L'humoriste Guillaume Meurice "a envie de finir sur le bûcher ...
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L'éditorialiste de l'émission Quotidien, sur TMC, revient dans une interview à Midi Libre sur l'affaire Guillaume Meurice (l'humoriste de France Inter risque un licenciement après sa blague sur le Premier ministre israélien, "un nazi sans prépuce". Jean-Michel Aphatie évoque aussi sa passe d'armes avec l'animateur de C8 Cyril Hanouna, "livré à lui-même", selon lui.
Qu’est-ce que le licenciement programmé de l’humoriste Guillaume Meurice par France Inter vous inspire ?
Honnêtement je suis un peu partagé. Tout le monde commente ça. Est-ce que ça représente quelque chose de la société, l’histoire Meurice ? Je ne suis pas sûr. Dans un premier temps il fait de l’humour. Et puis il refait la blague. Peut-être qu’il avait envie d’être sanctionné. C’est dans le bain de Radio France tout ça. D’une certaine manière, je crois que ça n’intéresse qu’eux. J’ai tendance à m’en foutre un peu.
La directrice Adèle Van Reeth avait dit qu’on ne licencie pas un humoriste pour une blague, et c’est ce que la direction s’apprête à faire. Vous pensez que Meurice voulait se faire licencier ?
Je pense qu’il savait où il mettait les pieds la deuxième fois, oui. Je ne trouve pas qu’elle ait un enseignement pour nous, cette histoire. Je pense pas que la liberté d’expression soit menacée. Il a envie de finir sur le bûcher. Et il finit sur le bûcher, voilà.
Est-ce que ça ne dit pas quelque chose d’une tentative de mainmise politique, dans un grand ensemble qui s’appellerait alors fusion de l’audiovisuel public ?
Là c’est autre chose. Ça nous apprend le dogmatisme de la politique. La radio publique se porte mieux qu’elle ne s’est jamais portée depuis trente ans et l’audiovisuel public se porte aussi bien avec des productions de qualité. Si on veut fusionner des entreprises qui ont un certain succès, on prend le risque de déséquilibrer, de perturber.
Pourquoi on prend ce risque ? Il n’y a aucune étude sérieuse qui nous l’explique, aucune étude d’impact de la fusion de ces sociétés, aucun rapport parlementaire fouillé. Le pouvoir politique dit "Il faut le faire parce qu’on sera plus efficace". De quel point de vue ? La création sera meilleure ? Les radios et les télévisions auront plus d’auditeurs et de téléspectateurs ?
Existe-t-il une étude d’impact sérieuse qui confronterait les facteurs positifs et négatifs d’une réunion en une seule de toutes les entreprises de l’audiovisuel public ? Et comment évoquer d’éventuels aspects bénéfiques ? En qualité de créations artistiques ? En nombre de… https://t.co/AnRWTQOTiF
— jean-michel aphatie (@jmaphatie) May 24, 2024
La seule chose qu’est capable de dire Rachida Dati (la ministre de la Culture, NDLR), c’est "Ouh la la, il y a Netflix, il faut qu’on se regroupe". C’est pas un argument ! Oui, il y a Netflix, les plateformes bouleversent le paysage audiovisuel, elles concernent davantage les télévisions traditionnelles que la radio, tout ça n’est pas cohérent. C’est du dogmatisme pur. Et typique d’une gouvernance qui n’est pas bonne.
Encore une fois, la radio publique cartonne comme elle n’a jamais cartonné. Elle a une identité, un savoir-faire. Il y a des pépites à l’intérieur de la radio publique. Pourquoi on va noyer tout ça dans un ensemble plus vaste ?
Vous parlez des pépites. On parlait de Meurice et de la liberté de ton. Certains à France Inter vont peut-être y aller avec le frein à main désormais…
Je ne pense pas du tout que les humoristes de France Inter iront avec le frein à main, que ça altère la liberté d’expression. Je pense que c’est un épiphénomène. Je crois que Meurice c’est un trait d’humour. On l’aime ou on ne l’aime pas. D’ailleurs, je n’ai pas vu beaucoup de gens qui l’aimaient, mais, un trait d’humour qui intervient à un moment où l’émotion est très forte, autour du 7 octobre, de l’attaque d’Israël par le Hamas.
C’est un trait d’humour qui est mal reçu. La direction de France Inter gère ça avec doigté. Guillaume Meurice est écarté de l’antenne temporairement puis revient et il peut continuer à faire ce qu’il a toujours fait. Après il remet le couvert, c’est un peu son histoire à lui, parce qu’il a envie de finir sur le bûcher. Et il finit sur le bûcher, voilà. En quoi ça brime les autres ? Je ne vois pas de censure.
