Un ambassadeur aux droits LGBT +, pour quoi faire ?
Un ambassadeur aux droits LGBT + sera nommé « d’ici à la fin de l’année », a annoncé la première ministre Élisabeth Borne, lors d’un déplacement à Orléans, jeudi 4 août, à l’occasion du 40e anniversaire de la loi dépénalisant l’homosexualité. Le candidat Emmanuel Macron s’était engagé à soutenir une telle nomination lors d’un entretien pour le magazine Têtu, en avril 2022. « La France porte et continuera de porter notre idée des droits humains aux plans européen et international, qui suppose la lutte contre les discriminations contre les personnes LGBT + », avait-il indiqué.
Porter la parole de la France, une avancéeLa personnalité désignée, et sans doute rattachée au Quai d’Orsay, « coordonnera l’action du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères pour la protection contre les discriminations et la promotion des droits LGBT + », a précisé la première ministre. Elle « portera la voix de la France » et « défendra notamment la dépénalisation universelle de l’homosexualité et de la transidentité », a-t-elle ajouté.
Une nouvelle accueillie « favorablement » par Étienne Deshoulières, avocat et membre de Mousse, une association de lutte contre les stigmatisations et violences liées au genre et à l’orientation sexuelle. « Que la France, à travers un représentant officiel, prenne position, ne serait-ce que de manière discursive, pour dénoncer des atteintes homophobes comme il s’en produit au Sénégal ou en Arabie saoudite, cela ne fait pas tout, mais c’est un pas important », commente-t-il. Cela pourrait par exemple donner de la portée aux actions en justice entreprise sur place par les associations. Sur Twitter, l’association Gaylib s’est aussi « félicit (ée) » des annonces d’Élisabeth Borne, tout en avouant rester « vigilante quant à leur effectivité ».
Pas de faux angélisme non plus chez l’avocat, qui attend à présent de connaître les missions précises de cet ambassadeur, comme les moyens et la marge de manœuvre dont il disposera. « Le jeu diplomatique met toujours en balance les droits humains et les intérêts économiques ou stratégiques des pays, comme on a pu le voir récemment avec l’accueil du prince héritier saoudien, commente Étienne Deshoulières. L’ambassadeur réussira-t-il à supporter cette pression ? Mettra-t-il toujours les droits LGBT + avant tout autre intérêt ? Il faudra, pour cela, qu’il ait de l’envergure. »
Des actes homophobes en hausse en FranceDes questions en suspens et trop d’incertitudes, pour Julien Pontes, porte-parole du Collectif Rouge Direct contre l’homophobie dans le sport. « Personnellement, je ne me fais aucune illusion. Cette annonce n’est que de l’affichage. Avant de vouloir donner des leçons au monde, la France devrait d’abord balayer devant sa porte et intervenir contre les atteintes homophobes chez elle»,cingle-t-il. En 2021, près de 3 700 atteintes homophobes ont été recensées, en France, par les services du ministère de l’intérieur. Parmi ces actes, le nombre de crimes et délits « anti-LGBT+ » enregistrés était en hausse « de 28% » selon le Service statistique ministériel.
Interpellée à Orléans sur la baisse des subventions aux associations et les moyens globalement insuffisants, la première ministre a annoncé le déblocage d’un fonds de 3 millions d’euros « pour créer 10 nouveaux centres LGBT+ et pour renforcer les 35 qui existent déjà ». Ces centres ont pour mission d’accompagner la communauté LGBT et de sensibiliser le grand public. La ministre voudrait « qu'il y ait au moins deux centres dans chaque région de l'Hexagone et au moins un centre dans chaque région d’Outre-mer ».