“La Méthode Williams”, avec Will Smith : un biopic fidèle... à cinq points près
Le biopic sur Richard Williams, le père de Venus et Serena, qui sort ce mercredi en salles, avec Will Smith en vedette, adoucit la “méthode” mise en place pour créer les deux championnes. Mise au point.
Jusqu’à 30 ans passés, Richard Williams ne connaissait rien au tennis. Puis il s’est dit que quand même, ça pourrait être sympa d’avoir deux filles numéro 1 mondial. Il a donc potassé tout un tas de bouquins pour savoir comment faire de bons coups droits et dépasser les 180 km/h au service, puis a établi une « méthode » dans un manuscrit de 78 pages. Il a ensuite conçu Venus et Serena (avec l’aide de sa femme, Brandy) et les a lui-même entraînées jusqu’à leurs 10-11 ans, avant de les confier à un coach professionnel, puis un deuxième. Comme prévu, les deux petites ont tout cassé. Le film La Méthode Williams, en salles ce mercredi, avec Will Smith dans le rôle du pater tennistas, essaye de raconter cette incroyable histoire, mais introduit une sacrée dose d’édulcorant. Qu’il s’agisse d’imprécisions ou d’omissions, voici cinq points à corriger.
« Ce qui m’a poussé à déménager à Compton, c’est que les grands champions viennent des ghettos. » Richard Williams.
Les Williams vivaient-ils dans un quartier aussi dangereux ?Nées respectivement en 1980 et 1981, Venus et Serena grandissent à Compton, une banlieue très chaude de Los Angeles où les désaccords entre voisins se règlent par des tirs à balles réelles (environ cent meurtres par an dans les années 80). Mais ce que le film ne dit pas, c’est qu’il s’agit d’un choix délibéré de Richard. Car elles sont nées dans le quartier cossu de Long Beach, avant que le père ne décide d’emmener toute la famille (composée aussi des trois filles de sa femme Brandy, issues d’un premier mariage) à Compton, avec l’objectif d’endurcir ses deux futures championnes. C’est difficile à croire mais c’est ce que Richard a lui-même raconté dans un livre (Black and White. The Way I See It, non traduit) : « Ce qui m’a poussé à déménager à Compton, c’est que les grands champions viennent des ghettos. J’ai observé les trajectoires de grands sportifs comme Mohamed Ali et de grands penseurs comme Malcolm X. J’ai vu d’où ils venaient. » Il y en a une qui n’en est pas revenue : Yetunde, la demi-sœur de Venus et Serena, tuée par balles en 2003.
Abonné La Méthode Williams Richard Williams a-t-il été à deux doigts de commettre un meurtre ?Richard gardait la tête haute devant les gangs. Il a pris des coups pour que ses filles puissent s’entraîner sur le malheureux court enclavé dans la cité. Mais la scène du film où il s’apprête à se venger d’un gangster, un flingue à la main, avant d’assister au meurtre dudit gangster par un autre homme, est une pure invention. Richard raconte néanmoins qu’il venait aux entraînements avec son arme de service (il était agent de sécurité).
Venus et Serena étaient-elles aussi heureuses d’aller s’entraîner ?Dans le film, les services sociaux viennent vérifier que les cinq sœurs ne sont pas maltraitées, sur l’appel d’une voisine malveillante. C’est un épisode véridique, et l’occasion de sortir les violons pour dénoncer cette profonde injustice. Il est gentil, Richard ! Oui, mais certains aspects de sa fameuse « méthode » étaient quand même limite limite. Pas sûr que les filles aient toujours gardé le même sourire en allant s’entraîner avant l’école, après l’école, tous les jours, tant qu’il faisait jour, par tous les temps, sans autorisation de s’asseoir, avec l’autorisation néanmoins de se coucher par terre lors des fusillades, entourées de gamins embauchés par leur père pour les huer (l’intéressé a lui-même raconté ces détails, dans son livre ou à CNN). Le film montre simplement une petite séance de franche rigolade sous la pluie.
Richard Williams les a-t-il vraiment empêchées de participer à des tournois juniors ?Ça, c’est vrai, et c’est peut-être l’aspect le plus incroyable de l’histoire des sœurs Williams. Richard est allé contre l’évidence la plus absolue, selon laquelle on progresse en faisant des matchs. Venus s’est ainsi pliée à trois ans d’entraînement, de 11 à 14 ans, puis est entrée directement sur le circuit professionnel. Comme on le voit dans le film de Reinaldo Marcus Green, elle réussit ses débuts face Shaun Stafford, 59e joueuse mondiale (6-3, 6-4). Et découvre qu’on a le droit de s’asseoir aux changements de côté.
Pourquoi cet entêtement de Richard Williams à écarter ses deux prodiges de tout match à enjeu ? Le film montre un papa poule déterminé à protéger ses enfants de la pression, de l’argent, et de tous les parasites qui vont avec. Il aurait peut-être fallu préciser, tout de même, ce qui au départ lui avait donné envie de « créer » deux championnes : la découverte, en 1980, de la somme perçue par le vainqueur de Roland-Garros (40 000 dollars). Le bonheur, oui, mais l’argent, surtout !
Un bon père de famille ?Par ailleurs, le film ne mentionne pas que Richard avait eu auparavant cinq enfants d’un premier mariage, et qu’il divorcera en 2002 de Brandy, la mère de Venus et Serena, pour se marier une troisième fois. Là-dessus, on est d’accord : cela ne nous regarde pas !
À voir T King Richard (États-Unis, 2h20). Avec Will Smith, Aunjanue Ellis, Saniyya Sidney, Demi Singleton.