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EXCLUSIF Nicolas Sarkozy au JDD : « La dissolution constitue un ...

EXCLUSIF Nicolas Sarkozy au JDD   La dissolution constitue un
Une semaine après l’éléctrochoc de la dissolution, l’ancien président de la République Nicolas Sarkozy condamne l’initiative d’Emmanuel Macron et désavoue sur le fond et sur la forme le choix d’Éric Ciotti de conclure une alliance avec le

Le JDD. Le président de la République a-t-il pris la bonne décision à l’issue des européennes, en décidant de « rendre la parole aux Français » et donc de dissoudre l’Assemblée nationale ? 

Nicolas Sarkozy. La décision a été prise, je ne peux donc hélas que la commenter. Elle m’inspire deux réflexions. D’abord, donner la parole au peuple français pour justifier la dissolution est un argument curieux puisque c’est précisément ce que venaient de faire plus de 25 millions de Français dans les urnes ! On donne la parole aux Français quand ils ne se sont pas exprimés depuis plusieurs années, pas juste après une consultation électorale. Le risque est plus grand qu’ils confirment leur colère plutôt qu’ils ne l’infirment.

Deuxième remarque :  cette dissolution constitue un risque majeur pour le pays comme pour le président. Pour le pays, déjà fracturé, parce que cela peut le plonger dans un chaos dont il aura les plus grandes difficultés à sortir. Et pour le président, à qui il restait trois ans de mandat, et dont j'aurais préféré qu’il les utilisât pour accomplir ce que les Français souhaitent. La France se trouve dans une situation qui, de mon point de vue, apporte davantage de tensions que de clarifications. J’aurais souhaité plus de pouvoir pour le président, pas moins. 

Est-ce que le président Macron vous a informé de sa prise de décision en amont, vous a-t-il consulté avant l’annoncer ?

Je n’ai été ni consulté ni informé, ce qui n’est pas un problème puisque le président n’avait pas à le faire. Je n’ai pas évoqué cette décision avec lui avant qu’il ne la prenne. J’ai l’impression de revivre la dissolution de 1997 ! Je redoute que les mêmes causes produisent des effets plus graves encore. Peut-être ai-je été trop marqué par les conséquences de cette erreur ? L’avenir dira si j’ai eu tort. 

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Justement, quel rôle joue l’entourage du président dans un moment comme celui-là où il s’agit de faire un choix décisif ?  

Les conseillers ne sont jamais les payeurs. Seule compte la décision et celui qui la prend. Il est le seul responsable, c’est l’esprit de nos institutions. 

J’ai l’impression de revivre la dissolution de 1997 !

Avez-vous été surpris par l’ampleur du vote en faveur du RN et de Reconquête d’un côté de l’échiquier politique et de la France Insoumise de l’autre côté ? 

Non je n’ai pas été surpris. Pour trois raisons. La première est qu’il faut avoir l’honnêteté de reconnaître que les élections intermédiaires sont souvent difficiles pour la majorité en place. Celui qui est aux responsabilités peut le ressentir comme une injustice. Mais c’est la loi de la démocratie surtout après sept années au pouvoir. Je l’ai connu ! Et je me garderai de donner la moindre leçon.

La seconde, parce que j’avais eu l’occasion de mettre en garde contre la stratégie d’élargissement accélérée et sans fin de l’Europe vers l’Ukraine. J’avais même osé une comparaison qui m’avait été abondamment reprochée, en affirmant que l’Ukraine risquait de devenir pour le président Macron ce que la Turquie avait été pour le président Chirac. À l'époque, je m’étais opposé à l’entrée de la Turquie. Jacques Chirac et François Hollande étaient pour. L’élargissement à l’Ukraine est un contresens, alors que les pays des Balkans attendent depuis si longtemps, eux qui sont européens.

Enfin, la troisième raison est sans doute la plus importante parce que l’Europe est à un tournant de son Histoire. Après 70 ans d’existence, et de « de bons et loyaux services », il faut inventer les contours de l’Europe des 70 ans qui viennent. Le modèle européen doit être repensé car il ne fonctionne plus. Cette réforme profonde serait le seul moyen de faire revenir les Anglais. En conséquence, les citoyens attendaient des propositions de réformes structurantes, fortes, à la hauteur des enjeux, qui ne sont pas venues. Au lieu de quoi on a assisté à un débat entre partisans d’une Europe fédérale ou confédérale ! Quand vous avez des frontières communes et une monnaie commune, vous êtes déjà dans une forme de fédéralisme.  

