Louis Garrel : "Plus les acteurs auront des dialogues structurés, plus ils pourront être eux-mêmes"
Depuis son César du meilleur espoir masculin pour “Les Amants réguliers”, réalisé par son père, Philippe Garrel, on peut dire que Louis Garrel a justifié les espoirs placés en lui. Longtemps figure familière du cinéma d’auteur, le comédien est de plus en plus souvent à l’affiche de films plus grand public, tout en trouvant le temps de réaliser lui-même. Alors que sort son nouveau film, “L’innocent”, il revient sur son parcours éblouissant.
Les planches de théâtre, aussi terrorisantes qu'exaltantesSi le rêve de Louis Garrel, à 13 ans, était de jouer au Théâtre de l'Odéon, lorsqu'il y parvient l'angoisse de la scène prend souvent le pas sur le plaisir. "J'adore le théâtre, et j'ai eu quelques moments dans certaines représentations où j'ai ressenti du plaisir, mais la plupart du temps, c'était quand même un truc très angoissant ou terrorisant. J'adore prendre des cours, j'ai adoré avoir été au Conservatoire d'arrondissement, au Conservatoire national, discuter de théâtre avec Muriel Mayette, Gérard Desarthe, assister aux répétitions, mais, quand il faut jouer, je tombe. (...) Il y a eu des soirs, sur "Les Fausses confidences", avec Isabelle Huppert, Bernard Verley, Bulle Ogier où j'étais avec des gens tellement élégants, intelligents, pas du tout bêtes ou dans une espèce de rivalité d'acteurs qui peut parfois vraiment être néfaste ou toxique, j'avais des moments où j'avais l'impression que, oui, il y avait quelque chose de l'ordre de la grâce qui se passait sur scène. Et que j'avais mon mot à dire." Louis Garrel
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Sur ses six représentations théâtrales, trois sont signées Luc Bondy : "Viol" (2005), "Le Retour" (2012) et "Les Fausses Confidences" (2014). "J'étais très ami avec Luc Bondy. Je crois que les plus beaux moments que j'ai eu avec lui, c'est quand j'ai assisté à ses répétitions d'opéra. J'allais à Milan voir son Mozart, c'était "Idoménée" et il y avait une pieuvre géante sur scène. Il a aussi mis en scène, "Yvonne, princesse en Bourgogne", à l'Opéra Garnier, avec Richard Peduzzi au décor. Il y avait un livret enfant, une musique originale... J'étais là et je me disais 'mais cette espèce d'énorme paquebot, pour le moindre geste, il faut demander à 15 personnes de reculer le chœur, les chanteurs, les décorateurs.' Je m'étais dit que si un jour j'arrive à monter un opéra, je serais content." Louis Garrel
27 janvier 2022 Écouter plus tard
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Louis Garrel évoque son premier court-métrage, "Mes Copains" sorti en 2008. **"**Au départ, le rêve que j'avais à 15 ans, c'était vraiment de faire comme Molière ou Mnouchkine, c'est-à-dire avoir une troupe de gens avec qui l'on vit et avec qui on travaille. (...) Mais je n'arrivais pas à faire groupe avec eux, Sylvain Creusot, Damien Mongin, Arthur Igual... Et comme ils ne s'intéressaient pas du tout au cinéma, j'ai pris une caméra, je suis allé rencontrer l'assistant de Caroline Champetier, Léo Hinstin, et j'ai dit 'Voilà, en trois ou quatre jours, je gribouille une histoire et j'essaie de les faire jouer.' Et en même temps, j'avais déjà l'idée déjà que ce petit bout de film, puisqu'on était quand même très amis, nous servira, que ce serait une espèce de diapositive presque familiale. Et d'ailleurs, aujourd'hui, il y en a qui ne se parlent le plus. Donc c'est bien de voir qu'on est réunis ici pour ce petit truc. Et voilà, c'était l'idée de départ, les initier à un truc qui ne les intéressait pas." Louis Garrel
27 janvier 2022 Écouter plus tard
écouter 54 min
