Du passe sanitaire au passe vaccinal : ce qu'en pensent les scientifiques
Doucement, l'exécutif avance ses pions vers la vaccination obligatoire. Face à la montée du variant Omicron et pour tenter d'éviter de nouvelles restrictions, le gouvernement veut augmenter la pression sur les Français non-vaccinés contre le Covid-19. Conséquence : un projet de loi sera présenté "début janvier" pour transformer le passe sanitaire en passe vaccinal, a annoncé vendredi soir le Premier ministre Jean Castex après un Conseil de défense sanitaire. Concrètement, pour entrer dans les lieux soumis à ce passe (restaurants, lieux de culture, de loisirs...), un test négatif ne suffira plus : il faudra forcément avoir été vacciné et avoir reçu une dose de rappel. Si cette question devrait sans doute animer les discussions autour du repas de Noël, les scientifiques sont partagés entre sentiment de satisfaction et scepticisme.
"C'est une très bonne décision, quoique trop tardive : l'Académie nationale de médecine ne peut que l'approuver puisqu'elle avait émis cette recommandation dès le 25 mai", déclare à L'Express l'épidémiologiste Yves Buisson. Selon le spécialiste, ce dispositif pourrait inciter les personnes restantes à se rendre dans les centres de vaccination, bien qu'il admette l'existence d'un plafond de verre : "Il y aura toujours des 'ultras' et des antivax irréductibles, qui ne se feront toujours pas vacciner."
L'objectif du membre de l'Académie nationale de médecine est d'élargir la couverture vaccinale à plus de 95% de l'ensemble de la population pour atteindre une immunité collective significative. Même son de cloche du côté de Pierre Squara, chef du service réanimation de la clinique Ambroise Paré à Neuilly qui estime sur BFMTV que "le passe vaccinal est un peu plus performant que le passe sanitaire".
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Le projet de loi est attendu le 5 janvier en Conseil des ministres et le 10 janvier dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale, d'après un calendrier de travail. S'agissant de l'accès aux trains, "cela doit être précisé prochainement"." Nous assumons de faire peser la contrainte sur les non-vaccinés", car ils représentent "l'essentiel" des malades du Covid hospitalisés, a souligné Jean Castex. En prenant cette décision, l'exécutif décide de serrer un peu plus la vis face aux personnes non-vaccinées. "Le passe vaccinal, ce n'est rien d'autre qu'un pas de plus vers l'obligation vaccinale", commente le professeur Djillali Annane, chef du service de réanimation de l'hôpital Raymond-Poincaré à Garches. Un constat que le ministre de la Santé admet à demi-mot dans une interview accordée ce samedi au média Brut : "Le passe vaccinal est une forme déguisée d'obligation vaccinale."
"Il n'est jamais trop tard pour bien faire"Avec 2901 malades en soins critiques ce vendredi, l'épidémiologiste Yves Buisson souhaiterait généraliser l'usage du passe vaccinal pour endiguer l'épidémie : "C'est, à notre avis, le seul moyen de rendre la vaccination obligatoire ; mais il faut pour cela étendre le champ d'application du passe vaccinal aux milieux professionnels (fonctionnaires, entreprises privées, ...), universitaires et scolaires, ainsi qu'à tous les rassemblements (même politiques) et aux moyens de déplacement (bus, métro, train, bateau, avion)." Au coeur des inquiétudes, la montée du variant Omicron, très contagieux et qui pourrait être "dominant" en France. "Si c'est 10% des cas de variant Omicron aujourd'hui dans notre pays, ça veut dire que la semaine prochaine, c'est 25 ou 30%, et ça veut dire que dans quinze jours, il est majoritaire", a prévenu le ministre de la Santé Olivier Véran ce samedi sur France Inter.
D'où la volonté du gouvernement d'accélérer toujours plus la campagne de vaccination, même si les mesures annoncées vendredi ne prendront pas effet tout de suite. "Le gouvernement aurait dû prendre des mesures plus strictes avant la cinquième vague, dès le mois de juin 2021, quand le variant Delta a émergé ; mais il n'est jamais trop tard pour bien faire...", tance Yves Buisson. De son côté, le professeur Annane n'est pas convaincu de l'efficacité de cette mesure : " Le plus urgent, c'est de mettre fin aux faux certificats vaccinaux." Dans son établissement, une femme de 57 ans qui s'était procuré un faux certificat de vaccination est décédée début décembre. Les médecins pensaient qu'elle était vaccinée et ne lui ont pas prescrit certains médicaments. Selon le chef de service de réanimation, le passe vaccinal pourrait avoir un effet pervers en "augmentant davantage le recours à de faux certificats de vaccination."
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La priorité du gouvernement devrait être ailleurs selon lui : convaincre la population des bienfaits de la vaccination en allant chercher les personnes plus précaires qui n'ont pas accès à la vaccination. "Nous observons que les individus qui ne sont pas vaccinés sont ceux qui n'ont pas été ciblés par les campagnes de vaccination. Ce ne sont pas majoritairement des anti-vax", reprend le spécialiste qui estime qu'il faudrait presque mettre en place un système de "porte-à-porte". Un argument partagé par Philippe Amouyel, épidémiologiste et professeur de santé publique au CHU de Lille qui s'exprimait au sujet du passe vaccinal en novembre dernier sur France 2 : " "Ce n'est pas en stigmatisant les gens qu'on va les convaincre d'aller se faire vacciner (...) Mais ceux qui posent problème, c'est ceux qui n'ont pas accès aux vaccins."
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