Emmanuel Macron dans ce rejet de l’Europe, parle d’un vote des « extrêmes », est-ce la bonne approche ?  

Il a formellement raison mais tort sur le fond car il me paraît difficile de dire : je veux donner la parole aux Français, et dans le même temps en désigner la moitié comme étant « des extrêmes », sous-entendu, dont on ne peut pas tenir compte, car ils seraient dans l’erreur. On ne peut pas vouloir donner la parole aux Français et en disqualifier certains par avance. C’est aussi une position extrême de disqualifier moralement une parole en considérant qu’elle serait par nature en dehors d'un cadre républicain. Si on peut se présenter à une élection, on est par nature républicain 

Après sept années au pouvoir, quel regard portez-vous sur sa présidence et sa façon de diriger le pays ? 

Je le comprends quand il a dit qu’il a fait de son mieux. Et il a fait notamment en matière économique. Ce n’est pas contestable. Je ne connaissais pas Emmanuel Macron avant juillet 2017, notre première rencontre a eu lieu à son initiative au cours d’un dîner à l’Élysée. J’ai apprécié, après les années de sectarisme de François Hollande, l’ouverture d’esprit du président Macron. Nous avons poursuivi nos échanges, régulièrement. Je lui reconnais une grande intelligence, une impressionnante force de travail et une profonde connaissance des dossiers. C’est ce qui m’avait conduit à le soutenir pour son deuxième quinquennat. Je n’ai jamais voulu faire la politique du pire. Cela ne signifie pas que je suis en accord avec tout ce qu’il a fait. Nous avons bien des différences et avons toujours pu les évoquer.

Je regrette cependant son inclination à croire que son intelligence lui permettra de contourner des contradictions nationales, ce qui l’empêche de les trancher. Or, le président ne doit pas « esquiver ». Il doit décider. C’est peut-être une affaire de tempérament. Enfin, et c’est plus important, je n’ai pas réussi à le convaincre que la matrice politique de la France s’incarnait dans ces trois mots : identité, sécurité, autorité. Il se trouve que cela ne correspond pas à son inclination politique naturelle. Or, il doit gouverner en s’adaptant à la matrice politique de la France, car la France ne s’adaptera pas à la sienne. On ne change pas le peuple, c’est toujours lui qui a le dernier mot.

Édouard Philippe et François Bayrou, recommandent à Emmanuel Macron de ne pas s’engager dans la campagne des législatives. Ont-ils raison ?

En politique, on n’est jamais déçu par ses amis ! Le président Macron a décidé de dissoudre. La campagne va durer trois semaines. Elle sera donc très courte. Maintenant qu’il a renversé la table, il faudrait donc qu’il se taise !  Il doit au contraire prendre le temps d’expliquer ce qu’il va faire dans les trois ans qui viennent, et notamment les profonds changements qui s’imposent et qu’il veut mettre en œuvre.  En matière de politique, la question du nombre de prises de parole n'a aucune pertinence. Ce qui compte, c'est ce que l’on a à dire. Si on a quelque chose à dire, on ne parle jamais trop. Si on n'a rien à dire, on parle toujours trop. Maintenant que la dissolution est actée, le président doit expliquer non seulement pourquoi il l’a décidée, exprimer ce qu'il a compris du message des Français et énoncer clairement ce qu'il veut faire. Toute autre stratégie serait incohérente. 

Diriez-vous que le Rassemblement national a changé et que Jordan Bardella, comme il le prétend, est apte à gouverner ?

Le Rassemblement national a fait un travail sur lui-même qui est indéniable. Combattre le Rassemblement national comme s’il n’avait pas changé, comme s’il y avait toujours le Jean-Marie Le Pen « du détail », serait une erreur grossière.  Il est impossible d’atteindre une cible en visant à côté ! Jordan Bardella a du talent et sait maîtriser son langage, ce qui est une qualité. Il lui reste, et c’est une grande question, à combler un manque d’expérience puisqu’il n’a jamais été en situation de gérer quoi que ce soit, et qu’il a moins de 30 ans. Il n’y est pour rien, mais c’est un fait. Peut-on conduire la France quand on est si jeune et sans expérience ? Chaque Français doit considérer cette réalité. J’ajoute qu’il va être confronté à une autre difficulté : la gestion de Marine Le Pen. Ayant vécu de près la complexité des relations entre Jacques Chirac et Édouard Balladur, je sais que cela ne sera pas le plus simple pour lui.  

