Le prix Nobel de littérature attribué à la Sud-Coréenne Han Kang
Le prix Nobel de littérature a été attribué hier à la romancière sud-coréenne Han Kang, 53 ans, « pour sa prose poétique intense qui affronte les traumatismes historiques et expose la fragilité de la vie humaine ». Elle succède ainsi au dramaturge norvégien Jon Fosse. C’est la première fois que la récompense suprême échoit à la Corée du Sud. Han Kang est par ailleurs la dix-huitième femme, sur les 116 prix Nobel de littérature, à obtenir cette distinction.
Née en 1970 à Gwangju, elle a grandi à Séoul au milieu des livres. « Ils étaient pour moi, dit-elle, des êtres demi-vivants. » Son père, Han Seung-won, est un écrivain de renom. Han Kang étudie la littérature à l’université Yonsei. Elle débute « sa carrière avec la publication de poèmes dans le magazine Littérature et société », rappelle le comité Nobel, qui ajoute : « Elle a fait ses premiers pas en prose en 1995 avec un recueil de nouvelles, suivi rapidement de plusieurs autres œuvres en prose, des romans comme des nouvelles. »
Tout en écrivant, Han Kang se consacre à l’art et à la musique. « Par son style poétique et expérimental, elle est considérée comme novatrice dans le domaine de la prose contemporaine », ajoute encore le comité qui poursuit : « Elle une conscience unique des liens entre le corps et l’âme. »
Une œuvre qui s’attache à explorer l’angoisse historique de la Corée du Sud
Son roman la Végétarienne (2007, paru en français au Serpent à plumes en 2015) lui a valu le prestigieux Man Booker Prize et la révèle au plan international. Écrit sous la forme d’un triptyque, ce livre d’un lyrisme déchirant met en scène une jeune femme, Yeong-hye, qui refuse catégoriquement de manger de la viande afin de « devenir une plante et se sauver du côté obscur de l’être humain », causant un rejet brutal de la part de ses proches et de la société.
Ce récit a été adapté au cinéma. En 2011, Leçons de grec (le Serpent à plumes, 2017) brossait le portrait d’une jeune femme devenue mutique à la suite d’une série de traumatismes, pendant que son professeur de grec perdait la vue.
Han Kang s’attache, par prédilection, à l’angoisse historique de la Corée du Sud. Ses livres, en effet, ont souvent pour toile de fond les circonstances politiques contemporaines de son pays, notamment la période dictatoriale qu’il a traversée.
Retour sur les périodes sombres de l’histoire sud coréenne
Dans Celui qui revient (2014 ; 2016 au Serpent à plumes), elle fait retour sur l’assassinat par l’armée, en 1980, de centaines d’étudiants et de civils dans la ville de Gwangju, lieu de sa naissance.
Dans Impossibles adieux (Grasset), prix Médicis étranger en 2016, elle traite d’un épisode sanglant demeuré tabou en Corée du Sud : le massacre survenu sur l’île de Jeju, entre la fin 1948 et le début de 1949, à la suite du soulèvement populaire organisé par le Parti du travail, proche des communistes.
Plus de 30 000 civils furent alors tués par la police et l’armée. Des centaines de villages ont été détruits. Ce livre est un récit puissant et audacieux qui mêle à un réalisme nourri de témoignages des envolées proprement oniriques. Outre le Serpent à plumes et Grasset, Zulma compte aussi parmi les éditeurs de Han Kang en France.
Ce prix Nobel de littérature, finalement inattendu, a le mérite de mettre en lumière une artiste qui n’hésite pas à explorer les contradictions politiques de son pays.
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