« Monster Hunter Wilds », une joie et une souffrance



Née sur PlayStation 2 il y a plus de vingt ans, la saga Monster Hunter n’a jamais perdu de son aura au fil de ses opus, notamment au Japon, où elle reste un phénomène culturel de masse. Avec un titre prophétique semblant annoncer une conquête planétaire, Monster Hunter World, sorti en 2018, reste aujourd’hui le jeu vidéo Capcom le plus vendu de l’histoire, devant n’importe quel Resident Evil ou Street Fighter.
Son successeur, Monster Hunter Wilds, qui sortira le 28 février sur PC, PlayStation et Xbox, est intimement travaillé par un double désir : ne jamais trahir l’essence de la saga, notamment l’exigence que réclament ses combats, tout en devenant plus accessible, afin d’attirer de nouveaux chasseurs.
Monster Hunter Wilds ne révolutionne pas sa formule et reste fidèle au système de boucle que la franchise a instauré dès sa création et savamment nourri depuis. Il s’agit de pister d’immenses créatures, d’en triompher à l’issue de longs affrontements, puis de confectionner des équipements plus puissants à partir des ressources collectées sur leur dépouille. Avant de recommencer, encore et encore, sans autre finalité que de s’améliorer.


Ce nouvel opus est parfaitement taillé pour initier le joueur dans les meilleures conditions possibles à cette structure de battue cyclique, notamment grâce à son scénario : ici étonnamment développée, la trame narrative, qui n’a jamais été un point fort de la saga, permet de maquiller le long tutoriel en une quête épique – elle s’articule autour d’un enfant à la recherche de son village natal martyrisé par un mystérieux dragon de pierre qui aurait massacré tous les siens. Un prétexte pour découvrir les différents environnements et mécaniques du jeu, et rendre plus digeste l’avalanche de tableaux explicatifs qui, sinon, aurait eu de quoi en effrayer plus d’un.
Monstres sacrés
Ce gain bienvenu d’accessibilité dégonfle par contre un peu le plaisir qu’on aurait dû ressentir en parcourant librement de vastes terrains de chasse. La faute en revient notamment à des montures (les Seikret, des dinosaures à plumes faisant fi des dénivelés) qui permettent, certes, de gagner en mobilité mais offrent des déplacements automatisés sans saveur. C’est seulement une fois face aux monstres que le jeu révèle sa violente beauté.


A votre disposition, quatorze armes, que l’on choisit comme l’on choisirait son personnage dans un jeu de combat. Chacune bouleversera profondément la manière d’appréhender les affrontements. Si vous n’êtes pas habitué de la licence, inutile de complexer : les batailles ressembleront d’abord à des débâcles brouillonnes.
Progressivement se met toutefois en place tout un art de la chasse aux monstres : peaufiner sa stratégie, améliorer le maniement de son personnage, apprendre à utiliser les nombreux pièges, utiliser les environnements et tirer parti des conditions météorologiques. C’est tout un arsenal stratégique qui se déploie au fur et à mesure – et la courbe de progression, même après une soixantaine d’heures de jeu, ne semble avoir aucune limite.
Des réjouissances qui ont ceci de particulier qu’elles s’inscrivent dans un contexte de braconnage d’une grande cruauté. Si le principe de la chasse est vaguement justifié par quelques sentences scientifiques et anthropologiques, le jeu ne leurre personne : le but est bien de découper des animaux en rondelles.


Aussi puissantes soient-elles, les créatures mythologiques finissent par agoniser dans un spectacle peu équivoque, à l’issue de combats qui durent régulièrement une heure. Avec un bestiaire qui se place aisément dans l’élite de l’histoire du jeu vidéo, le titre excelle dans la théâtralisation de ses monstres, dont le comportement et les animations fascinent. Mais difficile de ne pas tiquer quand un léviathan chute lourdement sur le flanc, et qu’on est invité à lui transpercer l’échine à plusieurs reprises.
Le Monde
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Le spectacle de la souffrance de ces bêtes est d’autant plus difficile à supporter que le jeu les a préalablement sacralisées. Aussi, ce trouble : celui du plaisir indéniable et grandissant que procurent ces combats répétés, mêlé à la brutalité qui en résulte.
L’avis de Pixels
On a aimé :
- le bestiaire saisissant, à la férocité palpable ;
- le gameplay enrichi avec la possibilité de s’équiper d’une arme secondaire ;
- la courbe de progression inouïe ;
- l’ajout d’un mode « focus », qui permet, dans les combats, de taper là où ça fait mal.
On a moins aimé :
- les zones connectées artificiellement qui entravent la possibilité d’un monde ouvert ;
- le sentiment moindre de traque et de pistage.
C’est plutôt pour vous si…
- vous êtes un habitué de la licence et souhaitez voir comment elle évolue ;
- vous n’êtes pas un habitué de la licence et cherchez par quel opus commencer ;
- vous êtes prêt à admettre que le pire des monstres, c’est vous.
Ce n’est plutôt pas pour vous si…
- vous aimez maîtriser un jeu vidéo rapidement ;
- vous trouvez que Pokémon est déjà bien assez sauvage comme ça.
La note de Pixels :
12 sur les 14 armes mythiques qu’il est possible de manier dans le jeu.
Arnaud Hallet
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