Koh Lanta : «On est hyper vigilants à ne jamais abattre d'arbres et ...
Totem moi non plus. Le coup d’envoi de la 25ème édition de Koh Lanta sera donné ce mardi soir sur TF1. Connu pour ses images de plages paradisiaques et de jungles luxuriantes, le célèbre jeu d’aventure n’est pas sans conséquence pour la planète. Des trajets en avion aux épreuves dans les lagons, le producteur de l’émission Julien Magne dévoile à Vert les efforts réalisés pour limiter l’impact du jeu.
Avez-vous déjà réalisé un bilan carbone de l’émission ?
Non, ce n’est pas un travail que nous avons fait. Le CNC [Centre national du cinéma et de l’image animée, NDLR] demande à certaines productions, notamment de fiction, de réaliser un bilan carbone, mais ce n’est pas notre cas. Ça demande beaucoup de temps, et il y a tellement de paramètres et de variations de ces paramètres selon les sites sur lesquels on tourne qu’on n’a pas fait de calcul.
Vous tournez quand même dans des espaces naturels, relativement préservés, ce qui a un certain impact…
Malheureusement, ce ne sont pas des espaces naturels totalement préservés puisqu’on est chaque saison les témoins malheureux de l’ampleur de la pollution plastique. On débarque sur une plage qu’on pense déserte, paradisiaque et coupée de toute civilisation, et on tombe sur des tas de plastiques divers et variés. Je me souviens de certains sites en Indonésie où la marée apportait chaque jour l’équivalent de 40 ou 50 sacs poubelle de 100 litres de déchets plastiques. Notre premier travail, c’est de nettoyer les différents sites où les concurrents vont vivre, où les épreuves ont lieu… Quand on repart, les lieux sont beaucoup plus propres que quand on y arrive.
Quelles pratiques avez-vous mis en place pour limiter l’impact environnemental du tournage ?
Notre objectif chaque saison est de réduire le personnel qui vient de France, et cela vaut aussi pour le fret, notamment pour le matériel technique qu’on essaye de récupérer localement. Ça fait quelques années qu’on décide de tourner plusieurs saisons d’affilée au même endroit, ce qui a un impact important car on n’a plus besoin de voyages exploratoires puisqu’on connaît les sites et qu’une partie du fret technique peut rester sur place.
On n’utilise que des matériaux naturels pour les installations, tout est entièrement conçu, monté sur place et démontable. Cela veut dire qu’on ne laisse jamais rien sur place, donc soit on recycle sur d’autres épreuves, soit on va transmettre à des personnes qui peuvent réutiliser le bois, la corde, les bambous, etc. On utilise des drones plutôt que des hélicoptères pour tourner des images.
On instaure un tri sélectif drastique, et on fait de la sensibilisation auprès des villageois sur ces questions-là. Depuis plusieurs saisons, on n’utilise plus ou quasiment plus de bouteilles d’eau en plastique puisqu’on a installé des fontaines à eau et fourni des gourdes isothermes à tout le monde. Les fumeurs sont équipés de cendriers de poche. La crème solaire qu’on propose aux aventuriers et aux équipes est labellisée pour ne pas impacter les coraux. De manière plus globale, on choisit des sites peu éloignés les uns des autres — maximum trente minutes de bateau — pour limiter les temps de trajet et la consommation de carburant. Ce sont peut-être des détails, mais c’est une préoccupation quotidienne pour les équipes de production.
Qu’en est-il des épreuves, qui réclament souvent l’installation d’infrastructures ?
On va toujours réfléchir et implanter nos jeux de manière la plus responsable possible. Ça nous arrive de couper de l’herbe et des buissons, de débroussailler certaines zones, mais évidemment, ça se fait toujours en accord avec les autorités locales. En revanche, on est hyper vigilants à ne jamais abattre d’arbres. On fait aussi très attention dans les zones de mangrove, puisque ce sont des espaces très importants qui vont dégager beaucoup d’oxygène dans l’atmosphère. Si on estime, toujours avec les autorités locales, qu’on peut y pénétrer sans impact, on le fait, mais sinon on ne prend pas de risque. On sait à quel point il est compliqué d’avoir des mangroves vivaces donc il n’est pas question pour nous de jouer dedans.