Depuis son premier long-métrage, "Les Deux amis" (2015) avec Golshifteh Farahani et Vincent Macaigne, Louis Garrel co-écrit toujours ses scénarios avec des écrivains tels que Jean-Claude Carrière, Christophe Honoré ou encore Tanguy Viel pour "L'Innocent". "Il y en a un qui tient le stylo et l'autre qui parle. J'aime bien travailler avec des gens qui ont à faire avec la littérature car il y a des choses qu'ils ne peuvent pas dire à l'oral, tandis que moi je suis capable de tout dire. J'ai besoin d'avoir quelqu'un qui est assez pudique pour ne pouvoir se dévoiler qu'à l'écrit. (...) Quand je regarde des films italiens que j'aime, ils sont toujours quatre ou cinq scénaristes à la manœuvre. Il y a d'ailleurs un très beau livre de Claude Chabrol et François Guérif, "Comment faire un film" (2003) où il y a des anecdotes rigolotes et des conseils que Chabrol donne. Il dit une chose essentielle, à savoir qu'il y a deux types de metteurs en scène : les poètes et les narrateurs, et qu'il faut savoir où l'on se trouve. Je ne me trouve pas du tout dans la catégorie des poètes, je suis un narrateur, au sens où j'essaie de raconter une histoire et de tenir en haleine des gens. Et pour savoir raconter une histoire. Il faut s'y mettre à plusieurs parce qu'il faut éprouver l'histoire, la critiquer, la sabrer, surenchérir encore une fois, jusqu'à ce qu'elle passe l'épreuve de trois ou quatre personnes et qu'on puisse essayer de la faire interpréter par des acteurs. Et puis aller dans le vaste monde pour la mettre en images." Louis Garrel
Être metteur en scène et acteur, un double plaisirJouer dans ses propres réalisations lui permet de vivre le film de l'intérieur : "Quand je suis avec les scénaristes, je leur joue les scènes. Pendant les repérages, je peux déjà me mettre dans les scènes et le chef opérateur peut déjà prendre des photos. J'essaye que l'équipe sente organiquement l'atmosphère ou le rythme des scènes que je veux. Et ensuite, c'est le grand plaisir car je fais aussi des films pour voir des acteurs performer, alors quand je joue, je suis vraiment collé à eux. Dans certaines scènes de "L'Innocent", Noémie Merlan explose d'une chose qu'on a jamais vue faire. J'avais en face de moi une super grande actrice qui était en train de naître à un endroit qu'on n'avait jamais vu venir." Louis Garrel
"La grande difficulté pour les gens qui font des films, c'est de s'exprimer, de faire comprendre aux acteurs quelque chose. Moi on m'a donné des espèces d'images nulles qui me bloquaient et c'est vrai que maintenant c'est mon inquiétude. Je sais que moins on en dit, mieux les acteurs sont. Et quand je joue en face d'eux, très vite, ils comprennent. (...) Ils ont la règle du jeu inscrite sur mon visage. C'est ça qui donne de temps en temps la liberté, je crois." Louis Garrel
12 octobre 2022 Écouter plus tard
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"L'improvisation, ce n'est pas mon truc car l'acteur est trop attentif à essayer de dire des phrases qui auraient un sens, ce sont des phrases qui dénoncent l'improvisation. J'aime beaucoup quand c'est très structuré. Plus l'acteur est emprisonnée dans une structure établie, plus il sera libre s'il arrive à la dépasser, et plus je pourrais voir émerger sa vraie personne et pas l'acteur en train d'essayer d'être un bon dramaturge." Louis Garrel
"Quand on rentre dans une salle de cinéma, on vient tous de milieux différents. Alors une variété dès le début, telle "Pour le plaisir" d'Herbert Léonard, c'est comme si ça décapsulait tous les barrages culturels. Il y a quelque chose d'une vérité irrésistible : ce sont des mots simples qui ont l'air de raconter nos histoires et, surtout, qui ont conservé ce lyrisme sentimental, qui appartient à l'adolescence, dans des corps de gens un peu plus âgés." Louis Garrel
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- Film : "L'Innocent" réalisé par Louis Garrel, avec Anouk Grinberg, Roschdy Zem, Noémie Merlant... sort le 12 octobre prochain sur les écrans des cinémas. Synopsis : Quand Abel apprend que sa mère Sylvie, la soixantaine, est sur le point de se marier avec un homme en prison, il panique. Épaulé par Clémence, sa meilleure amie, il va tout faire pour essayer de la protéger. Mais la rencontre avec Michel, son nouveau beau-père, pourrait bien offrir à Abel de nouvelles perspectives…
Sons diffusés lors de l'émission :- Archive du comédien Jean-Pierre Léaud, interviewé sur le tournage du film "Le départ", de Jerzy Skolimowski, en 1967.- La comédienne Laetitia Casta, dans l'émission "Affaires Culturelles" sur France Culture, le 21/12/2021- Archive du cinéaste Jean Renoir, invité de l'émission "Le bureau des rêves perdus" sur la RTF, en 1954.- Chanson de Gianna Nannini, “I Maschi” (1987) - Label Polydor