Kenzo Takada, le pouvoir des fleurs
S’il fallait ne retenir qu’une chose de Kenzo Takada, décédé à 81 ans des suites du Covid-19, ce seraient les fleurs que le créateur japonais n’a cessé de sublimer dans des imprimés audacieux. Il y avait une « patte » Kenzo, qui faisait de ses créations des pièces immédiatement reconnaissables, une couleur, un graphisme, une audace célébrés dès ses débuts avec les étonnantes collections Jungle Jap qui osaient les lignes et les couleurs fortes.
De fleurs et de couleurs, Kenzo en avait pourtant manqué lors de son arrivée à Paris. Le jeune homme, né le 27 février 1939 à Himeji près d’Osaka, passionné de dessin et de couture, étudiant en stylisme, avait débarqué en France le 1er janvier 1965, dans le port de Marseille, avant de monter à Paris qu’il avait trouvé gris et effrayant. Il s’est obstiné à réenchanter la capitale depuis ses premières pièces Jungle Jap en 1970, conçues depuis une minuscule boutique de la Galerie Vivienne.
Une timidité touchanteKenzo associe à cette profusion visuelle un goût des matières nobles, cotons longues fibres, soieries lavées, laines d’alpaga. Il signe une mode de qualité, facile et agréable à porter. Il célèbre les métissages, de style et de couleur, d’influences et de pays. Il est l’un des premiers à faire défiler sur des podiums des mannequins noirs, asiatiques, maghrébins… Dès 1976, le succès de ce jeune homme toujours souriant, au charme poli, lui permet de fonder sa marque sous son seul prénom.
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D’une timidité touchante et d’une grande simplicité quand on le rencontrait, respectueux de ses modèles et mannequins en coulisse, Kenzo tranche sur l’arrogance qui règne sur le milieu de la mode dans les années 1980. Il développe sa marque seul, créant des lignes féminines plus sophistiquées et plus chères, une ligne pour hommes en 1983, un premier parfum « Kenzo Kenzo », en 1988.
Les hommages de la France et du JaponSon style et son succès attirent l’attention de Bernard Arnault qui est en train d’agrandir le groupe LVMH dont il vient de s’emparer. Il achète sa griffe en 1993 pour moins d’un demi-milliard de francs (73 millions d’euros). « Kenzo Takada a su, à partir de 1970, donner à la mode un ton de poésie légère et une allure de douce liberté qui a inspiré de nombreux créateurs », a salué Bernard Arnault. Mais le créateur manque de liberté dans le grand groupe de luxe qu’il quitte en 1999 pour voyager et retrouver une liberté créative.
« Aujourd’hui, son optimisme, sa joie de vivre et sa générosité restent les piliers de notre maison. Il manquera beaucoup et laissera un souvenir impérissable », a écrit sur Twitter la maison Kenzo. L’annonce du décès du plus parisien des créateurs japonais suscite une vive émotion dans son pays d’adoption, comme dans son pays natal.
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