Covid-19: des règles d’isolement plus économiques que sanitaires
DÉCRYPTAGE - Dès ce lundi, de nouvelles mesures, moins contraignantes, sont imposées aux personnes positives et à leurs contacts. De quoi éviter la paralysie du pays alors que les compteurs épidémiologiques s’affolent.
Sept jours d’isolement si l’on est complètement vacciné, dix dans le cas contraire, et la possibilité de rompre sa quarantaine si, à respectivement J-5 ou J-7, on dispose d’un test négatif et que l’on n’a pas de symptômes depuis 48 heures: comme promis par le premier ministre lundi dernier, les règles d’isolement des personnes positives au Sars-CoV-2 sont, à partir de ce lundi, allégées et harmonisées quel que soit le variant dont on est atteint, a annoncé le ministère de la Santé, dimanche.
Quant aux cas contacts, ils devront s’isoler 7 jours s’ils sont non ou incomplètement vaccinés, les vaccinés restant libres de leurs mouvements, à condition de faire des tests à J-0 (PCR ou antigénique réalisé par un professionnel de santé), J-2 et J-4 (autotest, dont le ministre Olivier Véran promet dans le Journal du dimanche qu’ils seront délivrés gratuitement en pharmacie… Sans préciser comment elles pourront se les procurer alors que les pénuries ont émaillé les fêtes de fin d’année). «Les règles de quarantaine pour les cas contacts sont les mêmes que l’on soit cas contact d’une personne positive qui vit dans le même foyer ou non», précisait par ailleurs dimanche la Direction générale de la santé. Plongeant au passage le public dans des abîmes de perplexité: l’isolement absolu des personnes dont on partage le foyer est rarement possible, en particulier si le malade est un enfant. Comment alors dater le dernier contact pour calculer J- 0, J- 2 et J- 4?
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La France ne fait pas figure d’exception en prenant ces nouvelles mesures: l’Espagne et l’Argentine ont fait passer la quarantaine de 10 à 7 jours pour les personnes positives complètement vaccinées, et à 5 jours pour les cas contacts vaccinés ne présentant pas de symptômes. Aux États-Unis, la durée d’isolement est passée de 10 à 5 jours pour les personnes positives sans symptômes, et de 14 à 5 jours pour les cas contacts non vaccinés. Le Portugal a réduit de 10 à 7 jours la période d’isolement imposée aux positifs sans symptômes, ainsi qu’à leurs cas contacts… Des allégements qui ne sont pas dénués de sens sur le plan purement sanitaire, mais dont la raison d’être est au moins aussi économique et sociale.
Omicron est trop contagieux pour être totalement stoppé, sauf à revenir à un confinement absolu
Olivier Véran
Sur le plan sanitaire, il semble que le variant Omicron, qui prend l’ascendant en Europe, est associé à une période de contagiosité moins longue que les autres variants. C’est ce qu’a indiqué la ministre de la Santé espagnole, Carolina Darias, lors de son annonce de la réduction de l’isolement, évoquant «une période d’incubation (délai entre la contamination et l’apparition des premiers symptômes, NDLR) inférieure».
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«95% des contaminations ont lieu dans une fenêtre de 5 jours (2 jours avant les symptômes et 3 après, ou 5 jours après la première PCR positive pour les asymptomatiques), confirme le P Antoine Flahault, épidémiologiste et directeur de l’Institut de santé globale à l’université de Genève. Et des études ont montré que la durée d’incubation était un peu plus courte avec Omicron qu’avec la souche originelle (en moyenne 3 jours au lieu de 5). Mais il est difficile d’en tirer une conclusion sur la durée de contagiosité du nouveau variant.» De fait, l’Agence américaine de santé publique (CDC) précise bien qu’au-delà des 5 jours d’isolement obligatoire, il faut ensuite porter un masque pendant 5 autres jours pour «minimiser le risque d’infecter d’autres personnes».
«Trop contagieux pour être totalement stoppé»Mais d’autres raisons ont présidé à la décision du gouvernement d’alléger les règles: Olivier Véran l’avoue sans ambages dans le Journal du dimanche, «si tout le monde est à l’isolement, le pays est à l’arrêt, ce qui est dommageable, y compris pour la santé des Français.» De toute façon, le ministre l’assure: «Omicron est trop contagieux pour être totalement stoppé, sauf à revenir à un confinement absolu.»Jean Castex avait déjà admis lundi dernier qu’il s’agissait d’éviter une «paralysie des services publics et privés».
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«En raison de l’extrême contagiosité du variant Omicron, le bénéfice sur la propagation du virus des quarantaines pour les personnes contacts pourrait être contrebalancé par le risque d’une paralysie de pans entiers de la société», estime Antoine Flahault, qui, s’il ne s’exprime pas sur le raccourcissement de l’isolement des cas positifs, juge raisonnable de relâcher la pression sur les cas contacts. Car la menace est bien réelle, au vu des chiffres vertigineux du nombre de nouveaux cas, quotidiennement supérieurs à 200.000 depuis maintenant plusieurs jours.
Samedi soir, Santé publique France indiquait recenser près de 220.000 nouveaux cas dans les dernières 24 heures. Or, selon les anciennes règles d’isolement, même les personnes vaccinées devaient s’isoler si elles étaient contact d’un cas Omicron ou suspecté de l’être. Dans l’hypothèse où chacun des 220.000 nouveaux cas quotidiens ait eu environ 5 contacts, cela ferait 1,1 million de personnes supplémentaires devant s’isoler pour 7 jours, alors que beaucoup ne seraient pas malades. Au bout d’une semaine, on en serait à 7,7 millions de cas contact isolés (chiffre a minima, car supposant que le nombre de nouveaux cas positifs reste stable). La santé, les transports, l’énergie, la distribution alimentaire, l’éducation, la communication… Beaucoup de secteurs essentiels pourraient en pâtir dans les prochaines semaines. D’autant que les 20-60 ans, donc la population active, forme le gros des troupes des nouveaux cas.