L'acteur Niels Arestrup est mort

C’est sa femme, l’auteure Isabel Le Nouvel, qui a annoncé dimanche matin la mort de Niels Arestrup, 75 ans, l’immense interprète du Prophète. «J’ai la douleur extrême de faire part de la douleur à la suite de la mort de mon époux, l’immense acteur Niels Arestrup au terme d’un combat courageux contre la maladie, il s’est éteint entouré de l’amour des siens. » 

L’acteur franco-danois, né à Montreuil le 8 février 1949, s’était souvent illustré dans des rôles de méchant au cours de plus de cinquante-cinq ans de carrière. À l’instar d’Alain Delon, il était un monstre sacré qui en imposait. Pourtant, il était d’un naturel réservé et contre toute attente, avait gardé une forme de timidité. Son regard perçant tenait son interlocuteur à distance. Ce fils d’ouvrier savait écouter et répondait aux questions après mure réflexion. Il n’avait jamais éprouvé le désir d’être sous les projecteurs. Il avait en mémoire la force de caractère de son père, chef d’atelier dans une usine, qui aurait aimé qu’il suive ses pas.

Audiard et Spielberg

Niels Arestrup est devenu comédien par hasard. Il a 19 ans quand il est «rencontré» disait-il par ce métier. Il découvre Tania Balachova dans une émission de télévision et décide d’aller la voir. La professeur d’art dramatique légendaire lui fait passer un essai avant d’observer : «Je n’ai rien de particulier à vous dire. Vous êtes un acteur comme l’étaient Michel Simon, Pierre Brasseur, Pierre Fresnay, vous n’y êtes pour rien, c’est ainsi. Si, un jour, un peu de chance s’en mêle, vous jouerez de grands textes.» Quand on le lui rappelait, l’intéressé était presque gêné de la comparaison. 

Parmi ses autres «maîtres», Michel Bouquet a été important. Il lui conseillait: «Lisez, lisez, apprenez, apprenez, oubliez, oubliez.» Niels Arestrup fit ses débuts au théâtre dans la troupe de Jean Gilibert en 1972. Andréas Voutsinas l’avait applaudi dans Crime et Châtiment de Dostoïevski, mis en scène par Alain Barsacq. Il travaillera avec l’ancien membre de l’Actor Studio pendant deux ans. «Etre acteur c’est être autre chose, autrement, autre part, être quelqu’un d’autre», estimait «son» élève. (France Inter, 2012).  

«Fous lui une baffe!»

Ce père de deux jumeaux -il était devenu père à 63 ans- avait donc souvent été «quelqu’un d’autre». En 1979, il joue un proxénète violent avec «ses» prostituées, Miou-Miou et Maria Schneider dans La Dérobade de Daniel Duval. «Fous lui une baffe!», répète le réalisateur à l’acteur qui finit par blesser les deux actrices physiquement. 

Il avait la réputation d’en venir facilement aux mains au théâtre. On se souvient d’une altercation avec Isabelle Adjani dans Mademoiselle Julie d’August Strinberg adapté par Boris Vian, au Théâtre Edouard VII, en 1983. Jean-Paul Roussillon avait abandonné le plateau, puis l’interprète de L’Eté meurtrier à son tour. Ils ne s’étaient plus jamais donné la réplique.

En 1996, le comédien avait également eu une relation conflictuelle avec Myriam Boyer alors qu’ils jouaient Qui a peur de Virginia Woolf ? , une pièce d’Edward Albee sur un couple qui se déchire à la Gaîté Montparnasse. Catherine Arditi avait remplacé la mère de Clovis Cornillac qui avait claqué la porte. «C’est du passé, c’est loin, on m’a collé une étiquette», nous affirmait Niels Arestrup qui balayait d’un geste les mauvais souvenirs. A la même époque, il tournait avec Marco Ferreri, Le futur est femme, autour d’un couple qui adopte un enfant. «Il disait ’Motore’, en mangeant des mandarines..., il y avait un style Ferreri, une recherche». (Allo Ciné).  

Claude Lelouch est le premier à lui donner sa chance, en 1976 dans Et si c’était à refaire. Arestrup est aux côtés d’Anouk Aimée, Catherine Deneuve, Charles Denner et Francis Huster.

Récompensé par trois César, il avait tourné avec le très «exigeant» Jacques Audiard pour Le Prophète qui avait marqué un tournant dans sa carrière. Il a aussi été récompensé pour De battre mon cœur s’est arrêté et Quai d’Orsay. Selon l’acteur, Jacques Audiard était «carrément difficile, il veut toujours que ça aille plus loin.» Le cinéaste prévenait : «On ne sortira pas de ce plateau tant qu’il n’y aura pas du sang sur les murs, il est capable d’aller toujours plus loin, jusqu’à l’épuisement. » (Allo Ciné, 2011). 

Arestrup a aussi tourné avec Steven Spielberg dans Cheval de guerre. Les jeunes réalisateurs pensaient à lui, comme Gilles Legrand, pour Tu seras mon fils qui se déroule dans les vignobles (2011). 

Il avait joué «Rouge» de John Logan au théâtre Montparnasse, mis en scène par Jérémie Lippmann avec Alexis Moncorgé en 2020.