« Barbès, Little Algérie » d'Hassan Guerrar : un film de résistances
En 1996, l’église Saint-Bernard faisait la une de l’actualité. D’errances en expulsions, des sans-papiers s’étaient réfugiés dans l’édifice religieux, entamant une grève de la faim pour leur régularisation, avant d’en être chassé malgré un soutien populaire et celui de personnalités comme Stéphane Hessel, Ariane Mnouchkine ou Emmanuelle Béart.
Pied de nez à l’histoire, elle est aujourd’hui l’un des points d’ancrage du récit de Barbès, Little Algérie, premier film intimiste d’Hassan Guerrar et ode à la solidarité des habitants d’un quartier populaire du nord de Paris coincé entre Montmartre, Pigalle et la gare du Nord.
D’emblée, l’image découvre les pas assurés de Malek, incarné par Sofiane Zermani, acteur qui en impose et joue ici, tout en retenue, un quadragénaire célibataire. Récemment installé à Barbès, cet informaticien cherche ses marques et des commerces de proximité.
Résistance aux violences policières
Très vite, sa méfiance initiale se mue en curiosité. Il rencontre Préfecture, artiste facilitateur et truand à la petite semaine, capable de démêler des imbroglios administratifs ou de fournir des faux papiers en un temps record. Comme d’autres Algériens du quartier, il adopte comme QG un café où règne Hadria, matriarche respectée qui calme l’impulsivité des habitués. Il fait aussi la connaissance d’Eya, sa voisine, originaire d’Afrique subsaharienne, mère célibataire active.
Il s’engage surtout comme bénévole dans une association locale d’entraide pour distribuer aux plus démunis des colis alimentaires à l’église Saint-Bernard. Se greffe aussi à cet univers Riyad, son jeune neveu algérien, venu faire des études à Paris.
En surface, Barbès se révèle souvent pour les béotiens comme le lieu de petits trafics, de revente de cigarettes de contrebande et de déshérence pour des mineurs non accompagnés livrés à eux-mêmes. Sans perdre de vue ce côté obscur, le lieu devient plutôt un îlot de résistance sous l’objectif d’Hassan Guerrar.
Résistance au dénuement avec Solidarités Saint-Bernard, une association qui a véritablement pignon sur rue. Résistance aux violences policières avec les interventions musclées des forces de l’ordre. Résistance aux injonctions qui voudraient confiner les individus dans des cases identitaires ou sociales. Résistance à la mort qui frappe les proches par un appétit démesuré de vie.
Et si ce très joli long métrage s’avère très parisien, c’est plutôt du côté des très new-yorkais Smoke et Brooklyn Boogie du duo Wayne Wang et Paul Auster qu’il faut chercher les ressemblances avec ses personnages singuliers et attachants. Dans le milieu du 7e art, Hassan Guerrar est connu comme le loup blanc.
Attaché de presse depuis une trentaine d’années, il a accompagné la Vie d’Adèle ou Indigènes, qui l’a vu abandonner François, son prénom d’emprunt, pour endosser à nouveau l’original, Hassan. Avec Barbès, Little Algérie, il signe un processus similaire de retour aux origines et à sa double identité avec un film sensible, impulsif, roublard et généreux. En somme une œuvre qui lui ressemble. 100 % algérienne et 100 % française.
Barbes, Little Algérie, d’Hassan Guerrar, 1 h 33, France
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