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Ingrid Betancourt, la politique au cœur

Ingrid Betancourt la politique au cœur
FOCUS - Vingt ans après son enlèvement en pleine campagne électorale par la guérilla FARC, l'ex-otage de 59 ans vise à nouveau la présidentielle en Colombie.

FOCUS - Vingt ans après son enlèvement en pleine campagne électorale par la guérilla FARC, l'ex-otage de 59 ans vise à nouveau la présidentielle en Colombie.

La rage au cœur. Il y a vingt ans, alors sénatrice, Ingrid Betancourt publiait sous ce titre le récit d'un parcours politique semé d'embûches. «Vous savez combien les cartels de la drogue sont puissants chez nous», déclarait la Franco-colombienne dans l'ouvrage rédigé en français, adressé à son pays d'adoption. «Vous entendez parfois parler des tueries et des scandales politiques qu'ils provoquent. Mais derrière ces organisations mafieuses, il y a un peuple courageux et fier qui veut sortir de cet engrenage infernal». La même année, elle se portait candidate à la présidentielle en Colombie avec un programme inédit, centré sur la lutte anticorruption et de l'écologie. Une ambition réduite à néant lorsque, quelques semaines plus tard, elle est prise en otage par la guérilla FARC.

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Six années de captivité au cœur de la jungle amazonienne lui feront prendre, après sa libération, une retraite forcée de la vie politique. Vingt ans plus tard, la voici de retour. Au sein de la coalition centriste, elle a annoncé ce 18 janvier son intention de participer aux primaires centristes. En ligne de mire, la présidentielle, prévue au printemps 2022. «Je vais travailler sans relâche à partir de maintenant, du lever au coucher du soleil, pour être votre présidente», a-t-elle déclaré devant la presse colombienne.

Contre la corruption, envers et contre tous

Ce retour en politique était-il prévisible? À plusieurs reprises, Ingrid Betancourt l'avait évoqué à demi-mots. Dès 2014, elle se disait de nouveau «prête» à se jeter dans l'«arène politique». «Je ne reviendrai cependant certainement pas si j'ai le sentiment de me faire instrumentaliser par le système politique».

Il faut dire que, chez les Betancourt, la politique est inscrite dans les gènes. Yolanda Pulecio, la mère, est députée, sénatrice puis ambassadrice. Gabriel Betancourt, lui, est ministre de l'Éducation, avant d'être nommé sous-directeur général de l'Unesco, puis ambassadeur de Colombie en France. C'est donc à Paris qu'Ingrid passe une grande partie de son enfance. Elle y intégrera le parcours de relations internationales à Sciences Po. Rue Saint-Guillaume, elle rencontre celui qui deviendra son mari, Fabrice Delloye. Ils ont ensemble deux enfants, Mélanie et Lorenzo.

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Un événement va déclencher son retour dans son pays natal. L'assassinat en pleine course à la présidentielle du candidat anticorruption Luis Carlos Galan, en 1989. Le «dernier homme politique intègre de Colombie» dira la mère d'Ingrid, très investie dans sa campagne. Le pays entier est alors miné par une violente guerre civile. Les guérillas, des Forces armées révolutionnaires colombiennes (Farc) à l'Armée de libération nationale (ELN), mènent depuis près de quarante ans une lutte sans merci contre l'État et contrôlent les cartels de drogue. Bogota est devenu un véritable Beyrouth pour ses assassinats en pleine rue et les attentats, commis par les «narcos». Une grande partie de la classe politique est vendue à la mafia.

Après un court passage aux ministères des Finances et du Commerce extérieur, Ingrid obtient en 1994 l'investiture du Parti libéral aux législatives. Elle impose très vite sa marque, mise sur une campagne disruptive. En guise de symboles, elle brandit et distribue des préservatifs, ses armes pour «protéger la Colombie de la corruption». Un succès. Elle est brillamment élue à la Chambre des représentants.

Ingrid n’a pas peur. Dans l'hémicycle, face aux médias, elle dénonce haut et fort la «corruption de la classe dirigeante», jusqu'au président lui-même, Ernesto Samper, accusé d'avoir financé sa campagne par le soutien des barons du cartel de Cali. L'affaire est colossale: une centaine de députés et plus de la moitié des sénateurs sont mis en cause. L'enquête est ponctuée d'assassinats, qu'Ingrid, en direct à la télévision nationale, impute au chef de l'État lui-même. Pour protester contre les conclusions d'une commission d'enquête qui absolvent le chef de l'État, elle mène une grève de la faim.

Écœurée de la corruption intrinsèque du Parti libéral, elle en claque la porte, et fonde, avec l'aide de son second mari, le publicitaire Juan Carlos Lecompte, son propre parti: Oxigeno Verde, affilié aux Verts européens. Sous ces couleurs, portée par ses succès médiatiques, elle est confortablement élue au Sénat en 1998. Mais son combat a un coût. La famille Betancourt se déplace sous protection constante de gardes du corps, en voiture blindée. Par deux fois, la députée échappe à une tentative d'assassinat. Face aux menaces de mort, ses enfants sont envoyés en France.

Six ans aux mains des FARC

Le 23 février 2002, Ingrid est candidate à la présidentielle. Malgré les mises en garde de son entourage, elle embarque en voiture, direction San Vicente del Caguán, à 300km au sud de Bogota, zone au cœur de l'ex-empire démilitarisé des FARC. Sur le chemin, une embuscade l'attend. En quelques minutes, Ingrid Betancourt et sa directrice de campagne Clara Rojas sont prises en otages par les guérilleros. La séquestration durera 6 ans.

Libérée en 2008 par une opération éclair de l'armée colombienne, elle se réfugie en France, où son ami Dominique de Villepin, alors ministre des Affaires étrangères, avait fait de sa libération une affaire d'État. Elle s'éclipse alors. Entre Londres, Paris et Bogota, sa communication est verrouillée, limitée à quelques interviews. Dans un nouvel ouvrage, Même le silence a une fin (2010), elle raconte les années de détention, les multiples tentatives de fuite, son regain pour sa foi, renouvelée par la longue captivité.

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Vingt ans après, la désormais candidate a pardonné à ses geôliers. «Je suis ici pour terminer ce que j'ai commencé avec beaucoup d'entre vous en 2002. Avec la conviction que la Colombie est désormais prête à changer de cap», clame la candidate. Outre l'écologie, son combat sera cette fois celui de la place des femmes, mais aussi de la réparation pour les victimes de la guerre civile. «Nous avons parfois pris l'habitude de penser que demander justice est abusif (...). Je suis venue aujourd'hui pour demander que chaque fils, chaque fille, chaque père, chaque mère soit indemnisé, indemnisé et indemnisé», martèle-t-elle.

Quel sera l'accueil des Colombiens à ce retour en politique? Dans la presse colombienne, on parle d'un nouvel espoir pour la coalition centriste Esperanza en manque de souffle. La popularité à double tranchant de l'ex-otage, tantôt saluée pour son courage, tantôt conspuée pour son comportement jugé impudent, fortement critiquée par ses anciens compagnons de geôle et jusqu'à son ex-mari, fait d'elle un indéniable événement politique.

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