« Kate Bush, la sorcière du son », portrait d'une musicienne secrète
Janvier 1978, alors que la Grande-Bretagne vit les derniers moments du plein élan de sa période punk (1976-1977) et que s’amorce le courant new wave, une voix de soprano envoûtante envahit les ondes des radios avec une chanson qui évoque les amours tragiques de Cathy et Heathcliff dans Wuthering Heights (Les Hauts de Hurlevent), roman d’Emily Brontë, publié en 1847. La chanson porte le même titre et son interprète, auteure et compositrice, est une jeune femme qui n’a pas encore fêté ses 20 ans, Kate Bush.
Ce coup d’essai triomphe au-delà de son pays, dans le reste de l’Europe, au Japon. Sa carrière, débutée à la fin des années 1970, n’est toutefois pas celle d’une artiste prolifique. Dix albums en studio ont été publiés de 1978 à 2011, et deux albums en public. En dehors de ses débuts scéniques en 1977, dans de petites salles ou des pubs en Angleterre, elle n’a proposé que deux spectacles.
Les textes de ses chansons parlent de personnages hantés par des drames, des tourments, de la mélancolie, dans le registre du fantastique. Autres thèmes abordés, les liens avec la nature, les éléments et, ici et là, de rares fantaisies. Ses musiques puisent autant dans les racines du folk irlandais que dans les explorations les plus pointues du traitement du son, dans les codes du rock et de la pop que dans l’apport de multiples sources, de la musique classiques aux musiques traditionnelles de différents pays.
Construction classiqueC’est à cette personnalité assez secrète que Claire Laborey consacre le documentaire Kate Bush, la sorcière du son. Dans une construction classique avec des éléments biographiques, des témoignages de musiciennes et musiciens, photographes et producteurs, qui toutes et tous louent le talent de Kate Bush, et quelques documents, apparitions fugitives de la chanteuse tirées de passages à la télévision et d’un documentaire que la BBC avait consacré à sa seule tournée, en 1979.
Le film de Claire Laborey passe ainsi plus d’une quarantaine de minutes à revenir sur les premiers temps de la vie de Kate Bush et les dix premières années de sa carrière, pour condenser en moins d’une dizaine de minutes les trente-cinq qui ont suivi. Certes l’artiste ne se prête pas aisément à l’exercice de l’entretien et s’est tenue à l’écart de la création musicale de 1994 à 2006, mais quand même, ce raccourci et l’absence de témoignages de tiers sur les plus récentes étapes de son travail créent un déséquilibre.
Sylvain Siclier