Les adversaires du RN prétendent que ses choix économiques ruineraient le pays et aggraveraient notre situation. Partagez-vous leur inquiétude ? 

La pertinence des choix économiques du RN est clairement un sujet de profondes préoccupations. C’est un argument qui me parait beaucoup plus important que celui parfaitement factice de l’appartenance ou non à « l’arc républicain ». Je rappelle qu’Emmanuel Macron a reçu Jordan Bardella à deux reprises à Saint-Denis. Cela veut dire qu’il l’avait admis dans l’arc républicain. Réduire le Rassemblement national à l’extrême droite classique est un raccourci et une facilité. C’est un procès en sorcellerie qui revient à insulter des millions de Français qui votent pour eux sans être « fasciste ». J’ai beaucoup de désaccords avec Marine Le Pen et je n’ai pas de leçon à recevoir sur mes relations avec le Front national, puisque Marine Le Pen avait appelé, en 2012 à me faire battre quitte à faire élire François Hollande. Cela n’avait d’ailleurs pas gêné ce dernier à l’époque de bénéficier de ce soutien pas si nauséabond qui lui avait permis de gagner de peu.

Quand Marine Le Pen demande un nouveau référendum en Nouvelle-Calédonie, c’est un manque de sang-froid. Quand Marine Le Pen n’assume pas la nécessité pour les Français de travailler davantage en repoussant l’âge de la retraite, c’est un contresens économique total. J’ai suffisamment de désaccords avec elle et je l’ai assez combattue pour ne pas faire l’injure aux électeurs qui sont les siens de la ramener à l’époque de Pétain ou du « détail ». C’est une instrumentalisation grossière de notre histoire. Je rappelle enfin que sur les vingt-cinq dernières années, les seuls cas de figure où les Le Pen, père et fille, n’ont pas été qualifiés pour le second tour de la présidentielle, c’est lorsque j’ai été candidat, en refusant tout accord avec eux. 

En politique, on n’est jamais déçu par ses amis!

Quand la gauche en appelle au front Républicain et au « tout sauf Bardella », elle ne l’affaiblit pas ? 

Ce sont des tartuffes. La réponse à la montée du Rassemblement national n’est pas dans sa diabolisation. Elle est dans l’existence d’une droite républicaine forte, rassemblée et décidée. Ils feraient mieux de réfléchir aux outrances de Jean-Luc Mélenchon et de ses amis. Mélenchon a du talent et de l’expérience, mais ses propos et sa politique sont dangereux et porteurs d’une grande violence. Cela ne lui pose aucun problème de violer un certain nombre de règles républicaines par opportunisme et calcul politique. LFI par son communautarisme, ses propos aux limites de l’antisémitisme, son engagement militant auprès du Hamas est beaucoup plus problématique aux regards des règles républicaines que le risque fantasmé de « peste brune ». 

Vous y voyez un calcul cynique de sa part qui le différencie d’une gauche « républicaine » ? 

Ne soyons pas naïfs : la gauche française a toujours été communautariste, ce n’est pas nouveau. François Mitterrand avait nommé quatre ministres communistes en pleine guerre froide. Je pense aussi à tous ces maires des banlieues rouges qui ont entretenu la paupérisation de leur quartier pour mobiliser le vote populaire et enfin à François Hollande qui, en 2012, avait lui aussi instrumentalisé le vote communautaire pour se faire élire. La gauche morale aime à donner des leçons. Son ralliement d’aujourd’hui à ce prétendu Front populaire montre le peu de cas qu’elle fait  de ses principes. 

Vous estimez donc que le nouveau « Front populaire » rassemblant les partis de gauche, après notamment la reconnaissance par La France insoumise « des massacres terroristes du Hamas », incarne la compromission de la gauche de gouvernement ? 

Ces contorsions sémantiques sont affligeantes. « Est-ce que les actes du Hamas sont terroristes ou est-ce que le Hamas est terroriste ? » Si on en est là de la sémantique après les horreurs du 7 octobre c’est que l’on est tombé bien bas. Je n'ai jamais douté que la gauche referait son unité. Déjà en 2012, Jean-Luc Mélenchon s’était précipité dans les bras de François Hollande en dix minutes. Parce que quand le pouvoir est à portée de la main, la gauche se rassemble. Tous ces gens qui affichent des grands principes les oublient quand le fumet du pouvoir se fait sentir. J’avais de la peine pour Raphael Glucksmann qui, le soir même des européennes, était exclu de la réunion des partis de gauche et qui a fait preuve de faiblesse en ne tapant pas du point sur la table. Le monde politico-médiatique tombe à bras raccourcis sur ceux qui prônent l’Union des droites, sans même avoir mot pour dénoncer le retournement de veste de François Hollande, un homme qui, décidément, a bien peu de convictions. Les Français ne sont pas dupes et ils sanctionneront ces comportements. 

