’il n’avait pourtant pas la parole. "Ici, c'est très propre, il y a des écrans plats, de l'air conditionné etc. Mais derrière, personne voit ça. Cela fait 6 ans que je suis traité comme un chien. Et si je me suis jamais plaint c'est parce qu'après la mort, on sera ressuscités."
Une nouvelle fois c’est avec calme mais fermeté que le président a géré l’incident. L’audience a pu reprendre, et les énoncés de noms de victimes également. Jusqu’à 20h30.
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