Procès de Magali Berdah : 28 cyberharceleurs condamnés à des ...
C’est le dénouement du plus gros dossier de cyberharcèlement en meute traité à ce jour par la justice française. Le tribunal correctionnel de Paris a décidé ce mardi 19 mars de condamner l’ensemble des 28 personnes jugées pour cyberharcèlement aggravé, menaces de mort et de crime à l’encontre de Magali Berdah, 42 ans, ex-papesse de l’influence. Tous les prévenus écopent de peines d’emprisonnement, dont 14 de prison ferme.
La fondatrice de Shauna Events – dont les pratiques font, au demeurant, l’objet de procédures judiciaires – avait porté plainte à plusieurs reprises au printemps 2022 à la suite d’un déversement de commentaires haineux la visant sur les réseaux sociaux. Selon ses avocats, elle a reçu plus de 100 000 messages insultants et menaçants, d’une virulence inouïe, en quelques mois.
L’enquête ouverte dans la foulée par le Pôle national de lutte contre la haine en ligne (PNLH) avait permis trois vagues d’interpellations dans différentes régions de France dans les mois qui ont suivi. Trois procès, étalés sur six jours d’audiences, ont eu lieu entre le 27 novembre 2023 et le 29 janvier dernier pour juger ces individus. Des monsieur et madame Tout-le-monde : restaurateur, employé de banque, agent d’entretien, chômeurs… Des profils variés, âgés de 20 à 49 ans, avec tout de même une prédominante : vingt-six hommes pour seulement deux femmes. Seulement la moitié des prévenus se sont présentés devant la justice. Certains étaient déjà connus des services de police pour «violences et stupéfiants», selon le Parquet, mais la majorité avait, jusqu’alors, des casiers judiciaires vierges.
Plus maintenant : les juges ont condamné l’ensemble des mis en cause. Les peines vont de quatre mois de sursis simple, à dix-huit mois d’emprisonnement dont six de sursis probatoires, soit douze mois de prison ferme. Des peines qui correspondent aux réquisitions du parquet, dont le message était clair : «L’espace numérique n’est pas une zone de non-droit». Et dont se réjouissent les avocats de la victime auprès de Libération. «La sévérité de cette décision est sans précédent dans une affaire de ce type et envoie un message fort tant aux victimes qu’aux internautes tentés de commettre des faits similaires», affirment Antonin Gravelin-Rodriguez, Rachel-Flore Pardo et David-Olivier Kaminski. «C’est aussi, pour Magali Berdah, une première victoire déterminante dans le combat judiciaire qu’elle mène depuis maintenant près de deux ans», ajoutent-ils.
L’ombre de Booba
La femme d’affaires est de son côté mise en cause pour banqueroute et blanchiment dans plusieurs procédures, tandis que son agence Shauna Events, qui met en relation influenceurs et marques, est visée par une enquête pour escroquerie. Ce sont d’ailleurs les raisons avancées par la plupart des prévenus invités à s’expliquer sur leur comportement devant les juges : avoir voulu lui reprocher les supposées pratiques commerciales trompeuses de sa société.
Magali Berdah, déjà victime de cyberharcèlement par le passé, martèle depuis deux ans que cette vague de haine a été provoquée par les saillies du rappeur Booba, qui a fait des polémiques sur les réseaux sociaux son outil de communication depuis des années. Pendant des mois, sur son compte Twitter suivi par 6 millions de personnes, le rappeur obnubilé par sa croisade contre ceux qu’il appelle les «influvoleurs», a désigné quotidiennement Berdah comme la responsable de l’accroissement des arnaques en ligne.
Lui aussi mis en examen pour «harcèlement moral aggravé» le 2 octobre 2023, Booba a été placé sous contrôle judiciaire avec interdiction de s’adresser à Magali Berdah sur les réseaux sociaux. Les enquêteurs ont comptabilisé au moins 487 messages visant «directement» l’agente d’influenceurs entre mai 2022 et mai 2023. Si le rappeur nie toute responsabilité concernant le cyberharcèlement de masse, «son nom a été omniprésent dans les débats», soulignait Me Gravelin-Rodriguez à Libération en début d’année.
Plusieurs prévenus ont d’eux-mêmes mentionné l’influence de Booba, ou ponctué leurs messages malveillants avec des émojis «pirate», le signe d’appartenance à sa communauté. La prochaine étape de cette saga pourrait donc être le procès, à Paris, du «Duc de Boulogne» expatrié à Miami.
Mise à jour : à 12h44, avec l’ajout des déclarations des avocats de Magali Berdah.