La gauche française a toujours été communautariste, ce n’est pas nouveau

Pourtant François Hollande a pris une position extrêmement claire : face au RN, désistement en faveur du candidat le mieux placé, y compris si c’est un LR qui aurait refusé l’alliance avec le parti de Jordan Bardella. Il a tort ? 

Ça me fait penser à ce proverbe chinois : « Quand le sage montre la lune, l’imbécile regarde le doigt ». Désigner un danger idéologique, imaginaire pour masquer une tambouille politicienne n’abuse que ceux qui souhaitent être abusés. 

Votre famille politique a explosé sur la ligne à adopter face au RN. Eric Ciotti, président du mouvement a d’emblée annoncé le principe d’une alliance, invoquant « le souhait des Français ». L’approuvez-vous ? 

Avant toute chose s’agissant de ce parti que j’ai créé, à qui j’ai donné ce nom « Les Républicains », et que j’avais porté si haut par le nombre de ses militants comme par celui de ses électeurs, vous me permettrez de dire la peine que j’éprouve à le voir, depuis 2016, persister dans une impasse stratégique qui la conduit là où il se trouve. Concernant Eric Ciotti, il s'est trompé sur deux sujets qui ne sont pas ceux pour lesquels on le condamne aujourd’hui. Je n’ai jamais fait à quiconque de procès pour délit d’opinion. La politique est si complexe, la situation est si difficile qu’Éric Ciotti a parfaitement le droit d’exprimer une orientation politique. Je suis attaché à mes convictions. Je ne partage pas les siennes, mais pourquoi ne pourrait-il les défendre ?

En revanche, il a eu le tort de trancher un débat avant qu’il ait pu prospérer. Il aurait dû soumettre aux instances dirigeantes de son parti sa conviction de la nécessité d’une alliance avec le RN et proposer aux adhérents de se prononcer par vote électronique dans un court délai. La question aurait alors été tranchée calmement et de façon incontestable. Il n’y aurait pas eu un déni de démocratie. On ne peut pas agir ainsi.

J’ai un deuxième désaccord avec lui : l’union des droites doit se faire par les électeurs, non par les états-majors. On m’a suffisamment reproché de m’adresser avec constance à l’électorat du Front national de l’époque. J’ai persisté à convaincre ces derniers de revenir vers nous. Penser qu’on peut faire l’union par les états-majors est une erreur. C’est là un désaccord de fond que j’ai avec Eric Ciotti. Ceci posé, j’ai trouvé que les expressions utilisées contre lui étaient pour la plupart outrancières. Et les références douteuses au passé montrent qu’en matière de culture historique, certains ont beaucoup de lacunes à combler. 

Mais que dites-vous ? Que recommandez-vous aux électeurs de droite qui vous ont fait confiance et qui se retrouvent sans doute un peu déboussolés ? 

Je suis fidèle à ma famille politique, à ses électeurs et à ses militants auxquels je dois tant. Je resterai donc membre de cette famille, je l’aiderai à refaire son unité, et je voterai pour un candidat qui en sera issu si celui-ci s’engage à faire partie de la majorité présidentielle, autour d’un programme d’autorité. Je n’ai pas changé d'avis. Il y a deux catégories d’organisations politiques. Les partis tribuniciens et les partis de gouvernement. Nous avons été et nous sommes un parti de gouvernement. J’ai beaucoup de différences avec Emmanuel Macron. J’ai beaucoup de désaccords avec lui, mais j’aurais souhaité que mon parti politique utilise sa force pour influer sur les décisions du pouvoir exécutif, l’ancrer à droite, le convaincre de faire les bons choix régaliens pour le pays.

Les partis de Le Pen et Mélenchon feront toujours mieux que nous en termes de posture tribunitienne. Rester coincé entre ces deux forces est la certitude de la disparition. Nous avons besoin d’une droite républicaine. Et celle-ci se rebâtira, je ne me résous pas à deux blocs radicaux dont la tentation est toujours d’aller de plus en plus loin. Ni dans un bloc central dont la mollesse et l’indécision seraient la boussole. Il ne faut pas pour autant se laisser aller à la contrition et au désespoir. Les partis politiques meurent plus rapidement qu’on ne le croit et renaissent plus vite qu’on ne le pense. C’est une affaire de leadership et de volonté. 