Quels types de risque il y a-til entre un Etat interventionniste avec le projet de fusion et des chaînes privées entre les mains de grands patrons qui règnent en maîtres ?
On ne peut pas dire que la liberté d’expression soit menacée, pas plus avec la fusion qu’avec les entreprises privées. Il y a une pluralité d’expression aujourd’hui et chacun peut trouver un peu ce dont il a envie sur les ondes ou les télévisions. Les projets d’Europe 1 et de France Inter ne sont pas tout à fait les mêmes. Et le projet de Cnews est particulier. Celui qui a envie d’aller écouter Cnews peut aller l’écouter.
Il y a une autre question, c’est que les médias sont possédés par des gens dont ce n’est pas le métier. Pourquoi veulent-ils faire de l’information ? Pourquoi Saadé achète-t-il tout ce qu’il achète aujourd’hui ? Pourquoi il achète BFM ? Je ne sais pas trop.
Vous avez une petite idée quand même…
Bolloré, on a compris pourquoi. Il a une vision et un projet de société. Ça fait partie de la liberté d’expression, il a le droit. Saadé, je ne sais pas. A quoi ça lui sert dans ses affaires d’avoir le journal à Marseille, d’avoir BFM ? D’une certaine manière, heureusement qu’il est là, parce que Patrick Drahi a tellement de problèmes avec ses créanciers qu’il allait faire défaut à BFM.
Seul bémol : il n’y a pas de chaîne d’extrême gauche alors qu’il y a une chaîne qui flirte avec l’extrême droite.
C’est parce que l’extrême gauche n’est pas capable de s’organiser en face, pour présenter un projet cohérent à l’Arcom. La France insoumise a lancé en 2017 à grand renfort de publicité Le Média, ça a été un naufrage total. Ils auraient pu développé quelque chose. Le sectarisme, la violence de l’expression, l’absence de professionnalisme fait que tout ça est passé à la trappe très vite. Ils se sont tous engueulés, divisés. Sophia Chirikou n’a pas fait grand-chose pour que la France insoumise ou l’extrême gauche aient un média capable de répercuter leurs idées. Elle a plutôt creusé le caveau dans lequel on a mis un cercueil.
Vous avez beaucoup réagi, parfois surréagi sur X (ex-Twitter), à propos de Cyril Hanouna. Est-ce qu’on se laisse happer par l’émotion dans ces cas-là quand on est insulté, provoqué ?
De @Cyrilhanouna jeudi soir sur @TPMP à mon propos (je n’ai pas tout mis) : « Les mots qui sortent de sa bouche, il ne les contrôle pas. Le mot est déjà parti, il remet son dentier. »Les chroniqueurs rient. Du même (c’est un court extrait) : « Avant, il me lustrait les… https://t.co/AVs8tRQAwm
— jean-michel aphatie (@jmaphatie) April 5, 2024
Je ne sais pas si j’ai surréagi, je ne l’ai pas ressenti comme ça. C’est sans exemple cette espèce de grossièreté. "Lui, il me lustrait les glaouis", a-t-il dit. Mais enfin, comment tu parles ? Ça va pas, non ? C’est n’importe quoi. Je me suis étonné de l’absence de hiérarchie. Si cette vulgarité devient la norme, on va tous en souffrir.
Je veux consigner ici les propos tenus sur moi par @Cyrilhanouna le 4 avril dans l’émission @TPMP, et cautionnés plus tard par @PascalPraud : « Lui, c’est le bébête show, les vieux là. Il ne comprend plus rien, il ne sait plus ce qu’il dit, les mots qui sortent, il ne les… https://t.co/x0KphLcPaB
— jean-michel aphatie (@jmaphatie) April 10, 2024
Il y a eu des suites, une réaction officielle de la chaîne par exemple ?
Non, rien. Que des réactions d’Hanouna : "T’es tendu du string, Jean-Michel !". On n’a rarement vu aussi médiocre. Il a cinquante ans quand même, Cyril Hanouna.
Il est de retour, lui. @Cyrilhanouna est à lui tout seul un modèle de mépris, de violence, d’arrogance. Et toujours sous jacente, une menace diffuse.Etonnant, non ? https://t.co/WoPNdBJH4g
— jean-michel aphatie (@jmaphatie) May 2, 2024
Le bouffon est un peu devenu roi et il se sent pousser des ailes ?
Oui, je pense que c’est un cas intéressant à analyser, Cyril Hanouna. C’est quelqu’un qui est livré à lui-même. Normalement, il y a toujours des cordes de rappel, des régies publicitaires, des patrons de rédaction qui vous disent "Écoute, non, pas comme ça !". Lui, il n’a pas de corde de rappel, il fait ce qu’il veut.
