Mort de Nahel, déclarations du policier : ce que révèlent les ...
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Florian M. reste en prison. La chambre de l’instruction de la cour d’appel de Versailles a décidé jeudi 6 juillet de maintenir en détention provisoire le policier auteur du tir mortel sur Nahel à Nanterre le 27 juin lors d’un contrôle routier. Ce brigadier, motard de la police et ancien de la CSI 93, a été mis en examen pour homicide volontaire et écroué jeudi dernier à la prison de la Santé.
Quelques heures avant que ne soit prononcé son maintien en détention, le Monde et le Parisien ont pu se procurer le réquisitoire formulé par le parquet de Versailles à cette occasion. Le document, daté du mercredi 5 juillet, fait état des premières constatations de l’enquête autour de la mort du jeune homme abattu par Florian M. De manière précise, cette synthèse reconstitue la chronologie des faits telle qu’établie par l’enquête, depuis le début de la course-poursuite jusqu’aux premiers incidents impliquant des jeunes et des proches de la victime.
Position de «tir fichant»Mardi 27 juin, dès 8 heures, Florian M. sort du commissariat de Nanterre par la rue Soufflot en compagnie d’un collègue de la Compagnie territoriale de la circulation et de sécurité routière des Hauts-de-Seine. Très vite, les deux motards repèrent une Mercedes «dont le moteur vrombissait et qui circulait dans la voie de bus», détaille le compte rendu des déclarations des policiers. Comme l’explique le Monde, après examen de la vidéosurveillance, le parquet note que durant son périple, la Mercedes AMG a «failli percuter un cycliste tandis qu’un piéton engagé sur un passage protégé avait dû faire demi-tour en courant pour éviter d’être percuté». «Les deux motards s’approchent alors de la puissante voiture. Toujours au guidon de sa moto, Florian M. se place du côté passager et actionne à plusieurs reprises ses gyrophares ainsi que sa sirène “deux tons”. Il demande alors au conducteur et à ses deux passagers de se ranger pour procéder à un contrôle», poursuit le texte.
Nahelserait alors reparti «à pleine vitesse» : «jusqu’à 80 ou 100 km/h», selon les affirmations à l’IGPN du second motard. D’après les dires de Florian M., le jeune homme «aurait même fait une embardée vers son collègue durant sa fuite». Bloquée dans les embouteillages non loin de la place Nelson-Mandela, la Mercedes jaune est vite rattrapée par les deux policiers qui se mettent à son niveau. A l’IGPN, Florian M. déclare s’être mis en position de «tir fichant», c’est-à-dire un tir devant se ficher très rapidement dans le sol. Le moyen selon lui d’«éviter de tirer n’importe où et viser le bas du corps de Nahel au cas où il aurait besoin d’ouvrir le feu».
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Selon son récit, il aurait alors hurlé à Nahel de couper le contact et confirme avoir à plusieurs reprises frappé le pare-brise de la voiture «afin d’attirer l’attention du conducteur». Florian M. ajoute même que le conducteur a, selon lui, «fait avancer et reculer le véhicule» tandis que son collègue «avait le haut de son corps dans l’habitacle, vraisemblablement pour essayer de maîtriser le conducteur ou pour tenter d’appuyer sur le bouton stop du contact».
«Neuvième jour de travail consécutif»Pour justifier son tir, le brigadier évoque le danger : une crainte moins pour lui, qui reconnaît n’avoir été «qu’un peu poussé», que pour son collègue. Auprès des enquêteurs, Florian M. a justifié son tir en disant craindre que l’adolescent «embarque» dans sa fuite l’autre policier, qu’il pensait le corps «engagé dans l’habitacle» de la Mercedes, rappelle le parquet. Des déclarations contredites par l’intéressé, qui a précisé lors de ses auditions que seul son bras l’était, assurant par ailleurs que Nahel avait bien, après 10 à 15 secondes, coupé le contact du véhicule. Toutefois, le conducteur aurait ensuite «replacé sa main sur le volant puis activé le levier de vitesse de sa voiture», selon les déclarations de ce motard, précise le Parisien.
Juste après le coup de feu, «la vidéo enregistre cinq ou six coups de klaxon et un vrombissement de moteur», relate le réquisitoire. Qu’en est-il des propos tenus par les policiers entendus dans la vidéo amateur captant le tir ? Lors de son audition, le fonctionnaire a réfuté avoir utilisé l’expression «tu vas prendre une balle dans la tête». Toutefois, selon la première exploitation des images réalisées par l’IGPN, cette phrase semble bien avoir été prononcée. Dans une synthèse de cette exploitation consultée par le Parisien, les enquêteurs expliquent percevoir «un échange entre trois voix différentes avant la détonation». «Coupe, Coupe» aurait crié Florian M. avant qu’une seconde voix, potentiellement celle de Nahel, ne crie : «Pousse-toi.» Une troisième voix, «pouvant être attribuée» au collègue de Florian M. note l’IGPN, aurait alors bien affirmé «tu vas prendre une balle dans la tête». Une première analyse qui doit être confirmée par une expertise en cours, réalisée par l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie.
Quelques heures après la mort de Nahel, Florian M. subit un examen psychiatrique à l’hôpital Max-Fourestier de Nanterre. Une fois séparé de son collègue pour éviter toute concertation, le policier de 38 ans est entendu en audition libre puis rapidement placé sous le régime de la garde à vue par les enquêteurs de l’IGPN. D’emblée, le fonctionnaire leur explique qu’il en est à «son neuvième jour de travail consécutif», pointe le Parisien.Puis il leur livre sa version des événements.
Contradiction avec le tout premier compte rendu d’interventionCe récit, tout comme la fameuse captation vidéo du tir, entre en contradiction avec la fiche policière dite «Pégase», le tout premier compte-rendu de l’événement, établi juste après l’intervention. Selon les informations du Parisien, ce document rédigé par un opérateur du centre de commandement mentionne : «Individu blessé par balle à la poitrine gauche. Le fonctionnaire de police s’est mis à l’avant pour le stopper. Le conducteur a essayé de repartir en fonçant sur le fonctionnaire.» Par l’entremise de son avocat Yassine Bouzrou, la famille de Nahel a porté plainte pour faux en écriture publique.
«Il existe un document rédigé par un policier, qui indique mensongèrement que Nahel a tenté de percuter un policer en lui fonçant dessus. Ce document constitue un faux car ses éléments sont tout simplement mensongers», a développé l’avocat sur France Info ce jeudi 6 juillet. Yassine Bouzrou pointe ainsi que «c’est sur la base de cette information fausse que le procureur de la République de Nanterre a décidé d’ouvrir un information judiciaire à l’encontre de Nahel pour tentative d’homicide». Et, surtout, que «s’il n’y avait pas eu de vidéo amateur, l’enquête se serait basée sur cette fiche afin d’exonérer les policiers».