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A la veille de leur manifestation à Paris, les gilets jaunes cherchent ...

A la veille de leur manifestation à Paris les gilets jaunes cherchent
Quatre ans après les premiers rassemblements, un nouveau défilé doit s’élancer, samedi, à Paris avec l’espoir de relancer le mouvement. Mais la mobilisation est mise en difficulté par un contexte social tendu et la peur de manifester.

L’appel à manifester circule depuis une dizaine de jours sur les réseaux sociaux. Derrière le hashtag #GiletsJaunes7janvier, une incitation à descendre dans la rue «partout en France», mais «surtout dans la capitale». Une marche pour «une justice sociale et fiscale et climatique, pour le RIC [référendum d’initiative citoyenne, ndlr], contre le 49.3, contre l’inflation, pour la paix, contre la réforme des retraites, contre l’augmentation des produits de première nécessité (essence, électricité, etc.), en soutien au DOM-TOM, pour l’abrogation du pass vaccinal et contre les violences d’Etat», peut-on lire sur la déclaration de la manifestation, validée le 4 janvier par la préfecture de police de Paris.

«Ça va flopper»

Ce samedi, à Paris, les manifestants sont attendus à partir de 11 heures place de Breteuil, avant de marcher vers Bercy, en passant par Denfert-Rochereau et la place d’Italie. Les organisateurs sont deux visages connus du mouvement : Titouan Bisson et Jamel Bouabane. Ces gilets jaunes de la première heure étaient déjà là en 2018, quand le prix du gazole frôlait 1,50 euro le litre. Aujourd’hui, celui-ci atteint 1,90 euro, l’indice des prix à la consommation – l’instrument de mesure de l’inflation de l’Insee – est passé de 103 points en 2018 à 114 en 2022, les prix de l’énergie et des produits de première nécessité ont explosé. Pourtant, pas de marée jaune en vue.

«On marche tous les samedis, mais cette fois, les médias s’y intéressent», dénonce Jamel Bouabane. Malgré le relatif engouement virtuel et la multiplication des groupes de covoiturages pour rejoindre Paris, l’ampleur de la participation à la marche reste inconnue. Louis Baron, 22 ans, étudiant en science politique à l’université Paris-Panthéon-Assas et ancien soutien des gilets jaunes, en est convaincu : «Ça va flopper le 7 janvier. Les gilets jaunes, c’est terminé. J’ai vu ça trente fois : ce sont des individus isolés qui lancent les événements. Tu peux trouver quelques trucs sur Facebook, Twitter, mais pas de vraies dynamiques.»

Ces appels «ne sont pas toujours suivis d’effet, et surtout, ils sont très peu relayés par les médias, confirme Magali Della Sudda, chargée de recherche en science politique au CNRS à Bordeaux. S’il est vrai que beaucoup de personnes ne participent plus à ces actions collectives, il y a toujours des ronds-points où les gilets jaunes se réunissent régulièrement.»

Paralysés par la peur et la précarité

Pour Jamel Bouabane, «la raison principale [de cette hésitation], c’est la peur». Les «32 éborgnés et 5 mains arrachées» causés par la répression policière il y a quatre ans, ne sont, selon lui, que «la pointe de l’iceberg». Outre un bilan de blessés qu’il estime bien plus important, il évoque les «séparations, condamnations, perquisitions à domicile, représailles, pertes d’emploi», autant de conséquences de la mobilisation qui peuvent dissuader, aujourd’hui, de retourner manifester.

Cet usage de dispositifs répressifs spécifiques, comme des arrestations préventives, «témoignent de la transformation du maintien de l’ordre et de la manière dont les pouvoirs publics envisagent les manifestations comme un désordre et non plus comme l’exercice d’une liberté fondamentale démocratique», pointe la chercheuse Magali Della Sudda.

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«La volonté du gouvernement est que le citoyen ait peur de manifester», affirme Thierry, membre fondateur du Collectif Carton jaune. Agé de 56 ans, ce père de six enfants travaille dans l’expertise comptable en Auvergne. Créé en novembre 2018, ce rassemblement se bat pour la «dignité de la vie, du travail et des retraites». Après quelques hésitations, il a partagé l’appel à manifester samedi, via le profil Twitter de son collectif, suivi par plus de 24 000 personnes. Lui-même ne fera pas le déplacement à Paris, notamment parce que sa facture de gaz a doublé et que ses finances ne le lui permettent pas. Une précarité économique «à ne pas sous-estimer, explique Magali Della Sudda. Pour se rendre dans les grandes métropoles il faut compter le coût de l’essence, le coût du stationnement».

Violence et précarité, deux facteurs que Valérie, Rouennaise de 50 ans, connaît bien : «La mutuelle, l’eau, l’électricité et le carburant augmentent, comment peut-on continuer ?» se demande-t-elle. Le premier jour de la mobilisation, le 17 novembre 2018, un chauffeur la renverse à un rond-point. Elle s’en sort avec une fracture de l’os cuboïde et trois mois d’arrêt, mais perd son emploi. Finalement, en septembre 2022, elle retrouve un travail intérimaire auprès d’une entreprise de services énergétiques. «Pendant cette période, je n’ai jamais perdu la rage et la colère, s’enflamme-t-elle. Je suis retournée aux manifestations en béquilles.» Samedi, elle espère «voir des gilets jaunes actifs, pas des gilets jaunes de canapé».

Rupture avec le monde politique

En 2018, le mouvement avait réussi à «créer une véritable rupture avec le monde politique», estime Thierry. Mais l’élection, en juin, de 88 députés Rassemblement national et 149apparentés Nouvelle Union populaire, écologique et sociale à l’Assemblée nationale ne porte toujours pas les aspirations des gilets jaunes au renouvellement du personnel politique. Lui espère retrouver bientôt «l’esprit des ronds-points, où les gilets jaunes ont survécu, hors de tout cadre syndical ou de représentation des partis».

«Aujourd’hui on a des profils variés qui coexistent dans les groupes encore actifs, analyse Magali Della Sudda. Si en 2019-2020, l’orientation du mouvement était plutôt marquée par les thématiques de gauche – la question de la justice sociale, des inégalités, la demande de plus de démocratie –, ce mouvement s’est fracturé avec la crise sanitaire et la pandémie.»

Pour Martine Donnette et Claude Diot, anciens commerçants, désormais à la retraite, cette période a permis de «restructurer le mouvement, loin d’être mort, notamment autour de revendications professionnelles». Les deux vivent à Marignane, à quelques kilomètres de Marseille. Samedi, ils n’iront pas jusqu’à Paris, mais ils se rendront à l’un des défilés dans les Bouches-du-Rhône. Le contexte d’effervescence actuelle, avec la réforme des retraites qui s’annonce et les revendications des médecins, des commerçants, ou encore des boulangers, reçus ce jeudi à l’Elysée par Emmanuel Macron, pourrait être le signe d’une colère commune. C’est d’ailleurs devant le ministère de l’Economie et des Finances, dont l’action est jugée insuffisante face à l’explosion du coût de la vie, que la manifestation doit terminer son parcours samedi. Pour Thierry, c’est peut-être l’occasion de remiser le gilet jaune et de trouver un «autre symbole de la révolte populaire», pour donner un nouveau souffle au mouvement : «Le pain.»

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