Coupe du monde de rugby : France-Namibie, que du bon sauf pour ...
La polémique apparaîtra aussi vaine qu’inévitable : fallait-il aligner la quintessence du rugby français face à une équipe aussi démunie que la Namibie, dont nul n’imaginait une seule seconde qu’elle puisse inquiéter un des trois grands favoris de la Coupe du monde ? Laisser les tauliers en tongs et c’était les priver d’un épanchement pourtant nécessaire, avant de retrouver une moyenne cylindrée, l’Italie, puis un super-poids lourd en quart de finale (sans doute l’Afrique du Sud ou l’Irlande). Les faire galoper sur la pelouse du Stade-Vélodrome de Marseille et ils encouraient le risque de se blesser, toujours très réel au rugby.
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A la 45e minute d’un match qui était déjà plié avant d’avoir commencé, et que, de fait, les Bleus dominaient outrageusement, Antoine Dupont a été violemment heurté au visage par le troisième ligne et capitaine de la Namibie, Johan Deysel. Un geste brutal, sanctionné d’un carton rouge, plus proche de la maladresse que de l’agression caractérisée, mais qui met la France sens dessus dessous : avec une suspicion de fissure ou de fracture du maxillaire, c’est tout un pays qui retient son souffle à l’idée que le capitaine du XV de France, leader indispensable et tête de gondole (y compris au niveau du marketing) d’un plan de conquête minutieusement chantourné, puisse ne pas poursuivre l’aventure comme prévu.
«Tout le monde avait envie de faire ce match»Au moment de commenter une victoire pourtant historique, d’un strict point de vue comptable (la plus large du XV de France, 96-0, avec un record de points à la mi-temps, 54, et quatorze essais inscrits au gré d’une performance sérieuse de bout en bout), le sélectionneur, Fabien Galthié, a donc été sommé de rendre des comptes : «Nous avons gagné devant un public fantastique, il y a quelque chose d’irrationnel dans ce stade. Mais on n’est jamais heureux quand un joueur se blesse. On est toujours concernés […]. Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ? On avait prévu un à cinq changements à la mi-temps, le reste autour de la 55e minute. Je ne peux pas sortir quinze joueurs en même temps. Le but était de prendre du temps de jeu.»
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Puis, comme si le fatalisme ne suffisait pas, le patron du XV de France a tendu la perche, sur un ton drolatique, manifestement destiné à dédramatiser la situation, à Charles Ollivon, qui avait entre-temps hérité de ce brassard de capitaine qui lui avait été initialement confié, à partir de 2020, avant que Dupont ne s’impose aux yeux de tous. Demandant au troisième ligne de Toulon s’il avait tenu lui aussi à participer à la rencontre, la réponse n’a évidemment pas fait un pli : «Bien sûr, toute l’équipe avait envie de faire partie de ce match, c’était important, capital»… au risque et péril des compétiteurs, a philosophé le gaillard barbu. «Sur le moment, on ne voit pas ce qui se passe. Mais avec l’image du choc, sur le grand écran, on a compris que la tête était touchée. Tout de suite, le message était simple et clair pour tout le monde : se remettre en ordre de marche […] sans tergiverser. Ce sont des faits de matchs qui arrivent souvent, il y a de petites [à signaler, ici, des inquiétudes a priori sans conséquence, pour Uini Atonio et Paul Boudehent, ndlr] et de grandes blessures. Ça fait partie du job.»
«Se régénérer avec les proches»Un son de cloche qu’on entendait aussi chez l’arrière Thomas Ramos, contraint d’injecter dans la satisfaction légitime («un match plein, où on se fait plaisir en attaque, tout en encaissant zéro point»), procurée par une victoire pantagruélique, une dose honnête de lucidité («la Namibie a beaucoup d’amateurs, il faut rester réalistes face à la différence de niveau entre les deux équipes»). De même que l’arrière du Stade toulousain, par conséquent également partenaire en club d’Antoine Dupont, ne manquait pas d’exprimer une inquiétude nimbée de compassion à l’évocation d’une blessure dont, une heure après le coup de sifflet final, personne ne connaissait la nature exacte, ni les éventuelles conséquences afférentes pour le moral des troupes.
Avec un total de treize points au classement, en trois rencontres, la France reste en tête du groupe A, dans lequel il ne lui reste plus qu’un match à jouer, contre l’Italie, le samedi 6 octobre. Dans l’immédiat, les joueurs ont droit à trois jours libres, qui vont permettre de «se régénérer en famille et avec les proches», concède Thomas Ramos. «On en profitera également pour établir des bilans personnalisés, sur le plan physique, psychologique, puis on repartira sur une semaine d’entraînement, pour continuer à nous développer, avant de se focaliser sur l’Italie», précise Fabien Galthié. Une coupure qui pourrait se révéler également providentielle pour l’éclopé désormais le plus célèbre du territoire.