La Cedeao suspend le Mali de ses instances
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L'appartenance du Mali à la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao) a été suspendue dimanche soir en réaction au nouveau coup de force des militaires maliens. Une dizaine de chefs d'État des pays membres de l'institution sous-régionale commune, rassemblés à Accra, a condamné le coup d'État tout en se gardant de prendre d'autres sanctions. Ils ont en revanche réclamé la nomination « immédiate » d'un « nouveau » Premier ministre issu de la société civile et la formation d'un gouvernement « inclusif », selon le communiqué final du sommet.
Ils ne demandent pas le retour des anciens présidents et Premier ministre, arrêtés lundi par les colonels et écartés du pouvoir. Ils sont rentrés chez eux depuis, mais la Cedeao dit qu'ils sont assignés à résidence et « exige » leur libération « immédiate ». « Les chefs d'État condamnent fermement le récent coup d'État » et « décident de suspendre le Mali des institutions de la Cedeao conformément aux dispositions de la Cedeao », dit le communiqué.
Ils réaffirment également la nécessité que la transition politique ouverte après le premier coup d'État d'août 2020 et censée ramener les civils au pouvoir soit limitée à 18 moi, et que des élections générales aient lieu comme prévu en février 2022.
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Une situation de plus en plus compliquéeLa situation actuelle au Mali est très complexe. Les dirigeants de la Cedeao s'étaient réunis à huis clos pour trancher la question épineuse de leur réponse au récent double putsch des militaires. La Cour constitutionnelle malienne a déclaré, vendredi, le colonel Assimi Goïta président de transition, parachevant le coup de force déclenché le 24 mai contre ceux qui se trouvaient entre lui et la direction de ce pays en pleine tourmente, alors qu'il est crucial pour la stabilité du Sahel face à la propagation djihadiste.
Dans son discours d'ouverture, le président en exercice de la Cedeao, le Ghanéen Nana Akufo-Addo, avait expliqué avoir convoqué ce sommet extraordinaire « devant la gravité des faits ». Avec la nomination du colonel Goïta, la Cour constitutionnelle malienne a officialisé un fait accompli auquel les partenaires du Mali avaient essayé de s'opposer après le coup d'État d'août 2020.
Assimi Goïta et un groupe de colonels avaient alors renversé le président Ibrahim Boubacar Keïta après des mois de contestation populaire, mais, sous la pression internationale, avaient accepté la nomination d'un président et d'un Premier ministre civils. La junte avait cependant taillé pour Assimi Goïta une vice-présidence sur mesure, investie des charges primordiales de la sécurité. Les colonels avaient nommé les leurs aux postes clés. Lundi, l'ancien commandant de bataillon des forces spéciales a fait arrêter le président Bah N'Daw et le Premier ministre Moctar Ouane, cautions civiles de la transition, qui ont ensuite démissionné, selon la version officielle.
L'engagement pris pour une transition civile était ainsi foulé aux pieds, suscitant le doute sur les autres promesses, à commencer par la tenue d'élections début 2022. La junte a dit qu'elle comptait respecter le calendrier, mais a ajouté qu'il pouvait être soumis à des aléas.
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Menace de retrait françaisLa pression intérieure et internationale s'est accrue sur les militaires pour les forcer à abandonner le pouvoir. Paris avait dénoncé, mardi, un « coup d'État inacceptable » et le président français Emmanuel Macron a averti, dans un entretien au Journal du dimanche, que Paris « ne resterait pas aux côtés d'un pays où il n'y a plus de légitimité démocratique ni de transition ».
La réaction de la Cedeao sur la situation au Mali était particulièrement attendue. Après le coup d'État de 2020, elle avait suspendu le Mali de tous ses organes de décision, fermé les frontières de ses États membres et stoppé les échanges financiers et commerciaux avec le pays, à l'exception des produits de première nécessité. Elle avait levé les sanctions quand la junte avait paru se plier à ses exigences. Ces sanctions avaient été mal ressenties par une population éprouvée dans un pays exsangue.
Une mission de la Cedeao dépêchée au cours de la semaine au Mali avait évoqué l'éventualité de sanctions. La France et les États-Unis, engagés militairement au Sahel, en ont brandi la menace. D'autant plus que la situation est préoccupante pour toute la région, et même au-delà.
Mais, devant la vigueur de ces réactions, différentes voix s'étaient élevées pour noter la différence de traitement face aux événements maliens et la mansuétude montrée vis-à-vis de la transition militaire au Tchad, autre pays sahélien où un Conseil militaire de transition (CMT) de 15 généraux a pris le pouvoir le 20 avril après la mort d'Idriss Déby Itno, avec à sa tête un des fils de l'ancien président.
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