Rubiales refuse de démissionner, Jennifer Hermoso réplique en ...
Violences sexuelles
Il l’a scandé quatre fois, sous les applaudissements abjects des membres de la Fédération de foot espagnole : «Je ne vais pas démissionner !» Donné sur le départ par une grande partie de la presse espagnole, Luis Rubiales a refusé de lâcher la présidence de la Fédération ce vendredi 25 août. L’instance tenait une Assemblée générale extraordinaire, après le baiser imposé par leur patron à la joueuse Jennifer Hermoso, lors de la remise des médailles de la Coupe du monde féminine, remportée par l’Espagne à Sydney le 20 août. Dans la soirée, coup de tonnerre : celle-ci a pris la parole pour la première fois depuis les faits, avec un message clair : «A aucun moment je n’ai consenti à ce baiser ni n’ai cherché à enlacer le président [de la Fédération]. Je ne tolère pas que l’on mette en doute ma parole, et encore moins que l’on invente des mots que je n’ai pas prononcés.»
Ses propos battent en brèche toute l’argumentation de Luis Rubiales, qui avait défendu, lors de son discours devant la Fédération, un geste «spontané et consenti», en se peignant comme victime d’un «assassinat social», porté par un «faux féminisme», ce «fléau social dans le pays». Jennifer Hermoso confirme ainsi les informations du media sportif Relevo, selon lesquelles les mots minimisant l’agression que lui avaient attribués dimanche la Fédération de foot, avaient en réalité était intégralement écrits par son service de communication. Plus tard dans la soirée, la joueuse a partagé un texte dans lequel elle relate s’«être sentie vulnérable est victime d’une agression, un acte impulsif et sexiste [...] sans aucun consentement», et dénonce les «pressions» exercées par la Fédération sur elle et ses proches.
Les championnes du monde boycottent l’équipe nationaleLa dénégation de la numéro 10 a été dans un premier temps rapportée dans un communiqué signé par une trentaine de joueuses espagnoles en activité ou en retraite sportive, ainsi l’intégralité des championnes du monde, qui annoncent ne plus porter le maillot de la Roja «tant que les dirigeants actuels seront en place». Dans la journée, les soutiens se sont multipliés. «La honte», avait enfoncé la légende Iker Casillas, quand l’international Borja Iglesias a lui aussi renoncé à porter le maillot de l’équipe nationale masculine d’Espagne «jusqu’à ce que les choses changent et que ce type d’acte ne reste pas impuni».
Le président de la Liga, Javier Tebas, avait quant à lui réitéré son appel à la démission, en estimant que «la liste des femmes et des hommes offensés ces dernières années par Luis Rubiales est trop longue». Plusieurs clubs l’ont déjà lâché, tels le FC Barcelone, l’Atlético et le Real Madrid. A l’international, d’immenses joueuses comme l’anglaise Beth Mead, la Suédoise Fridolina Rolfö, et l’Américaine Alex Morgan ont rejoint le mouvement.
«Leçon de vie»Les salves de critiques fusant de toute part puis l’ouverture d’une procédure disciplinaire par la Fifa jeudi n’avaient pas eu raison de l’obstination de Luis Rubiales. Depuis ses premières déclarations dimanche, lorsqu’il insultait ses détracteurs en les traitant de «gens idiots et stupides», il n’avait commis qu’une vidéo d’excuses ratées lundi 21 août, entre «demande de pardon si quelqu’un a été blessé» et légitimation d’un geste qu’il jugeait «normal, naturel». Il a donc récidivé ce vendredi. «Le désir que ce baiser pouvait contenir est exactement le même que si j’embrassais l’une de mes filles. Il n’y [avait] pas de désir ni de position de domination», a-t-il clamé, avant de se permettre un petit cours de féminisme : «Je dis la vérité ici aujourd’hui. Les filles, apprenez-la, c’est une leçon de vie. Vous êtes de vraies féministes, pas [comme] le faux féminisme qu’on voit çà et là.»
Aux personnalités politiques qui ont qualifié son baiser forcé de «violence sexuelle», dont les ministres espagnoles à l’Egalité Irene Montero et celle aux Droits sociaux Ione Belarra, le patron de la Fédération a promis des «actions devant les tribunaux». Avant d’oser s’interroger : «Que vont penser les femmes qui ont été agressées sexuellement ? Que va penser une femme qui a été forcée et agressée sexuellement ?» Les seules excuses concédées par Luis Rubiales s’adressent à la reine d’Espagne Letizia et l’infante Sofia, à côté desquelles il avait célébré, dans les tribunes du stade Australie de Sydney, le but espagnol en finale du Mondial en attrapant ses propres parties génitales dans un geste obscène. Pour le reste, il ne regrette rien.
Mercredi, le syndicat Futpro a annoncé que Jennifer Hermoso l’avait désigné pour «représenter ses intérêts», avant de réclamer à la Fédération des «mesures exemplaires». Les applaudissements nourris qui ont accueilli le discours ahurissant de Luis Rubiales ce vendredi semblent montrer qu’il n’en sera rien, même si plusieurs fédérations locales se sont déjà prononcées contre son maintien. Il n’est pourtant bien loin d’être tiré d’affaire. Parlant d’un «MeToo du football espagnol», le président du Conseil supérieur des sports (CSD), Victor Francos, a confirmé qu’il transmettrait quatre plaintes (dont une émises par la Liga féminine) au Tribunal arbitral des sports (TAD), compétent pour ordonner une suspension du patron de la Fédération. Quelle que soit la décision du Tribunal, le refus du maillot rouge et jaune par les championnes du monde ressemble bien à un clou décisif dans le cercueil de la présidence Rubiales.
Mis à jour à 20h15 avec le communiqué des joueuses de la Roja.