Pourquoi le mythique Puy de Dôme retrouve le Tour de France
La renaissance du Puy de Dôme est partie d’un rêve. Celui qu’un homme de presque deux mètres de haut, à la voix grave et au visage rieur. Bercé aux exploits de Jan Janssen, Luis Ocana et Raymond Poulidor, Christian Prudhomme avait quatre ans en 1964, lors du fameux duel entre Jacques Anquetil et « Poupou » sur les pentes inhospitalières de l’ascension auvergnate. Ce jour-là, « l’éternel second » avait distancé son rival dans les deux derniers kilomètres. Mais c’est bien Anquetil qui avait remporté la course à Paris. Mais ça, Christian Prudhomme ne s’en souvient pas.
Le reste, le patron du Tour de France l’a connu. Et depuis, il ne pensait qu’à y revenir. « En arrivant chez ASO (Amaury Sport Organisation, la société organisatrice du Tour) en janvier 2004, la première chose que j’ai tapée sur mon ordinateur était : objectif Puy de Dôme. Pour moi, c’est l’un des plus forts symboles de la légende du Tour de France », retraçait l’ancien journaliste en octobre dernier, à l’occasion de la présentation de l’édition 2023.
Une route trop étroite pour monter« Je crois que c’est le fil rouge de sa carrière, confirme Thierry Gouvenou, ancien coureur et désormais responsable des parcours chez ASO. Ça a été un long combat. Il a réussi à convaincre les gens qu’il fallait le refaire. » Car après treize passages entre 1952 et 1988, le plus haut sommet de la chaîne des Puys s’était éteint. Un interminable interlude de 35 ans, la faute à une route devenue trop étroite - trois mètres de large - au fil de travaux successifs et à la mise en place d’un funiculaire permettant de rallier le sommet. Ainsi que la volonté des autorités de préserver ce site naturel (labellisé Grand site de France depuis 2008), image d’Épinal des volcans d’Auvergne.
Si bien qu’il y a quelques années encore, il aurait été impossible d’envisager le retour du géant sur la carte de la Grande Boucle, là où les plus grands se sont imposés. Coppi, Bahamontes, Gimondi, Ocana (deux fois), Zoetemelk, ils ont tous gagné au sommet de ces quatre kilomètres aux pourcentages infâmes, de cet « escargot à quasiment 12 % constants presque en ligne droite ». Christian Prudhomme a le sens de la formule. Sauf qu’ASO sait désormais organiser des arrivées en effectifs réduits. Rendant possible ce retour tant attendu.
Cavagna : « Je vois le Puy de Dôme quand j’ouvre mes volets »Depuis qu’il est gosse, Rémi Cavagna contemple la montagne qui surplombe Clermont-Ferrand. Tout là-haut, à 1 465 mètres d’altitude. « Aujourd’hui encore, je vois le Puy de Dôme quand j’ouvre mes volets », assure le coureur de Soudal-Quick Step. Discrètement, au fil des années, il s’est faufilé « une ou deux fois » de l’autre côté de la barrière qui barre l’accès aux derniers kilomètres. Histoire de rallier le sommet aux aurores et de s’imprégner d’un lieu si important dans l’histoire de son sport. Ce retour, il n’osait même pas en rêver. Jamais il n’aurait « pensé le faire en course. Dans ma tête je me disais que ce n’était pas possible ».
Alors, ce dimanche, le coéquipier de Julian Alaphilippe aura forcément un petit sourire au milieu de toute cette souffrance. Il sait aussi qu’il ne gagnera pas, et que le mythe de ce retour appartiendra aux autres. « Forcément, si on inscrit son nom sur une montée comme le Puy de Dôme, on sait qu’on restera longtemps au palmarès », assurait David Gaudu début juin. Le Breton n’était pas né lorsque le Danois Johnny Weltz levait les bras pour la dernière fois au bas de l’antenne. Christian Prudhomme, lui, était probablement devant sa télévision, à déjà attendre le prochain passage. C’est pour aujourd’hui.