Proust, ce businessman méconnu
Publié le 16 nov. 2022 à 11:00Mis à jour le 16 nov. 2022 à 15:31
Cent ans après sa mort à l'âge de 51 ans, que l'on commémore en grande pompe le 18 novembre, Marcel Proust reste l'un des écrivains les plus étudiés, commentés et cités dans le monde. Pas une ligne d'À la Recherche du temps perdu qui ne fasse l'objet d'une thèse. L'importance de l'amour, la fameuse « mémoire involontaire » qui permet de revivre le passé mieux que l'intelligence, la recherche de l'espace comme moyen de retrouver le temps, la place des femmes, le chromatisme, la ponctuation… les aspects du plus long roman de l'histoire littéraire moderne - selon le Guinness des records - n'en finissent pas d'être disséqués. Comme si cette oeuvre marquante, publiée entre 1913 et 1927, n'avait pas encore livré tous ses secrets et que l'on pouvait, à force de persévérance, y trouver nouvelle matière à s'extasier.
En tant qu'auteur, Proust a donc fait couler beaucoup d'encre. Nettement moins connue est son activité d'homme d'affaires, gestionnaire presque de A à Z d'une affaire vouée à la production, l'édition et la promotion d'un roman-fleuve unique en son genre. « Proust a assez vite pris conscience de la valeur que représentaient les manuscrits qu'il accumulait boulevard Haussmann et a tout fait pour l'exploiter », expose Guillaume Fau, l'un des trois commissaires de l'édifiante exposition actuellement consacrée par la Bibliothèque François-Mitterrand à la Fabrique de l'oeuvre proustienne. On y plonge dans les coulisses de la Recherche par le biais de 350 pièces exceptionnelles, parmi lesquelles de nombreux carnets de notes, de brouillon et de « mise au net », annotés, raturés, malmenés par un écrivain éternellement insatisfait de sa prose. Les extraits de contrats d'édition exposés en disent long sur la volonté de l'auteur de rester maître à bord de son équipée au long cours.