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Vote de la loi Avia "contre la haine sur Internet" : un texte polémique, une députée dans la tourmente

Vote de la loi Avia contre la haine sur Internet  un texte polémique une députée dans la tourmente
Alors que de nombreuses voix s'élèvent pour dénoncer les dangers que sa proposition de loi, étudiée ce 13 mai en lecture définitive à l'Assemblée, fait courir à la liberté d'expression, la députée LREM Laetitia Avia est mise en cause par une a

Ce mercredi 13 mai devait être un jour de joie pour Laetitia Avia, députée de La République En Marche élue dans la 8e circonscription de Paris. La proposition de loi "visant à lutter contre les contenus haineux sur Internet", qu'elle défend depuis plus d'un an, doit enfin être adoptée par l'Assemblée nationale après un long marathon législatif. Mais les nuages s'accumulent dans le ciel de l'élue macroniste, également porte-parole de LREM : son texte est contesté de toutes parts par des critiques inquiets de ses conséquences sur la liberté d'expression ; et Mediapart vient de publier une longue enquête égratignant singulièrement son profil de vigie anti-discriminations.

L'article de nos confrères mobilise les témoignages de cinq anciens collaborateurs de Laetitia Avia, écoeurés par ses méthodes. Il révèle, tout d'abord, un décalage singulier entre l'intransigeance affichée en public par l'élue trentenaire et son comportement en privé : celle qui se fait fort de ne rien laisser passer en matière de sexisme, de racisme ou d'homophobie affublait ainsi un de ses anciens assistants du surnom "le Chinois" et usait de stéréotypes pour parler de lui ; elle annonce en avril 2018 à ses collaborateurs avoir "voté l'amendement des PD", en faveur des réfugiés LGBT ; ou trouve amusant d'exhiber aux yeux de tous la capture d'écran d'une photo du sexe d'un militant LREM envoyée par erreur (décidément une manie chez les macronistes !).

Harcèlement au travail

L'enquête de Mediapart dresse le portrait acide d'une députée obsédée par son image, demandant notamment à ses collaborateurs de contrôler sa page Wikipédia afin de faire oublier un article du Canard enchaîné révélant qu'elle avait mordu un chauffeur de taxi. Plus grave, il lève le voile sur des méthodes de travail impitoyables, "un système qui vous broie", d'après un des six collaborateurs qui ont choisi de quitter l'équipe de Laetitia Avia. Sur le groupe de messagerie téléphonique Telegram, la députée avait pris l'habitude de critiquer de manière virulente ses assistants, instaurant une atmosphère faite de brimades et d'humiliations quotidiennes. Dans une conversation datant de février, Laetitia Avia se moque d'un salarié dont elle vient de se séparer, se vantant même de l'avoir "fait pleurer". De manière plus incongrue, la parlementaire charge son équipe de tâches peu en rapport avec leurs attributions, comme réserver une place pour son mari à Roland-Garros, corriger des copies d'étudiants à Sciences Po dont Laetitia Avia est la professeure, ou… lui brumiser les jambes. Enfin et surtout, l'article décrit des pratiques "parfois éloignées du droit du travail", même si elles n'ont pas fait l'objet d'une procédure judiciaire : l'embauche d'une assistante obligée à travailler un mois sans être rémunérée, la pression mise à une collaboratrice pour quitter l'équipe en la forçant à poser ses congés après une rupture conventionnelle, ou la demande faite à une salariée "atteinte d'une maladie grave d'interrompre son confinement pour revenir télétravailler à Paris".

Le timing de l'enquête de Mediapart est soigneusement choisi : l'Assemblée étudie ce 13 mai en lecture définitive la loi Avia, qui se fixe pour objectif d'éradiquer les discours de haine colportés sur Internet. Le texte fait polémique : il est contesté par de nombreux spécialistes et organisations (la Quadrature du Net, le Conseil national du Numérique, la Commission nationale consultative des droits de l’Homme…) qui le jugent dangereux pour la liberté d'expression. Face au flot de propos haineux tenus notamment sur les réseaux sociaux, la loi propose en effet d'ôter le contrôle de la légalité des mains de la justice, pour la transférer aux plateformes… celles-ci devront juger par elles-mêmes le caractère "haineux" des propos (signalés par les internautes grâce à un nouveau bouton interactif prévu à cet effet), et s'exposeront à une très lourde amende si elles ne les censurent pas rapidement.

