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Frank Sinatra, passez-moi les standards

Frank Sinatra passezmoi les standards
Sur Arte, un docu retrace la carrière et l’histoire made in USA du crooner et acteur mythique, icône charismatique du cool, pensionnaire des casinos de Vegas et fasciné par la mafia.

Summer of Voices

Sur Arte, un docu retrace la carrière et l’histoire made in USA du crooner et acteur mythique, icône charismatique du cool, pensionnaire des casinos de Vegas et fasciné par la mafia.

«La voix de l’Amérique», «celui qui se confond avec son pays et son temps»… tous les superlatifs entendus dans le documentaire Frank Sinatra, le crooner à la voix de velours, sont vrais bien sûr. Il suffit de l’entendre entonner le lénifiant et édifiant The House I Live in («Qu’est-ce que l’Amérique pour moi ? Un nom, une carte ou un drapeau ? Un certain mot, “démocratie” ?») pour comprendre que Francis Albert Sinatra pouvait chanter sa liste de commissions et faire quand même se pâmer les foules. Plus tard, septuagénaire peinant à vendre des disques, mais remplissant toujours les salles, il oubliait les paroles en concert et continuait malgré tout, encouragé par le public venu voir le copain de toute une vie. Le film (réalisé en 2015) d’Annette Baumeister fait défiler fans, amis et biographes pour dérouler une histoire typiquement américaine, avec ses pics, ses chutes (pas tant que ça) et bien sûr ses contradictions : celle du fils d’immigrés italiens, claquant sans diplôme la porte des écoles, et qui serinera plus tard à ses protégés les vertus de l’éducation. Aussi celle du chanteur vulnérable à minettes des années 40 devenant un dur aux réflexes de mafieux – sans, a priori, les têtes de cheval déposées dans les lits de fâcheux, mais avec l’amour des bandes et entourages, avec le Rat Pack comme clique médiatique et respectable. Frank Sinatra fut aussi en phase avec la jeunesse bourrée d’hormones de son temps (celle qui pouvait piquer ses nœuds papillons comme si c’était une relique), et rejeter ensuite le rock (le documentaire raconte comment il fulminait dès qu’il entendait Light My Fire des Doors à l’autoradio). Ironiquement, il grappilla à peine des bouts de hype au travers de l’existence même de sa fille Nancy Sinatra. Le chanteur soutint le mouvement des droits civiques, la déségrégation à Las Vegas, puis vira nixonien et reaganien – la faute à l’âge, dira-t-il.

«C’est comme si on appuyait sur un bouton et voilà»

Mais au-dessus de tout cela, reste LA voix, celle qui apaise et guérit. Un évènement traumatique aux Etats-Unis (la mort d’un président, l’explosion de la navette Challenger…) ? Passez du Sinatra sur les ondes comme un baume au cœur. Ou déployez sa discographie sur toute une vie et vous obtenez aisément la bande-son de celle-ci, «de vos premiers amours, de votre mariage, de votre divorce et même de votre remariage», relève-t-on. Ce chant, dont le chanteur Gregory Porter, pourtant pas novice, déclare : «Ça a l’air facile avec lui, c’est comme si on appuyait sur un bouton et voilà.» Bien sûr, tout cela tenait à un travail acharné et surtout d’incarnation, résumé dans le documentaire par un autre monument vocal, Charles Aznavour : «Pour chanter, il faut interpréter pour être davantage entendu par le public. Parce que ce qu’on dit, c’est souvent ce que le public pense et ne sait pas écrire.»

Le secret de Sinatra donc, qui explique aussi sa translation aisée vers le cinéma. On oublie souvent que l’icône était au creux de la vague, artistiquement et commercialement, à partir de 1946, distancé par le plus pépère Bing Crosby. Sa renaissance passera par le spectacle total : devenir pensionnaire sur les scènes des casinos de Vegas et surtout décrocher l’oscar du meilleur second rôle en 1954 dans Tant qu’il y aura des hommes de Fred Zinnemann. Frank Sinatra, le crooner à la voix de velours suggère la piste de l’artiste éternellement esseulé, seulement «enthousiaste, exalté, heureux quand il chantait bien». Et on serait presque d’accord. Le documentaire convoque une galerie de doubles : des fans (un imitateur, un ouvrier de chantier crooner), mais aussi tous ses fameux faux jumeaux, amis ou amants, dont il se détache. Parce qu’ils lui sont trop ressemblants. Et qu’il ne doit en rester qu’un ou une. C’est Ava Gardner, son ex-femme aussi revêche, têtue et abrasive que lui. C’est John F. Kennedy, tout aussi charismatique, et qui, une fois élu président, rejeta un Sinatra qui avait pourtant fait énergiquement campagne pour lui (Robert Kennedy trouvait gênante la proximité amicale de Sinatra avec le crime organisé). Et ce sont tous les fils et filles de pop et rock avec qui il n’a jamais voulu frayer mais qui ont voulu émuler son charisme main de fer dans du velours. Le discours de remise du Legend Award remis à Sinatra aux Grammy Awards en 1994 fut ainsi donné par Bono : «Les gens du rock l’aiment parce que Frank a ce que nous voulons, l’attitude. C’est le patron des mauvais garçons.» Et on souhaite sincèrement au chanteur de U2 qu’on dise de lui la même chose au même âge de Frank Sinatra lorsque ce dernier rafla cette récompense : 79 ans.

Le dimanche 1er août, à partir de 20h50 sur Arte : Chantons sous la pluie de Stanley Donen et Gene Kelly (1952), suivi du documentaire Frank Sinatra, le crooner à la voix de velours, d’Annette Baumeister et du concert The Main Event (1974) au Madison Square Garden à New York.

Tout le programme sur Arte.tv/summer

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