«Depuis ce jour-là, je n'ai plus aucun projet» : Mathieu Madénian se ...
L'humoriste et comédien est partout à la fois. Et même si sa vie est bien remplie, il avoue qu'elle a radicalement changé après le 7 janvier 2015.
Rien ne destinait le natif de Perpignan à faire carrière dans l'humour et la comédie. Après huit ans d'études et à 25 ans, il fait une croix sur sa carrière toute tracée d'avocat spécialisé dans la criminologie. Des débuts de figurant aux comedy clubs en passant par des rôles dans Un gars, une fille ou Taxi, Mathieu Madénian se lance dans une carrière d'artiste qui lui réussit.
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C'est Michel Drucker qui remarque l'humoriste lors de son premier spectacle et va lui proposer d'intervenir à la télévision. En parallèle de toutes ces activités, Mathieu Madénian dévoile sa plume au grand jour en écrivant pour le journal Charlie Hebdo. Son producteur, Kader Aoun, le présente à Charb à la sortie d'une de ses représentations au Point-Virgule. «J'étais fan de Charb, je lisais ses fatwas dans Charlie [...] Je trouvais qu'il avait un dessin incroyable.»
«Si t'es mort tu n'auras pas de galette des rois»«C'était des putains de mecs, engagés politiquement et humainement.» Quelque temps après leur rencontre, le dessinateur lui demande de participer à un numéro spécial Louis de Funès. Alors qu'il pensait ne pas être au niveau, il tente tout de même l'aventure. «Il me dit qu'il ne peut pas me payer parce que le journal risque de fermer mais qu'il me paierait en bouteilles de vin. C'est comme ça qu'on est devenus... On n’a pas eu le temps de devenir amis mais on est devenus très proches», se reprend l'humoriste.
Ce lien se coupe net par l'attentat perpétré dans les locaux du journal Charlie Hebdo le 7 janvier 2015. Mathieu Madénian doit, ce jour-là, se rendre sur place pour assister à la conférence de rédaction et «amener un gâteau des rois avec une fève de Charles Aznavour». Le destin en décide autrement. L'humoriste raconte s'être payé «une belle télé pour Noël - mon premier cadeau avec l'argent de Drucker - et le matin à 9 heures j'allume ma télé et ça déconne». C'est finalement ce problème technique sur son téléviseur flambant neuf qui le retarde à la réunion de Charlie Hebdo, et lui sauve la vie. «Mon voisin répare ma télé et là on est sur BFM et je vois des bandeaux passés “tirs à Charlie Hebdo”. Le dernier message que j'envoie à Charb c'est “je te préviens si t'es mort tu n'auras pas de galette des rois”».
Il apprend quelques minutes la mort des membres de la rédaction, Charb y compris. «Je me rappelle de cette journée de A à Z. Souvent dans les interviews on me demande quels sont mes projets mais depuis ce jour-là, je n'ai plus aucun projet. C'est à court terme, on ne sait pas ce qu'il va se passer demain.» Cet événement tragique ancre considérablement Mathieu Madénian dans le présent, comme le souligne Frédéric Lopez.
Ça m'arrive de leur écrire et d'attendre qu'il y ait les trois petits points qui s'allument
Mathieu Madénian
Chamboulé par ces souvenirs, l'humoriste demande aux autres convives - Frédéric Lopez compris - s'ils gardent les messages des gens qui sont partis. Et si tous répondent par l'affirmative, il poursuit : «j'ai deux trois personnes qui ont quitté ma vie, et ça m'arrive de leur écrire et d'attendre qu'il y ait les trois petits points qui s'allument. C'est con hein mais...», suspend Mathieu Madénian avant de revenir sur le génie des dessinateurs défunts et la chance qu'il a d'être encore là. Après le drame, le comédien a continué d'écrire pour le journal pendant trois ans.