Classer de faux dinosaures parmi les vrais avec "Jurassic World : le monde d'après"
Indominus rex et Indoraptor. Ces noms astucieusement choisis éveillent en nous dès leur lecture tout l’imaginaire associé aux dinosaures. Pourtant, à l’inverse d’un T. rex et d’un Diplodocus, nous avons beau essayer, nous n’arrivons pas à nous les figurer. Et pour cause. Ces dinosaures n’apparaissent dans aucun manuel ou traité de paléontologie. Tout simplement car ces “dinosaures” n’en sont pas : ils ont été créés de toute pièce pour les films Jurassic World et Jurassic World : Fallen Kingdom, sortis respectivement en 2015 et 2018, et dérivés du fameux Jurassic Park de Steven Spielberg. Alors qu’un nouvel opus de la franchise, Jurassic World : Le Monde d’après, sort dans les salles françaises ce 8 juin 2022, les paléontologues Jean-Sébastien Steyer et Christopher Sevin se sont amusés, dans un article à retrouver sur le site de La Recherche, à étudier ces monstres génétiquement créés comme ils le feraient avec de vraies espèces.
Deux dinosaures transgéniques, l’un bipède, l’autre quadrupèdeÀ l’approche de l’ouverture du parc d'attractions peuplé de dinosaures Jurassic World, ce dernier s’est doté d’un atout qui, sans nul doute, saura assurer son succès. À côté des bien connus monstres du Jurassique qui gambadent dans le parc, les visiteurs pourront trouver un tout nouveau prédateur : le Indominus rex, sorte de dinosaure transgénique créé entre autres à partir des génomes de T. rex et de Vélociraptor. Ressemblant à s’y méprendre au roi des lézards tyrans (traduction en français de Tyrannosaurus rex), le roi des lézards indomptables (traduction en français de Indominus rex) est également bipède et exhibe des pattes griffues. Son génome sera par la suite utilisé pour former, à l’aide, encore une fois, du génome de Vélociraptor, un autre dinosaure véloce et agressif, cette fois-ci quadrupède : Indoraptor. Présumons un instant que ces dinosaures ne soient pas fictionnels, mais qu’ils aient bel et bien existé. Où les classerait-on sur l’arbre évolutif des théropodes, le groupe auquel appartiennent tous les dinosaures qui constituent leurs génomes ?
Pataud, svelte, de la taille d’un bouledogue ou d’un terrain de basket : la diversité morphologique entre les différentes espèces du groupe des théropodes, qui comprend même les oiseaux, est grande. Dans ce bestiaire, glisser Indominus rex et Indoraptor semble bien compliqué.
"Le métissage fait des merveilles !"Pour y arriver, Jean-Sébastien Steyer et Christopher Sevin ont appliqué les mêmes méthodes d’analyse que celles qui sont habituellement employées sur de vrais fossiles de dinosaures. Grâce à cela, ils en arrivent à la conclusion surprenante que Indominus rex et Indoraptor ne sont que très peu apparentés aux différents dinosaures qui constituent leurs génomes. La somme des divers génomes employés pour créer ces monstres a largement divergé au point que même Indoraptor ne peut être apparenté à Indominus rex, dont il est pourtant l’horrible fruit. Autrement dit, “le métissage fait des merveilles !”, comme le résume les paléontologues.
Indominus rex se rapproche plus de Ceratosaurus, un théropode d’une taille allant de 5 à 7 mètres, avec qui il partage nombre de caractéristiques, comme un museau arrondi, des cornes au-dessus des yeux ou des plaques osseuses le long du cou appelées ostéodermes. La classification de Indoraptor est quant à elle plus incertaine : il est plus proche des oiseaux que ne l’est Inodminus rex, mais sa position au sein du groupe reste floue. Ce qui est sûr, c’est qu’en étant le seul théropode quadrupède, Indoraptor, s’il n’avait pas été qu’une fiction, aurait fait le malheur de ses proies… mais le bonheur des paléontologues.
Par Evrard-Ouicem Eljaouhari