Pour les épreuves qui ont lieu dans l’eau, des spécialistes nous aident à sélectionner les lieux. Tout d’abord, on ne va jamais jouer sur les coraux. À la fois pour des raisons environnementales, car il est hors de question qu’un pied d’aventurier ou une plateforme pour les cadreurs soit sur une patate de corail, mais aussi pour des raisons sanitaires et sécuritaires [le corail peut provoquer de vives brûlures et des infections, NDLR]. Ça fait partie des contraintes qu’on s’impose, donc on va toujours chercher des fonds sableux pour jouer en sécurité et sans impacter l’écosystème local.
Comment ces préoccupations se traduisent-elles à l’écran ?
Au-delà de la manière dont on produit Koh Lanta, il y a aussi ce que les téléspectateurs vont voir. On tourne dans des milieux naturels, et c’est aussi une façon pour nous de mettre en avant la beauté de la planète. Ça peut sembler bateau mais c’est une réalité que le public nous fait souvent remonter, car il prend plaisir à voir une nature resplendissante et vivante et ça lui permet de prendre conscience de certaines valeurs.
Depuis quelques saisons, on met en place des récompenses [gagnées par les aventuriers à l’issue d’épreuves, NDLR] qui mettent en lumière des actions de protection de l’environnement. Dans la dernière saison par exemple, des aventuriers ont pu rencontrer des personnes qui travaillent sur la préservation du corail et découvrir leur quotidien, faire des greffons de coraux, etc.
Ce n’est pas l’unique vocation de Koh Lanta, mais on utilise notre puissance et notre résonance pour véhiculer un message de sensibilisation auprès de millions de téléspectateurs
Comment travaillez-vous avec les habitants avant et pendant le tournage ?
On ne tourne jamais dans des lieux complètement isolés, puisqu’il faut qu’ils soient accessibles aux équipes de tournage, à proximité d’un hôpital aux standards internationaux et qu’on puisse y trouver des logements pour le personnel. Cela veut dire qu’on doit travailler main dans la main avec les habitants sur place et les autorités. Il est hors de question qu’on débarque comme des cowboys en exigeant certaines choses. Toutes les décisions sont prises après des discussions pour que tout aménagement soit fait en accord avec tout le monde. Il faut que les personnes sur place s’y retrouvent, donc on va embaucher un certain nombre de gens, injecter de l’argent dans l’économie locale et aussi, on laisse les sites beaucoup plus propres qu’à notre arrivée.
Il est difficile de parler de l’impact environnemental de l’émission sans parler des trajets en avion. Combien de vols sont réalisés pour un même tournage ?
On a une centaine de personnes qui font un aller-retour depuis la France. Certains viennent trois mois, deux mois, mais une fois que les gens sont sur place, ils ne bougent plus. À côté de ça, on ajoute environ 250 personnes recrutées sur place pour travailler avec nous (en tant que constructeurs, régisseurs, pilotes de bateau, etc), et on essaye d’augmenter cette proportion petit à petit pour réduire au maximum le nombre de vols.
On limite de plus en plus le nombre de personnes qui vont sur place pour la phase préparatoire et on s’appuie sur des fixeurs dans les différents pays. On a aussi rapproché la phase d’implantation (pour décider à quel endroit on tourne tel jeu) de la phase de construction et d’installation des infrastructures pour limiter les trajets. Pour être clair, il y a peut-être quatre personnes qui font un aller-retour supplémentaire dans le cadre du tournage.
Avez-vous déjà envisagé d’abandonner les destinations très lointaines au profit de tournages plus proches pour Koh Lanta ?
Pour être tout à fait honnête, on s’est posé la question au moment du premier confinement, et on n’a pas trouvé de site suffisamment isolé pour nous accueillir. Après évidemment la notion de dépaysement et d’exotisme est importante pour l’émission, mais ce n’est pas à n’importe quel prix pour nous.
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Photo d’illustration : © A.Issock/ALP/TF1