L'annonce de la mort d'Evgueni Prigojine, un signal pour l'élite russe
Deux mois précisément après avoir défié le Kremlin en envoyant ses mercenaires à l’assaut de Moscou, Evgueni Prigojine est – très probablement – mort. Sa disparition, survenue mercredi 23 août, est à la hauteur de la légende que s’est bâtie cet ancien bandit devenu, pour le compte de l’Etat russe, le chef d’une tentaculaire milice privée : violente, spectaculaire, entourée d’ombre.
L’homme d’affaires de 62 ans faisait partie des passagers enregistrés au départ de Moscou à bord d’un avion privé lui appartenant. L’appareil, un Embraer Legacy 600, s’est écrasé avant d’atteindre sa destination, Saint-Pétersbourg, sa ville natale et le siège de son groupe, Wagner.
Mercredi soir, dix corps ont été retrouvés sur les lieux du crash, près du village de Koujenkino, dans la région de Tver, située entre Moscou et Saint-Pétersbourg. Mais les autorités russes s’abstenaient encore, à ce moment, de confirmer officiellement son décès. Des procédures d’identification devaient débuter jeudi matin, mais, au vu de l’état des corps, celles-ci pourraient prendre du temps et requérir des expertises ADN.
Pour autant, la mort d’Evgueni Prigojine fait peu de doute. La promptitude des agences russes à donner des détails sur le crash en est un signe évident. Plusieurs de ses lieutenants, tout comme les quelques médias qu’il contrôlait encore, l’ont aussi annoncée. Ces sources ont également confirmé la présence à bord de l’avion du sympathisant néonazi Dmitri Outkine, « Wagner » de son nom de guerre, le vrai fondateur, en 2014, du groupe de mercenaires.
Seuls quelques-uns de ses fidèles, combattants ou simples admirateurs, refusaient toujours d’admettre la mort d’Evgueni Prigojine, mettant en avant la présence d’un deuxième jet privé appartenant au groupe, qui a pu faire demi-tour vers Moscou. L’homme n’était-il pas un as de la mystification ? Depuis sa disgrâce, les médias russes ont abondamment commenté son utilisation de faux passeports, de postiches et même de sosies.
Culte de la violenceCe déni en dit long sur la stature, quasi mythique, que s’était forgée au cours de ces derniers mois l’ancien gangster. Pour nombre de Russes, Prigojine restera le « héros de Bakhmout » – du nom de la seule victoire d’importance obtenue depuis un an par l’armée russe dans sa guerre en Ukraine – ou l’homme qui a osé défier une élite honnie, vilipendant oligarques et ministres à longueur d’interviews ou d’enregistrements audio. Son parler direct et brutal, comme sa dénonciation des pertes russes massives sur le sol ukrainien, lui offrait une aura de sincérité.
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