Un apéro avec Mika : « On peut danser avec des larmes dans les yeux »
On s’attendait à le voir surgir sur l’écran tel un zébulon, vêtu d’une de ces invraisemblables tenues patchwork acidulées qui ont fait sa marque de fabrique. On imaginait un intérieur pop, entre « L’Ile aux enfants » et Andy Warhol. On le pensait à Miami, où il possède une maison, en Toscane, où il se réfugie une partie de l’année, ou à Paris, puisqu’il vient d’enregistrer un show au château de Versailles, diffusé le 5 février sur France 5. On le trouve à Athènes, dans un immeuble déglingué des années 1970. Il apparaît dans un tee-shirt noir sur pantalon blanc et nous fait visiter avec son portable le studio où il écrit, un capharnaüm où s’entassent cartons à même le sol et piles de livres sur des étagères bon marché.
« C’est horrible ici, c’est tout pourri », s’amuse Mika. Le chanteur tient à nous raconter l’histoire de cet improbable endroit. L’année dernière, la pandémie a donné un coup d’arrêt à sa tournée mondiale. Après l’Australie et la Nouvelle-Zélande, les dates et les vols s’annulent les uns après les autres, la Chine puis la Corée, le Japon, l’Amérique latine enfin. Il rentre alors à Paris pour se rendre au chevet de sa mère malade, puis décide d’aller se confiner en Grèce, où vit son amoureux. « Les dix premiers jours de ce confinement ont été un désastre total, se souvient-il en avalant une gorgée de Campari. Depuis quinze ans, je voyage tout le temps, et là, on s’est retrouvés d’un coup ensemble 24 heures sur 24. C’était comme si j’envahissais son espace, et lui le mien. » Avant d’en venir aux mains avec son jules, il a sagement décidé de louer l’appartement du dessus pour y poser son bazar, son travail et sa nervosité.
Surprenant et attachantAutre atout, et non des moindres, de ce refuge : un petit balcon donnant sur le Parthénon. « Il faut toujours avoir une vue, dans la vie », commente-t-il. Une remarque qui nous semble pleine de bon sens, comme nombre des réflexions qu’il partagera ce soir-là, malignes et profondes, loin de l’image de l’histrion au rire électrique que l’on avait entraperçu dans une émission de télévision à large audience. Car, autant être honnête : Mika, le bondissant coach de « The Voice » entre 2014 et 2019, l’excentrique chanteur populaire, ne nous inspirait pas plus que ça. On le redoutait agaçant et ennuyant, on le découvre surprenant et attachant.
Son confinement grec de trois mois et demi, il raconte l’avoir mis à profit pour étudier la philosophie et les relations internationales, et pour apprendre l’arabe. Quatre heures de cours par Zoom en plus des devoirs imposés par ses profs à distance, de l’écriture de son sixième album et de la confection de petits plats. « Un soir, alors que je sortais quelque chose du four, j’ai entendu un morceau de musique qui m’a fait pleurer. C’était comme une décompression du cerveau, ça ne m’était pas arrivé depuis longtemps. C’est la première fois de ma vie que je me posais, je suis redevenu quelqu’un qui écoute de la musique et plus seulement un interprète. Cette pandémie m’a paradoxalement reconnecté avec le monde. Plus j’étais enfermé à la maison, plus j’étais curieux de l’extérieur. » Il garde de cette parenthèse un souvenir positif, même s’il a eu son lot d’angoisses. Sa tournée n’est pas amortie, laissant des équipes sur le carreau. Sa mère, atteinte d’un cancer du cerveau, attrape le Covid et se retrouve seule à l’hôpital, entre la vie et la mort. Mika ne peut pas l’avoir au téléphone pendant plusieurs jours, qu’il traverse avec un terrible sentiment d’impuissance. Sa mère provisoirement tirée d’affaire, il recommence à travailler.
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