Les larmes de Johannes Boe : "J'ai senti que les choses n'étaient ...
L'exercice n'a pas été simple pour Johannes Thingnes Boe. L'émotion difficile à contenir. "C'est dur", a-t-il soufflé plus d'une fois. A plusieurs reprises, lors de la conférence de presse qu'il a tenue samedi midi à Ruhpolding, le Norvégien a pleuré. Quelques minutes après avoir annoncé sur ses réseaux sociaux qu'il mettrait un terme à sa carrière à l'issue de cette saison 2024-2025, l'homme aux 88 victoires s'est expliqué devant les médias. A bientôt 32 ans, l'envie n'était plus la même.
"Nous approchons de la fin d'un rêve, a-t-il évoqué pour commencer. Un rêve qui est devenu une étincelle lorsque Tarjei (son frère ainé, NDLR) est devenu champion du monde junior en 2006. J'avais 13 ans et j'allais ensuite réaliser la même chose." Il a même été quintuple médaillé d'or chez les juniors aux Mondiaux, trois fois en solo et deux autres en relais. Puis c'est chez les grands que le cadet des Boe va s'épanouir, jusqu'à devenir l'incontestable et incontournable patron du circuit.
Comme chez tant d'autres avant lui, l'envie a fini par se tarir. "Je n'ai presque plus besoin de m'entraîner pour être numéro un, mais ce n'est pas suffisant pour continuer pendant un an", a-t-il estimé.
Johannes Boe.
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Dans 20 ans, quand mes enfants partiront de la maison, je ne regretterai pas cette année supplémentaire
Ce n'est pas un déclin sportif qui le pousse vers la sortie, puisqu'il est toujours le numéro un mondial, même s'il est apparu moins dominateur que certaines saisons. Mais tout a changé cet hiver. "J'ai senti que les choses n'étaient plus comme avant quand la saison a commencé, a-t-il expliqué. Je n'avais plus le même plaisir à voyager, à faire toutes les sessions d'entraînement nécessaires."
Tout cela ne s'est pourtant pas trop vu sur ses résultats. Même s'il n'avait remporté aucune des trois courses disputées à Kontiolahti lors de la première manche du calendrier, le Scandinave avait ensuite rapidement pris le contrôle de la Coupe du monde avec trois victoires et deux podiums lors des cinq courses suivantes pour s'emparer du dossard jaune. Il avait quitté le Grand-Bornand en leader, avec en plus un immense sourire lorsque Tarjei a gagné la mass start et qu'il l'a accompagné sur le podium.
Tout semblait aller pour le mieux. En apparence. Mais la star du biathlon, elle, s'interrogeait. "Quand je suis rentré à la maison pour Noël, poursuit Boe, j'ai eu le temps de réfléchir. Le plan établi était que je continue jusqu'aux Jeux Olympiques de 2026 et c'était aussi mon envie, mais dès que j'ai entrouvert la porte, même un tout petit peu, que cette saison pourrait être la dernière, j'ai immédiatement été convaincu que c'était la décision à prendre. Je me suis dit 'Bien sûr, c'est ça'."
Quand il est revenu à Oberhof la semaine dernière, sa décision était donc déjà prise. Dans sa tête, quelque chose avait lâché. En Allemagne, que ce soit à Oberhof ou Ruhpolding, il a donné l'impression d'être là sans être là, jusqu'à cet épisode improbable de l'individuel, jeudi. Alors cette fois il a décidé qu'il était temps de faire savoir à tout le monde qu'il allait raccrocher. Sans regrets. "Dans 20 ans, quand mes enfants partiront de la maison, je ne regretterai pas cette année supplémentaire", dit-il.
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L'adieu à Oslo sera spécial
Jusqu'à ce samedi, il avait également tenu ses coéquipiers et le staff norvégien dans le secret. "Le biathlon est comme une roue qui tourne en permanence, donc ce n'est pas toujours évident de trouver le moment de se poser pour parler de ces choses-là, souligne le quintuple champion olympique. Puis quand on commence à en parler à quelqu'un, l'information se répand vite, donc j'ai compris qu'il fallait que je contrôle la situation et que je l'annonce vite. Les entraîneurs et mes coéquipiers l'ont appris ce matin (samedi)."
Avant de le dire au reste du monde, il a réuni toute l'équipe norvégienne pour faire part de sa décision. "C'était une réunion sympa et je crois que tout le monde a compris ma décision", dit encore Johannes Boe. "Le biathlon norvégien et international perd au fil des années l’un de nos athlètes les plus légendaires. L'équipe et la communauté ont énormément apprécié Johannes en tant que coéquipier et leader", a réagi Morten Djupvik, le secrétaire général de la fédération norvégienne.
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"Johannes a dit à tous les athlètes et aux membres de l'équipe qu'il voulait nous parler. Il nous l'a annoncé. J'étais complètement choqué", a raconté l'entraîneur de l'équipe norvégienne Siegfried Mazet. "Je lui ai dit que ce n'étaient que des bonnes raisons. Pour moi c'est la fin d'une magnifique histoire", a poursuivi le technicien français, très ému.
Johannes Boe quittera donc la scène le 23 mars prochain et l'ambiance promet d'être particulière, à la fois chaude et triste, chez lui, à Oslo. Pour l'adieu au roi. D'ici là, il lui reste 14 courses pour parfaire son palmarès, chasser un record mythique, celui du nombre de victoires de Ole Einar Bjoerndalen, conquérir un sixième gros globe. Et surtout retrouver l'envie et le plaisir, maintenant qu'il est libéré du poids de sa décision et de l'annonce de celle-ci.