« Charlie Hebdo » : Pascal Bruckner accuse Rokhaya Diallo d’avoir « armé le bras des tueurs »
« J’ai rarement été la cible d’une telle violence sur un plateau. » Elle n’en revient pas : la militante antiraciste Rokhaya Diallo a été vivement prise à partie, mercredi 21 octobre au soir, par le romancier et essayiste Pascal Bruckner, qui l’a accusée d’avoir, par ses propos passés, participé à entraîner « la mort des douze de “Charlie Hebdo” ».
Ce soir Pascal Bruckner m’a accusée d’avoir par mes propos « entrainé la mort des 12 de Charlie » et d’avoir « armé… https://t.co/VpkK57dBVO
—RokhayaDiallo(@Rokhaya Diallo)
Rokhaya Diallo et Pascal Bruckner étaient les invités de l’émission « 28 Minutes », sur Arte. C’est là que l’essayiste a accusé la militante d’avoir « armé le bras des tueurs » :« Votre statut de femme musulmane et noire vous rend privilégiée et vous permet de dire un certain nombre de choses. Je pense notamment à ce que vous avez dit sur “Charlie Hebdo” et qui a entraîné, avec d’autres, la mort des douze de “Charlie Hebdo”. »
« Ce que j’ai dit a entraîné la mort de quelqu’un ? […] C’est scandaleux, c’est totalement irrespectueux ce que vous dites », répond la militante antiraciste.
« C’est ce que pensent tous les gens de “Charlie Hebdo”. Vous avez, avec d’autres, poussé à la haine contre “Charlie Hebdo” et armé le bras des tueurs. Assumez la responsabilité de vos actes », insiste Pascal Bruckner.
Et l’échange, très vif, de continuer :
« Je n’ai absolument aucune responsabilité dans aucun attentat terroriste. […] Je trouve ça très grave ce que vous faites. C’est vous qui incitez à la haine. »« Je n’incite pas à la haine, je vous mets en face de vos paroles, qui ont entraîné des meurtres. »« Tout le monde semblait estomaqué, une telle violence est inhabituelle sur ce plateau… », a réagi Rokhaya Diallo ce jeudi sur Twitter.
Une référence à une tribune de 2011Au cœur des accusations de Pascal Bruckner, une tribune signée par Rokhaya Diallo, en 2011, au lendemain d’une attaque contre les locaux de l’hebdomadaire, incendiés par un cocktail Molotov.
Avec 19 autres militants, elle signe un texte « pour la défense de la liberté d’expression, contre le soutien à “Charlie Hebdo” » qui dénonce une « instrumentalisation bouffonne et intéressée », et affirme qu’il n’y a « pas lieu de s’apitoyer sur les journalistes de “Charlie Hebdo”, que les dégâts matériels seront pris en charge par leur assurance ».
La pétition s’attaque également au fond, évoquant un « écœurement face à la nouvelle marque de fabrique de cet hebdomadaire : un anticléricalisme primaire doublé d’une obsession islamophobe », publiant « des articles ou des dessins antimusulmans ».
Cela avait conduit Pascal Bruckner à qualifier, en 2015, sur le même plateau de « 28 Minutes », deux associations de « complices idéologiques » des terroristes : Les Indivisibles de la militante antiraciste Rokhaya Diallo (qui n’en est plus membre) et Les Indigènes de la République d’Houria Bouteldja. Les deux associations avaient porté plainte en diffamation, mais avaient été déboutées par la justice.
Soutien total ou… expulsionL’échange a été vivement commenté sur Twitter, les noms des deux protagonistes figurant même dans les « tendances », les sujets les plus cités, sur le réseau social. Des messages de soutien à la militante antiraciste, mais également à son accusateur.
L’actrice et autrice Nadège Beausson-Diagne a par exemple apporté son « soutien total » à Rokhaya Diallo, se disant « étonnée de la facilité avec laquelle une telle violence puisse être dite sans que personne n’intervienne ».
Soutien total @RokhayaDiallo @ARTEfr @28minutes Étonnée de la facilité avec laquelle une telle violence puisse être… https://t.co/Ml58sm8Vj5
—NBeausson(@Nadege B.Diagne)
Absolument scandaleux (ces propos parmi tant d'autres dans ce moment où le débat public qui devient fou). Et j'allu… https://t.co/3Q41WAcFHw
—Clem_Autain(@Clémentine Autain)
Bruckner qui se dit opprimé par les minorités et les femmes qui nie bien sûr le privilège de l homme blanc et qui e… https://t.co/ALu2DVDEZq
—PascalBoniface(@Pascal Boniface)
A l’opposé, des figures de l’extrême droite, à l’instar de l’ex-RN Florian Philippot, ont embrayé le pas de Pascal Bruckner, appelant à l’expulsion de la « mouvance indigéniste » des plateaux télé.
« J’assume complètement ce que j’ai dit »#RokhayaDiallo : toute la mouvance indigéniste doit être expulsée de la sphère médiatique où elle y a pris ses aise… https://t.co/1lgSnMGGkw
—f_philippot(@Florian Philippot)
Invité de France-Inter ce jeudi, l’essayiste a assumé ses propos.
« Il y a des mots qui peuvent tuer. […] A partir du moment où on légitime la colère contre un journal satirique, on risque d’entraîner des actes de cette sorte. J’assume complètement ce que j’ai dit. »Tribune signée par Rokhaya Diallo en 2011 : "Il y a des mots qui peuvent tuer. (...) À partir du moment où on légit… https://t.co/u1ihFEh2Qp
—franceinter(@France Inter)
Rokhaya Diallo n’a pour l’heure pas précisé si elle avait l’intention de donner une suite judiciaire à cet épisode.