Donc pour être tout à fait clair vous êtes contre une alliance de LR avec le RN ? 

Je n’ai jamais changé de position. Cette alliance est d’autant plus inopportune quand la droite républicaine est si faible car il s’agit alors d’une absorption. Justement l’argument d’Eric Ciotti est de dire « on a l'occasion de revenir au pouvoir, on en est éloigné depuis trop longtemps, Jordan Bardella nous donne la possibilité de gouverner à nouveau »… Être le supplétif du RN n’est pas une ambition mais un constat de renoncement.

Cette alliance est d’autant plus inopportune quand la droite républicaine est si faible car il s’agit alors d’une absorption

Mais dans le cas d’une alliance avec Macron, ce serait la même chose ? 

Non. Parce que vous avez certainement observé qu’Emmanuel Macron ne se représentera pas. Ce n’est pas pareil de peser sur les choix de quelqu’un qui ne peut pas se représenter, qui a encore trois ans pour agir, que de se mettre dans la roue de quelqu’un qui n’a pas vos idées et qui a 28 ans. Cela aurait permis de préparer la succession en attendant l’émergence d’un nouveau leader. S’allier au Rassemblement national aujourd’hui consiste à se mettre dans les roues d’un jeune homme de 28 ans qui s’il réussit ne vous laissera pas la place, et s’il échoue, vous emportera avec lui. 

Avant de prendre sa décision et de l’annoncer, Eric Ciotti vous a-t-il consulté ? Informé ? 

Non. Il ne m’a parlé qu’après avoir fait son annonce. C’est un point qu’il partage donc avec Emmanuel Macron !

Avez-vous eu des contacts avec Jordan Bardella ? 

Non, je ne l’ai jamais rencontré.  

Le sujet migratoire est aujourd’hui au cœur des débats politiques et préoccupe les Français. À juste titre ? 

Oui, et c’est même une évidence car les chiffres sont éloquents. Dans trente ans, l’Europe sera passée de 500 millions d’habitants à 450. Et sur la même période, l’Afrique passera d’1,3 milliard d'habitants à 2,5 dont la moitié âgée de moins de 20 ans. Dont la même proportion s’inscrira dans une culture ou un attachement à l'islam. Et pour compléter le tableau objectif de la situation, regardez notre géographie : 14 kilomètres de mer nous séparent de l’Afrique par le détroit de Gibraltar et on peut entrer à pied en Europe par la frontière gréco-turque. Nous ne sommes pas dans la situation des États-Unis, qui ont l’Atlantique à l’est, le Pacifique à l’ouest, et un mur avec le Mexique. Leur frontière se réduit donc à une petite vingtaine d'aéroports. Ce n'est pas le cas de l’Europe.

J’affirme une nouvelle fois que la crise migratoire n’a pas commencé, que le pire est à venir et que la question décisive pour l’avenir de l’Europe est celle du développement de l’Afrique. Donc, il ne s’agit pas simplement de proposer une politique migratoire au sens défensif du terme. Il s’agit d’aider les Africains à construire une politique de développement qui permettra de fixer la majeure partie de leur population sur leur continent. J’ajoute que la pulsion migratoire est inscrite dans les gènes de l’être humain. Depuis que les premiers hominidés sont apparus dans la corne de l’Afrique, il y a trois millions d’années, ils sont partis à la conquête du monde. De la même façon que les populations autochtones dans le Pacifique ont traversé l’océan sur des bateaux de bambou. La pulsion de découverte est inscrite dans le patrimoine génétique humain. Agir pour réguler les flux migratoires est donc une urgence vitale, nous n’avons pas les moyens de différer des choix structurants.  

Emmanuel Macron a également évoqué l’ouverture d’un débat sur la laïcité, est-ce une réponse pertinente ? 

Poser le débat sur la laïcité est une étrangeté pour moi. La laïcité n'est pas un problème. Je n'ai pas constaté une révolte de l'Église de France contre les règles de la laïcité. Je n'ai pas vu les synagogues françaises se mobiliser contre la laïcité. Je n'ai pas vu les protestants de France demander qu'on mette un terme à la laïcité. Le problème n’est en rien celui de la laïcité. Le problème est celui de l’intégration d’un islam politique militant. Et cette difficulté d’intégration n’a rien de surprenant.

