Mort de la cantatrice belge Jodie Devos à l'âge de 35 ans
Elle enchantait nos scènes lyriques depuis dix ans à peine, et l’avenir lui promettait une carrière de premier plan : la soprano belge Jodie Devos est décédée le dimanche 16 juin à Paris des suites d’un cancer du sein foudroyant. Elle avait 35 ans. Joli minois et regard à la fois tendre et malicieux, la radieuse jeune femme possédait un timbre clair et brillant, une virtuosité impressionnante et un tempérament généreux. Elle aurait dû chanter le rôle d’Aminta au Théâtre des Champs-Elysées dans L’Olimpiade, de Vivaldi, sous la direction de Jean-Christophe Spinosi, engagement qu’elle avait été contrainte d’annuler.
On se souvient d’un exceptionnel concert du 23 juin 2022 au Festival de Saint-Denis : Jodie Devos remplaçait au pied levé sa compatriote Sophie Karthäuser, souffrante, dans Les Illuminations, de Britten, portant avec audace la vision rimbaldienne sous la direction d’Alexander Bloch à la tête de l’Orchestre national de Lille. Beauté prosodique, musicalité frémissante, rage et mordant, la jeune femme se jouait de la forme de sadisme qui anime cette musique tour à tour caressante et punitive, maniant avec maestria, à l’instar du poète, l’injure et l’extase.
Née le 10 octobre 1988 à Libramont en Wallonie (Belgique), Jodie Devos a commencé à chanter dans des chorales à l’âge de 5 ans. Formée à la danse, la petite fille apprend le piano à l’âge de 11 ans, avant de découvrir, à l’adolescence, l’art lyrique. Elle étudie d’abord au conservatoire de Ciney, puis à l’Institut royal supérieur de musique et de pédagogie de Namur, enfin chez Lillian Watson à la Royal Academy de Londres où elle obtient un master of art en 2013. La chanteuse est révélée au grand public l’année suivante après avoir remporté le deuxième prix et le prix Musiq3 du public au prestigieux Concours Reine Elisabeth de Belgique 2014. Elle intègre alors l’Académie de l’Opéra-Comique, à Paris, où elle se produit dans La Chauve-Souris, de Johann Strauss, Les Mousquetaires au couvent, de Louis Varney.
Reine de la Nuit à Bastille
Sa première Lakmé, de Leo Delibes, à l’Opéra de Tours en janvier 2017 la place d’emblée dans le sillage de son aînée Natalie Dessay avec laquelle elle partage le goût du théâtre, et 2019 voit sa première Reine de la Nuit en version scénique à l’Opéra-Bastille, où elle a déjà interprété le rôle d’Yniold dans Pelléas et Mélisande, de Debussy. Elle est également des fameuses Indes galantes, de Rameau, mis en scène en version hip-hop par Clément Cogitore en octobre, sept mois après avoir incarné Blonde dans L’Enlèvement au sérail, de Mozart, à l’Opéra de Monte-Carlo. En juillet de cette même année, elle participe au 150e anniversaire des Chorégies d’Orange, où elle incarne le jeune fils du héros dans le rare Guillaume Tell, de Rossini, mis en scène par Jean-Louis Grinda.
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