Fête de famille (France 2) Quand Catherine Deneuve intimide le réalisateur Cédric Kahn
Au cinéma, les fêtes de famille tournent souvent au vinaigre. Et celle organisée par Cédric Kahn, que le drame Festen a marqué au fer rouge, n’échappe pas à la règle. L’éclectique réalisateur de L’Ennui, Une vie meilleure, La Prière a attendu trente ans avant de s’autoriser à écrire ce récit. « Une histoire inspirée de choses personnelles », précise-t-il, sans toutefois donner plus de détails. Sa tragi-comédie en trois actes gravite autour d’Andréa : elle a réuni ses fils pour fêter ses 70 ans. L’aîné, Vincent, roule en berline, il se vante d’avoir réussi, tandis que Romain, artiste fauché, braque sa caméra amateur sur les siens, pour un film vérité. Tous deux ont emmené enfants et conjointe. La journée s’annonce radieuse, joyeuse. Quand sa fille, la mystérieuse Claire, refait surface après trois ans d’absence, espérant récupérer 200 000 €. Cette famille, alors bâtie sur une masse explosive de non-dits et de secrets enfouis, va voler en éclats.
Catherine Deneuve, “maman” et muse
Afin de composer son casting, Cédric Kahn a commencé par la mère, Andréa, la pierre angulaire de l’édifice familial, qu’incarne Catherine Deneuve. « J’ai pensé à elle, dès l’écriture. Son statut, son aura, sa fantaisie, son humanité, tout entrait en résonance avec le personnage. » L’actrice lui a rapidement donné son accord, séduite par ce sujet intemporel. « J’organise très souvent des Noëls chez moi, à la campagne, raconte-telle. Et dans un cercle intime, naissent forcément des tensions, des désaccords. Même si je n’ai jamais vécu des moments aussi dramatiques que dans le film. » Au début intimidé face à elle, stressé de ne pas être à la hauteur, le cinéaste a néanmoins rapidement trouvé ses marques. « Je jouais moi-même le rôle du fils aîné, explique-t-il. Durant les prises, je devais donc l’appeler “maman”. De quoi créer une intimité immédiate. » Il loue aussi sa curiosité et sa jeunesse d’esprit. De son côté, Emmanuelle Bercot, l’interprète de Claire, considère Catherine Deneuve comme une muse. Elle entretient avec la star une relation complice, depuis le film Elle s’en va, en 2013, qu’elle avait réalisé et écrit spécialement pour elle. Elle l’a également dirigée dans La Tête haute et, plus récemment, dans De son vivant. « Catherine aime prouver son affection, elle a toujours des petites attentions. Si je n’ai plus de bouilloire, elle m’en offre une le lendemain. Elle sait que j’adore le poivre, alors elle m’en rapporte à chacun de ses voyages. Je ne compte plus les cadeaux qu’elle m’a offerts. »
Emmanuelle Bercot, épatante en fille bipolaire
Dans ce drame choral grinçant, que Cédric Kahn a réalisé dans un « élan tripal », les scènes les plus dingues et les plus dérangeantes reviennent à Emmanuelle Bercot. Elle hurle, pique des crises, se cogne la tête contre la table. Se teindre en blond peroxydé et enfiler une robe léopard l’ont aidée à entrer dans la peau de Claire, la bipolaire. « J’aime les comédiens comme elle, qui impriment leur personnage, qui y mettent leur vie », se réjouit le cinéaste. L’actrice, elle, souligne le contraste entre son rôle et l’ambiance décontractée qui régnait sur le plateau : « Avec tous ces acteurs réunis dans cette grande maison, dans le Sud-Ouest, je me sentais protégée, apaisée, comme si j’appartenais à une troupe de théâtre… » Emmanuelle Bercot, dans une prestation viscérale digne de Gena Rowlands, n’a jamais autant ébloui. Quant à Cédric Kahn, il réussit ici son film le plus chaotique et le plus marquant.
Fête de famille : dimanche 6 février à 21h10 sur France 2
Laurent Djian