L'intégration des chrétiens dans la République a été très difficile. C’est d’ailleurs pour cela que la famille du général de Gaulle est partie pour qu’il puisse faire ses humanités en Belgique. Les établissements catholiques avaient tous été fermés. L'intégration des Juifs dans la France a été très douloureuse, Napoléon les a menacés : « si vous n’acceptez pas  le Consistoire, je vous mettrai en prison. » Aujourd’hui la confrontation entre l’islam et la République, suscite de la tension. Il faut l’assumer. La seconde religion de France, par le nombre de ses pratiquants et la dernière en terme d’ancienneté, doit comprendre qu’il y a des règles qui s’imposent à elle comme aux autres. Point. Ce n’est pas une affaire de débat mais d’autorité. 

Autre mal auquel Emmanuel Macron n’arrive pas à apporter de réponse suffisamment convaincante aux Français : l’effondrement de l’autorité. Que lui conseilleriez-vous ? 

L’autorité ne se réduit pas à un concept. L’autorité s’incarne. C’est vrai pour un maître dans sa classe, c’est vrai pour un ou une chef de famille, c’est vrai pour un maire et c’est vrai pour un président de la République. La France a aujourd’hui davantage besoin d’autorité que de virtuosité. Et j’espère que le président a compris le message que lui envoyaient les Français. La France a besoin d’être gouvernée d’une main forte. Quand elle n’est pas gouvernée d’une main forte, elle peut s’abandonner au pire.

Regardons notre histoire : les mots repris par La France insoumise, sont ceux qu’on entendait au temps de la Commune ou de la Terreur. Il faut aussi des mesures concrètes. En matière de sécurité il y a deux problèmes majeurs : les récidivistes, – 50% des actes délinquants sont le fait de 5% des délinquants –, et la délinquance des mineurs. Pour les récidivistes, je crois que le rétablissement des peines planchers est indispensable. Elles ont fonctionné parfaitement avant d’être supprimées par les socialistes. Je crois également nécessaire que soit fixé à 16 ans l’âge de la majorité pénale, pour éviter que des délinquants chevronnés instrumentalisent des mineurs à leur service. Il n'y a pas besoin de faire de grands discours. Il n'y a pas besoin de prononcer un nouveau « Beauvau de la sécurité ». Il faut décider et trancher.  

L’autorité ne se réduit pas à un concept. L’autorité s’incarne

Sur le plan économique, le débat sur les retraites, sur l’assurance chômage, révèle un nouveau rapport des Français au travail. Quelle réponse apporter ?

La France ne travaille pas assez. Entre la catastrophe qu’ont représentée les 35 heures de Martine Aubry et le télétravail, beaucoup de Français se détournent du travail. Nous n’avons pas les moyens de conserver notre système social sans travailler davantage. On ne dit pas la vérité. Dans les collectivités combien de fonctionnaires dévoués, mais combien d’autres qui ne font même pas les 35 heures ? La France a un immense potentiel, mais la France a besoin d’être dirigée, le cap doit être précisé et les Français doivent retrouver le goût du travail. Le travail est une émancipation, l’inactivité une aliénation. 

Vous avez dirigé le pays et demeurez très actif, très attentif aux grands choix que la France a devant-elle.  Vous n’envisagez toujours pas de vous rendre disponible pour servir le pays ? 

Je crains malheureusement – et j'espère me tromper –, que nous ne soyons qu’au début d’une période de chaos. Je redoute même que nous connaissions des violences. Et je trouve invraisemblable que l’on puisse appeler à manifester au seul motif que des compatriotes oseraient voter dans une direction qui n’est pas jugée  « acceptable » par des professeurs de vertu autoproclamés. On aurait le droit de voter, mais à la condition que cela soit pour la gauche. Beau déni de démocratie ! Ce qu’ils ne peuvent obtenir par les urnes, ils sont prêts à l’imposer par la rue ! Ce spectacle est affligeant. Et ceux qui ne le condamnent pas et qui s’y associent sont disqualifiés.  

Envisagez-vous de revenir dans la vie politique ? 

Je n’en aurai jamais fini avec la France. La France m’a tout donné. Je reste passionné par son destin. Mais la politique est finie pour moi. Je crains la confusion, je n’en rajouterai donc pas. Dire ce que je crois nécessaire pour notre pays en excluant toute ambition personnelle et donc tout retour me semble la voie la plus sage et la plus utile.

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