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Pour son retour sur la Croisette, le cinéaste grec Yorgos Lanthimos délivre son film le plus mal-aimable depuis des années
On aurait dû s’y attendre, non ? Quelques mois à peine après la sortie de Pauvres Créatures, film monstrueux (sous tous ces aspects) du réalisateur grec et ovni Yorgos Lanthimos, ce dernier est de retour, cette fois-ci en Compétition au Festival de Cannes. Le titre : Kinds of Kindness, « types de gentillesse », si l’on doit traduire littéralement en français. Sa durée : 2h44. Son casting : cinq étoiles, allant de Emma Stone à Jesse Plemons, en passant par Williem Dafoe à Margaret Qualley, Joe Alwyn, Mamoudou Athie, Hong Chau et brièvement Hunter Schafer. Le synopsis : on sèche ! Disons-le d’emblée, lorsque le film s’ouvre sur « Sweet Dreams » d’Eurythmics, on sait qu’il va falloir s’accrocher et que le réalisateur nous emmène, à nouveau, dans un manège à sensations fortes.
Une tragédie grecque et outrancière
C’est comme tel qu’il est vendu. Kinds of Kindness, bien que co-écrit avec Efthymis Filippou, est un pur Lanthimos. Le film, divisé en trois parties distinctes à la minute près et aux structures miroirs, suit un monsieur-tout-le-monde qui tente de prendre le contrôle de sa propre vie, tout en étant sous l’égide d’un patriarche ; un policier inquiet parce que sa femme disparue en mer est de retour, mais qu’elle semble être devenue une personne radicalement différente ; et une femme déterminée à percer le mystère de la résurrection, tout en voulant rejoindre une secte… Joyeux programme ! A l’image d’une anthologie, le cinéaste déroule cette épopée suspendue dans le temps avec ses acteurs qui se donnent à des rôles variés. La photographie, signée Robbie Ryan, est léchée, rendant l’image parfaitement lisse, par instant, en adéquation avec cette réalisation clinique et radicale – Lanthimos n’a jamais été aussi précis dans la conception de ses plans. Malgré cette forme alléchante, au premier abord, le film s’étend, s’étend et nous, on peine à se détendre malheureusement.
Si certaines scènes, cocasses et parfois drôles, dépeignent assez bien notre envie (maladive) d’être aimés et respectés, d’avoir une place, il est difficile de ne pas tomber dans un vortex nauséabond, en proie à un certain ennui. Les dialogues, ciselés, font parfois volontairement grincer des dents, tandis que les retournements (qu’on ne dévoilera pas), feraient pâlir un carnivore. En somme, le film est une satire féroce, peut-être le premier véritable malaise cannois, qui donnerait presque du fil à retordre au film le moins aimable du cinéaste à ce jour, Canine (2009). On a bien là face à nous l’œuvre d’un auteur toujours aussi fasciné par la philanthropie, mais ne serait-il pas temps de resserrer un peu son cadre et son sujet. On en ressort avec le tournis et une question : où est-ce qu’elle est, la gentillesse ?
Kinds of Kindness, réalisé par Yorgos Lanthimos, avec Emma Stone, Jesse Plemons, Williem Dafoe, Margaret Qualley, Joe Alwyn, Mamoudou Athie, Hong Chau, Hunter Schafer. En salles le 26 juin.
Samuel Regnard