Les différents mondes de Frédéric Mitterrand réunis pour un dernier ...
Familles nobiliaires, représentants politiques, personnalités culturelles et anonymes ont assisté aux obsèques de l’ancien ministre, mardi à Paris.
Pour le dernier hommage à Frédéric Mitterrand mardi après-midi à l'église Saint-Thomas d'Aquin de Paris, tant le public que les proches avaient été conviés. Ce mélange souhaité par l’ancien ministre de la Culture mit la maison Borniol, organisatrice des funérailles, à rude épreuve. Tandis que les anonymes se pressaient pour obtenir une place en fond d’église, il fallait «filtrer» et accueillir les nombreuses relations de cet homme aux mille vies.
De fait, chacun s’annonçait comme «un ami proche», ce qui était sans doute vrai tant Frédéric Mitterrand aimait s’entourer, et était curieux du monde. À 14 h 30, une demi-heure avant le début de la cérémonie, la grande église était déjà pleine, certains devant se contenter de rester debout. Aux premiers rangs, la famille, dont ses frères Olivier et Jean-Gabriel, ses trois enfants Mathieu, Saïd et Jihed, ainsi que sa cousine Mazarine Pingeot, fille de François Mitterrand. Derrière, tout un monde de Culture était assis : son ancien cabinet de la rue de Valois au grand complet, la réalisatrice Danièle Thompson, l’architecte Jean-Michel Wilmotte, l’animateur Stéphane Bern, la journaliste Christine Ockrent, une délégation de l’académie des Beaux-Arts, dont il était membre, ou le chancelier de l’Institut de France Xavier Darcos.
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Politiques et aristocrates
Une brochettes d’anciens ministres de la Culture -Jack Lang, Jacques Toubon, Renaud Donnedieu de Vabres , Franck Riester, Roselyne Bachelot et Rima Abdul Malak - côtoyait la dernière en titre, Rachida Dati, et l’ancien président de la République Nicolas Sarkozy qui avait nommé Frédéric Mitterrand rue de Valois. Peu d’actrices, qu’il affectionnait tant, avaient fait le déplacement, en dehors d’Arielle Domballe. Maria Pia de Savoie, princesse de Bourbon-Parme, Emmanuel-Philibert de Savoie, le prince Laurent de Belgique, Chantal d’Orléans incarnaient ce gotha tant aimé de Frédéric Mitterrand. Devant l’église, des rangées de photographes attendaient, et à l’intérieur, Luc Castel, photographe attitré des peoples et des têtes couronnées, immortalisait la cérémonie.
«Tes blessures, tes chagrins»
Après avoir accueilli le corps, suivi par ses fils portant ses décorations et son épée d’académicien, le curé de la paroisse, Mgr Jérôme Angot, engagea l’assistance à saluer un «acteur de la vie culturelle, politique et sociale de notre pays». S’en suivirent plusieurs hommages, tous différents, tous avec un fond semblable: la personnalité riche et complexe de «Frédéric», faite de curiosité, de sensibilité, de drôlerie et d’intelligence, fut le fil de tous ces témoignages. Les frères parlèrent avec tendresse de cette gouvernante qui le fit tant souffrir enfant, de son amour naissant pour le cinéma à l’âge tendre de 12 ans, et de cette «culpabilité» qui n’était jamais loin chez lui. «Nous vivions tes blessures, tes chagrins, cette tristesse d’être incompris et ce sentiment d’être un has been qui t’était insupportable, dirent ses trois enfants, émus. Nous aurions eu encore tant de choses à te dire!»
Jack Lang, ami fidèle, mit ensuite en exergue «son don d’écriture». L’éditrice aujourd’hui indépendante, Betty Mialet, renchérit. «Il était le seul à envoyer ses manuscrits à la main, et nous devions retranscrire son regard proustien», témoigna celle qui avait publié La Mauvaise Vie en 2005 et était montée au créneau, quatre ans plus tard, pour défendre l’auteur attaqué par le Front national. «Dans ce récit, Frédéric était au plus près de la vérité», dit-elle simplement.
Annoncée, l’impératrice Farah Pahlavi, ancienne épouse du Shah d’Iran, a décliné, mais avait laissé un message vocal plein d’empathie. L’impératrice et Mitterrand vécurent une amitié de 40 ans, autour du Maroc, de la Tunisie, et de l’Académie des Beaux-arts. C’est la chahbanou qui lui remit son épée d’académicien, et Frédéric Mitterrand venait de mettre un point final à une biographie de Farah Pahlavi, illustrée par des archives familiales. Jusqu’au bout, il pressa son éditeur, Alain de Gourcuff, d’achever le livre, qui devrait sortir en mai. Il avait visiblement mille projets en cours, prévoyant d’écrire le discours d’entrée sous la Coupole de la photographe Dominique Issermann, ou un dictionnaire amoureux de l’Albanie. Dans un discours plein de délicatesse, l’ambassadeur d’Albanie, Dritan Tola, son ami, promit de poursuivre cette oeuvre et de nommer la bibliothèque de Tirana «Bibliothèque Frédéric-Mitterrand». «Ton seul regret était que je n’étais pas de la fanfare, dit drôlement l’ambassadeur. Moi, j’aurais du t’écouter davantage et voir plus. Vivre, c’est toujours se croire éternel.»
Les prières furent tour à tour lues par Lorraine de Meaux, Mgr Angot, Alice Mitterrand, nièce de Frédéric. Chacun pouvait les suivre sur un petit livret dans lequel avait été glissé une portrait de Frédéric Mitterrand en gilet bordeaux, pris par Eric Fougere. Le défunt avait par ailleurs demandé à Eric de Rothschild de lire une prière du rite funéraire juif et au secrétaire de Farah Pahlavi, un poème persan de Hafez. Parmi les musiques choisies, des gospels de Liz McComb, l'Ave Maria de Charles Gounod ou encore L'Amitié de Françoise Hardy. Ces choix éclectiques, à l’image des centres d’intérêt du défunt, suscitèrent émotion et larmes dans l’assistance. En fin de cérémonie, on se bouscula pour lui rendre un dernier hommage, dans une cohue presque joyeuse. «C’était cela, Mitterrand», résuma un ancien membre de son cabinet, rue de Valois. Une crémation aura lieu dans les jours qui suivront dans l'intimité familiale.