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Jean-Louis Trintignant et son triomphe tardif au théâtre

JeanLouis Trintignant et son triomphe tardif au théâtre
En dépit de sa voix de velours et de sa présence unique, le comédien, mort vendredi à 91 ans, n’aura réussi son grand rendez-vous avec la scène qu’au soir de sa vie, avec la forme des récitals.
Avec sa fille, Marie Trintignant, au Théâtre de l’Atelier, en 1999Avec sa fille, Marie Trintignant, au Théâtre de l’Atelier, en 1999
Avec sa fille, Marie Trintignant, au Théâtre de l’Atelier, en 1999 VICTOR/ARTCOMPRESS/LEEMAGE

Il commence comme un enfant resté seul : « J’entends mon cœur qui bat, c’est maman qui m’appelle. » Jean-Louis Trintignant sait qu’il n’en a plus pour longtemps quand il choisit de dire ces mots de Jules Laforgue (1860-1887), le 28 janvier 2018, à Radio France. Ce soir-là, l’acteur fait un enregistrement public, dont le CD (paru en juin 2018) restera comme son testament. Daniel Mille est à l’accordéon, Grégoire Korniluk au violoncelle, Diego Imbert à la contrebasse, ils jouent des musiques d’Astor Piazzolla, et Jean-Louis Trintignant les écoute comme il écoute battre son cœur au rythme des poètes libertaires qu’il aime, Boris Vian, Robert Desnos, Guillaume Apollinaire…

D’Aujourd’hui je me suis promené, de Robert Desnos, à Je voudrais pas crever, de Boris Vian, en passant par Mon ptit Lou adoré, de Guillaume Apollinaire, et Cher frère blanc, de Léopold Sédar Senghor, c’est un cœur vivant, à gauche, amoureux et revenu de tout qui nous parle, de cette voix magnifique dont le temps n’a pas altéré l’élégante mélancolie. Une voix qui se souvient, qui va et vient entre hier et aujourd’hui, dans l’instant frémissant du très grand âge. Chaque jour, Jean-Louis Trintignant disait qu’il allait mourir et, chaque jour, il semblait trouver une lueur de bonheur, comme dans celle de faire connaître un poème de son petit-fils Paul Cluzet, Je dors à l’ouest, que l’on entend dans l’ultime CD.

S’oublier en s’exposant

L’acteur vivait la vieillesse comme une expérience contemplative, et il aimait s’oublier en s’exposant devant des spectateurs, au théâtre, à qui il disait « merci d’être venus », comme s’il s’excusait d’être là pour dire ses poèmes préférés. Il y aurait eu une coquetterie dans cette attitude si Jean-Louis Trintignant n’avait pas tout connu, et s’il ne lui était pas resté un fond de la timidité qui le tétanisait quand il apprenait le métier, dans sa jeunesse.

C’était à Paris, dans l’immédiat après-guerre. Et c’était arrivé d’une manière banale : un jeune homme suit mollement des cours de droit, en province. Un comédien passe dans la ville, il va le voir. Et lâche le droit, parce qu’il a compris que sa voie était sur scène. Ainsi fit Jean-Louis Trintignant, à Aix-en-Provence, après que Charles Dullin (1885-1949) y eut joué L’Avare. Il monta dans la capitale, apprit, se trouva mauvais. Mais il avait une présence que les metteurs en scène ont aussitôt repérée. Dès 1950, Jean-Louis Trintignant s’aguerrit dans les petites salles de la rive gauche où s’invente le théâtre d’art. Il est encore « un débutant » quand Le Monde le remarque dans une pièce de Robert Hossein, Responsabilité limitée, en 1954.

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