« Il reste encore demain », de Paola Cortellesi : le chemin d'une ...
Un film capable de réunir plus de cinq millions de spectateurs et d’engranger plus de 32 millions d’euros de recettes : il y a longtemps que l’Italie – touchée, depuis 2019, par une baisse de fréquentation des salles de presque 50 % – n’avait pas connu un tel phénomène. Sorti dans la Péninsule en octobre 2023, le premier long-métrage de Paola Cortellesi, Il reste encore demain, a agi comme une lame de fond, battant à plate couture Barbie, de Greta Gerwig, et Oppenheimer, de Christopher Nolan. Réalisé en noir et blanc et au format carré, le film ne présente, en apparence, rien de révolutionnaire. Pas plus que l’histoire racontée, simple comme une chronique familiale et vieille comme l’Italie patriarcale.
Seulement, il arrive qu’un film, comme une chanson, tombe au bon moment et cristallise les préoccupations ou les tourments d’une société. C’est le cas ici. Il reste encore demain est sorti depuis un mois quand un fait divers tragique se produit en Italie : le féminicide d’une étudiante de 22 ans, Giulia Cecchettin, tuée par son ancien compagnon. L’émotion que suscite ce crime dans tout le pays, la couverture médiatique qui en est faite, la prise de parole de la sœur de la victime dénonçant publiquement les causes structurelles des violences faites aux femmes et les débats qui en résultent contribuent à gonfler le succès du film, dont le sujet entre alors en résonance avec l’actualité.
Il serait cependant réducteur, et fort injuste, d’attribuer à ce seul télescopage le triomphe du film. Humoriste à ses débuts, présentatrice à la télévision italienne, chanteuse, puis actrice au cinéma et au théâtre, Paola Cortellesi, 50 ans, signe un long-métrage marqué par ces diverses activités. Le jeu, la comédie, la variété, l’imitation (de genre), tout y est en effet rassemblé, concentré, dans un drame néoréaliste que l’on pourrait qualifier de pure tradition si n’y était associée cette fantaisie effrontée qui en fait tout le sel. Une fantaisie exprimée aussi bien dans la mise en scène que dans l’interprétation, en particulier celle que livre – tout en dentelle et de façon irrésistible – la réalisatrice dans le rôle principal.
Sur le fil d’une tragi-comédie
Au moment où se situe le film, en 1946, l’euphorie ne s’est pas entièrement déversée sur l’Italie. Les blessures laissées par la seconde guerre mondiale restent vives, la misère persiste, les denrées manquent. Dans le quartier populaire du Testaccio, à Rome, Delia (Paola Cortellesi) et son mari, Ivano (Valerio Mastandrea), parents de deux gamins ingérables et d’une fille en âge de se marier, ne s’en tirent ni mieux ni moins bien que les autres. Lui rentre chaque jour du travail, harassé et de mauvais poil. Elle, en plus de s’occuper des tâches ménagères, des enfants et de son beau-père malade, cumule les petits boulots, histoire d’améliorer un peu les fins de mois.
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