« En Mayenne, le Covid a pris de vitesse les autorités sanitaires »
La lutte contre le Covid-19 monte d’un cran en Mayenne. À partir du 3 août, le port du masque sera obligatoire dans les lieux publics de 69 communes du département. La mesure a été annoncée le 1er août par la préfecture qui, le 27 juillet, avait déjà imposé le port du masque sur la voie publique dans les centres villes de quatre communes : Laval, Mayenne, Château-Gontier-sur-Mayenne et Évron. « Nous avons entre 15 et 18 clusters (foyers de transmission) dont certains sont encore en cours d’investigation », indiquait dimanche le préfet, Jean-Francis Treffel, sur France-Info.
Le masque devient obligatoire dans les lieux publics de 69 communes de Mayenne. Estimez-vous cette obligation légitime ?
Luc Duquesnel :Cette mesure n’est pas anodine. Ces 69 villes représentent 30 % des communes de notre département mais près de 70 % de la population. C’est une bonne chose de tenter de limiter la circulation du virus dans des lieux extérieurs parfois très fréquentés, comme les marchés. Avec cette épidémie, on constate que les connaissances scientifiques évoluent très vite. On sait désormais que le virus peut rester en suspension dans l’air et peut-être que cette obligation du port du masque permettra d’éviter des contaminations. Ce qui est crucial quand on regarde le taux d’incidence dans notre département, c’est-à-dire le nombre de patients positifs pour 100 000 habitants.
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Aujourd’hui, en France, le seuil de vigilance est atteint quand on dépasse 10 cas positifs pour 100 000 habitants. Certains départements ont dépassé ce seuil, mais pour l’instant, la Mayenne est le seul à voir franchi le seuil d’alerte qui, lui, est fixé à 50 cas positifs pour 100 000 habitants. On est même largement au dessus puisque durant la semaine écoulée, on était à plus de 100 patients positifs pour 100 000 habitants.
La Mayenne n’est pas un territoire de très grands centres urbains, ni un haut lieu de fréquentation touristique. Comment expliquez-vous qu’elle soit aussi touchée ?
L. D : Nos clusters touchent principalement des entreprises et des foyers de jeunes travailleurs ou pour personnes handicapées. Autant de lieux où les mesures de distanciation physique ne sont pas toujours simples à faire respecter. Parmi les entreprises, je pense en particulier aux abattoirs qui sont nombreux dans notre département. Il semble qu’au départ, on a dépisté avec retard les personnels de ces abattoirs. Et certaines personnes s’y sont contaminées puis sont ensuite allées dans des réunions de famille, des baptêmes, des matchs de foot… Aujourd’hui, on court après le virus, qui a pris de vitesse les autorités sanitaires dans le département.
Mi-juillet, les autorités ont décidé de lancer un plan de dépistage de toute la population de la Mayenne, soit environ 300 000 personnes. Pour l’instant, selon la préfecture, 10 % des habitants ont été testés. Ce dépistage massif est-il une bonne solution, selon vous ?
L. D : Non. Aujourd’hui, les délais pour dépister les personnes ayant des symptômes sont beaucoup trop longs. Or, c’est précisément lié à cette stratégie de dépistage de masse sur laquelle nous avions exprimé des réserves dès le départ.
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Cette stratégie, on le voit aujourd’hui, contribue à emboliser tout le dispositif. Pour une raison simple : beaucoup de gens sans aucun symptôme vont se faire dépister. Mais comme nous sommes en période de vacances, il y a moins de personnels dans les laboratoires pour faire les tests puis pour analyser les résultats. La conséquence est que les délais de dépistage s’allongent pour les personnes qui appellent leur médecin car elles ont des symptômes.
Récemment, j’ai fait une téléconsultation pour un garçon de 12 ans qui avait des signes très évocateurs du Covid. Je lui ai prescrit un test mais il n’a eu son rendez-vous que 5 jours plus tard. Ensuite, il a fallu attendre quatre jours pour avoir le résultat. Du coup, à cause de ces délais, j’ai dû mettre en confinement toute la famille du garçon pendant 10 jours et faire des arrêts de travail aux deux parents qui travaillaient. Alors qu’au final, le test du garçon s’est avéré négatif.
Ces délais très importants retardent aussi le travail de « contact tracing » des équipes de l’assurance-maladie. Or, il est crucial d’aller le plus vite possible pour savoir si une personne symptomatique est positive. Et si tel est le cas, pour identifier puis appeler toutes les personnes ayant pu être contact avec elle.