La liberté d'expression en danger

On devine facilement les conséquences délétères de cette loi pavée de bonnes intentions : un retrait immédiat et excessif de tout propos ne relevant pas du politiquement correct, exercé par des multinationales privées qui craignent une sanction financière. Lors de la première lecture de la loi Avia à l'Assemblée, les députés avaient eux-mêmes illustré les dérives potentielles du texte en rivalisant d'amendements pour interdire toujours plus d'opinions : "l'agriphobie", l'antisionisme, l'islamophobie, la grossophobie, etc, etc, etc. La version finale de la loi n'a pas retenu la majeure partie de ces amendements, mais la liste des propos interdits reste étendue, vague et sujette à interprétation : on y trouve ainsi "la provocation à la discrimination (...) envers une personne ou un groupe de personnes en raison (...) de leur appartenance à une religion déterminée", ce qui, compte tenu de l'hypersensibilité de certains croyants, peut susciter l'inquiétude. Facebook a annoncé le 6 mai les noms des vingt membres de son nouveau conseil de surveillance, chargés "d'exercer un jugement indépendant au sujet des décisions de contenu les plus délicates et les plus importantes", en clair un comité de censure. On trouve notamment Tawakkol Karman, une activiste yéménite proche des Frères musulmans : voilà qui ne rassurera pas les citoyens attachés à la liberté de critique des religions.

Douze organisations non gouvernementales ont signé un appel, indiquant qu'"en contournant les prérogatives du juge judiciaire, [le texte de loi] porte atteinte aux garanties qui nous permettent aujourd’hui de préserver l’équilibre de nos droits et libertés fondamentaux". Fait aggravant, la loi ne comporte de que très vagues dispositions pour sanctionner une éventuelle "sur-censure" des plateformes, notamment l'absence d'une amende pénale. La logique du texte encourage mécaniquement les hébergeurs à censurer au moindre soupçon. De plus, les plateformes privées ont déjà prouvé leur lecture pour le moins restrictive de la liberté d'expression, à l'instar de Facebook et Twitter retirant des publications "controversées" de chefs d'Etat.

Aux côtés de plusieurs organisations dont @RNumerique, @CNNum, @ChangeFrance, @CNBarreaux, @isoc_france, @laquadrature, @LDH_Fr, @Wikimedia_Fr rappelle son inquiétude quant au risque que ferait encourir à nos droits et libertés fondamentaux la #PPLCyberHaine pic.twitter.com/BYdIk2lamq— Wikimédia France (@Wikimedia_Fr) January 16, 2020

Le texte avait été en grande partie vidé de sa substance lors de son passage au Sénat. La chambre haute avait notamment retiré de la proposition de la loi sa disposition phare : l'obligation pour les plateformes (Facebook, Google, Twitter) de retirer les fameux "contenus manifestement illicites" sous 24 heures, sous peine d'une amende pouvant atteindre 4% du chiffre d'affaires. Faute d'accord entre les députés et les sénateurs lors de la commission mixte paritaire, Laetitia Avia est passée en force et a rétabli la mesure controversée. Pour les contenus à caractère terroriste ou pédopornographique, le délai de retrait obligatoire sera même d'une heure : cela obligera concrètement les hébergeurs Internet, y compris de taille modeste, à être joignables 24h/24 ; si un site ne retire pas immédiatement un contenu, le pouvoir de censure sera confié à la police.

En @AN_ComLois hier, j’ai indiqué que je partage l’objectif de la proposition de loi de @LaetitiaAvia de lutter contre la haine en ligne mais je veux rappeler mon inquiétude de voir les plateformes se transformer en juges de la liberté d’expression. #DirectAN pic.twitter.com/E8gEa8LAol— Laure de La Raudière (@lauredlr) January 15, 2020

Lors de son discours à la tribune de l'Assemblée en juillet 2019, Laetitia Avia avait semblé adopté un ton revanchard, assez éloigné de ce que l'on pourrait attendre d'une députée de la nation : "A vous, mes chers trolls, haters, têtes d'oeuf anonymes qui vous croyez seuls cachés derrière vos écrans, vous qui êtes infiniment petits et lâches, sachez que nous nous battrons pour vous trouver et vous mettre face à vos responsabilités, car ce que nous engageons, c'est la fin de l'impunité. " Soutenue par une large majorité de parlementaires, la loi Avia devrait être adoptée sans difficulté ce mercredi 13 mai.

La mise en garde de @LaetitiaAvia : "Chers trolls, haters, têtes d’œuf anonymes, qui vous croyez seuls cachés derrière vos écrans, qui êtes petits et lâches, sachez que nous nous battrons pour vous mettre face à vos responsabilités (...) c’est la fin de l’impunité !" #DirectAN pic.twitter.com/CDO27vGGa4— LCP (@LCP) July 3, 2019

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