Je l’ai vu l’autre jour interviewer Jordan Bardella. Les questions ne sont pas préparées. Ce sont des questions où les portes sont à peu près aussi larges que les plus grandes cathédrales françaises. Ce sont des questions prononcées sur un ton hésitant. Celui qui les pose ne sait pas vraiment où il va atterrir.
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C’est très rare de voir ça, c’est exceptionnel. Et ça ne produit pas de la bonne télé. C’est flasque. Je ne sais pas comment un directeur d’antenne laisse faire ça et ne dit pas à celui qui anime l’émission et qui a du talent "Travaille un peu plus !".
Que pensez-vous des amendes de l’Arcom, à l’égard de Cyril Hanouna et de Geoffroy Lejeune, ce dernier expliquant que ce qu’il dit est dit partout et qu’il n’y a personne pour s’en offusquer ?
L’une des plus grosses amendes d’Hanouna, c’est les insultes vis à vis de Louis Boyard. Ça rejoint ce que je disais sur le lustrage de glaouis, on ne s’exprime pas comme ça à la télévision, même si 3,5 M€, c’est un peu salé. Quant à Lejeune, il n’a pas tort : Zemmour dit des choses racistes et il n’est pas condamné à la télévision en tout cas ou pas assez et lui quand il le dit il est condamné. Alors il dit "Mince...". Eh oui, Lejeune c’est pas Zemmour. Moi je préférerais que Zemmour ait moins d’accès à la télévision quand il dit des trucs racistes.
Lejeune a appris à ses dépens que le racisme c’est pas une opinion, c’est un délit. Dire que l’immigration arabo-musulmane est responsable de l’antisémitisme, comme il l’a fait, c’est la définition même du racisme. On amalgame tout le monde en fonction de l’origine et on prête à ces personnes que l’on a amalgamées une attitude et un raisonnement. Tous les écossais ne sont pas radins et tous les musulmans ne sont pas antisémites. Il a pris que 50 000 €, c’est pas cher payé.
Vous avez regretté que l’Arcom n’ait pas réagi à l’organisation du débat entre Gabriel Attal et Jordan Bardella…
Ce débat est choquant. Pourquoi mettre une tête de liste et pas les autres et pourquoi faire débattre une tête de liste face à quelqu’un qui ne l’est pas, dans une période électorale.
L’Arcom aurait pu interdire le débat, mais je pense surtout que les chaînes qui l’organisent et les journalistes qui applaudissent et qui sont tous candidats à ce type de débat ne réfléchissent pas beaucoup au fonctionnement de la démocratie, à l’équité, à l’expression du suffrage universel. A ces périodes-là, s’il y a des débats, c’est entre têtes de listes. Et de manière équitable.
Vous avez un sens de la formule, la voix qui claque, au-delà même de l’accent. Comment vous définiriez votre style ?
Je ne peux pas parler de moi, ce serait outrancier. Je fais les choses comme je les sens. J’aime bien la parole. Je n’ai jamais tellement réfléchi à la façon dont je prends la parole. Je la prends, quoi. Avec ma sensibilité et toujours dans ma tête, et de manière forte, le fait que je sois un journaliste et pas un acteur. Je fais une salade qui n’appartient qu’à moi.
Comment vous vous sentez dans cette équipe de jeunes branchés de Quotidien ?
C’est des gens que je connais depuis longtemps, ceux qui dirigent tout ça, qui en sont l’esprit, un peu l’âme. C’est des gens que j’ai croisés au Grand journal (sur Canal +, NDLR), c’est pas une découverte pour moi. Mon état d’esprit quand Laurent Bon m’a demandé de venir à Quotidien, c’était plutôt "Enfin !". J’étais content. C’était plutôt un des lieux où j’avais envie d’être.
Pourquoi ?
Parce qu’on a une vision un peu similaire du journalisme, une manière de regarder la société. J’ai ça en commun avec eux et je ne l’ai pas eu à leur contact, ça préexistait. Intellectuellement, je me sens bien avec l’équipe qui fait Quotidien. J’aime bien cette manière ironique, distanciée, de regarder la politique. J’aime bien les valeurs que véhicule cette émission. Et je trouve que Barthès incarne tout ça avec un vrai talent. C’est une très belle émission. Dans ces moments où le national garde-à-vous l’emporte, j’aime bien être à Quotidien. Je préfère être à Quotidien que dans des émissions national garde-à-vous.
Le côté woke de Quotidien est raillé par certains. Que répondez-vous ?
Je ne suis pas sûr que Quotidien ait un esprit woke. Et moi sur ma bannière Twitter, j’ai mis Journaliste 100 % woke, donc si ça se trouve je le suis plus que l’équipe de Quotidien. Ceux qui raillent, ils ont le droit, mais je préfère être woke que pas woke.